Par Julia Itel – Publié le 14/03/2023

Grégoire XI est le 201e pape de l’Église catholique mais le quatrième à avoir régné en Avignon. En effet, au cours du XIVe siècle, la cour pontificale s’établit hors de Rome et s’installe dans la ville provençale. Revenons ici sur l’histoire de la papauté avignonnaise et sur le dernier pape français ayant jamais régné. 

Pourquoi la papauté s’installe-t-elle en Avignon ?

Une papauté française

C'est presque par accident que la cour pontificale s’installe, au début du XIVe siècle, en Avignon. À la mort du pape Boniface VIII, les cardinaux élisent à Pérouse Bertrand de Got, l’archevêque de Bordeaux qui se trouve alors en France. Le nouveau pape prend le nom de Clément V et se fait couronner à Lyon. En ce temps, l’Italie et les villes des États pontificaux sont marquées par une forte instabilité politique. Clément V n’envisage donc pas tout de suite de se rendre à Rome et effectue plusieurs voyages dans le sud de la France actuelle. Souhaitant un jour rejoindre Vienne, il fait une halte en Avignon et s’installe au couvent des Dominicains. Malade, il décide d’y rester. 

Clément V nomme un grand nombre de cardinaux français. Son successeur, Jean XXII, choisit de rester dans la ville provençale.


Avignon au XIVe siècle

Avignon se situe du côté provençal du Rhône et appartient au comte de Provence, Charles d’Anjou, aussi vassal du pape. Située à la frontière française, la ville est, au Moyen Âge, située au carrefour des grandes routes du Saint-Empire et son accès fluvial lui permet de relier facilement le Nord et le Sud de l’Europe. 

Au total, sept papes – tous occitans (du sud de la France) – se succèdent en Avignon jusqu’à la fin du pontificat de Grégoire XI, en 1378. La ville devient, dès lors, la nouvelle capitale européenne de la chrétienté et se développe en un important centre politique, culturel et artistique qui annonce, avant l’heure, le mouvement de la Renaissance italienne. En effet, les papes encouragent le développement des arts et des lettres. La Cité des papes, érigée entre 1335 et 1341 sous l’impulsion de Jean XXII puis Clément VI pour accueillir la Curie, est d’ailleurs le palais gothique le plus important d’Europe.

À voir « Le Palais des papes d’Avignon »

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La papauté avignonnaise

Durant les deux siècles précédents, la cour pontificale séjourne en réalité très peu à Rome. L’émergence d’États centralisés et forts, appuyant l’essor de la bourgeoisie, tend à affaiblir le pouvoir temporel du pape. Toutefois, l’établissement en Avignon permet à la papauté de se stabiliser et de se centraliser, notamment par le développement d’un système fortement bureaucratisé. En effet, presque tous les papes d’Avignon sont juristes de formation. De plus, le pape s’appuie sur la répression des hérésies et les nombreux procès d’Inquisition de groupes s’érigeant contre la corruption de la papauté (comme l’ordre franciscain) pour affirmer son pouvoir. 

Loin des tumultes romains, les papes jouissent donc ici d’une liberté quasi-totale pour exercer leur ministère. Néanmoins, nombreux sont ceux qui tentent de réinstaller la cour pontificale dans la Ville éternelle, comme Urbain V qui, après un court séjour à Rome, meurt en Avignon après avoir tenté de réconcilier les Royaumes de France et d’Angleterre. 

C'est Grégoire XI, son successeur, qui parvient à ramener la papauté à Rome.


Qui est Grégoire XI ?

Le dernier pape français

Pierre Roger de Beaufort est né en 1329 en Corrèze. Il est le neveu du pape Clément VI (4e pape ayant régné en Avignon) qui le nomme cardinal le 28 mai 1348. Docteur en droit canonique et théologien, on lui reconnaît un sens aigu de la morale. À la mort de son prédécesseur, Urbain V, les cardinaux réunis en conclave se mettent rapidement d’accord et élisent à l’unanimité Grégoire XI le 30 décembre 1370. Il est le 201e pape de l’Église catholique. Mais, afin de pouvoir occuper ses nouvelles fonctions, il est d’abord ordonné prêtre, puis évêque, le 4 janvier 1371 et couronné pape le jour suivant. 

Diplomate, le nouveau pape émet le souhait, dès le début de son pontificat, de mettre fin à la Guerre de Cent ans en tentant de réconcilier la France et l’Angleterre, sans succès. Il cherche également à réunir les Églises romaine et grecque dans l’objectif d’entreprendre une nouvelle croisade pour contrer l’avancée des musulmans à Constantinople.


Le retour à Rome

Mais le fait marquant du pontificat de Grégoire XI est le retour tant espéré du Saint-Siège à Rome. Dès 1372, Grégoire XI affirme vouloir y ramener la cour pontificale. Mais des révoltes, initiées par Florence et s’étendant à toutes les villes des États pontificaux, retardent son projet. En effet, lorsque Florence a ouï dire du projet du pape de rentrer à Rome, celle-ci craint qu’on ne lui enlève un certain nombre de privilèges. De plus, les légats élus par le pape sont français et connaissent peu de chose aux affaires italiennes, ce qui joue en faveur de la contestation florentine. Pour calmer les émeutes, Grégoire XI exclut Florence de la chrétienté, excommunie ses habitants et demande aux autres pays de ne plus commercer avec la « cité du lys ». 

Encouragé par les mystiques et visionnaires Brigitte de Suède (1303-1373) et Catherine de Sienne (1347-1380), Grégoire XI quitte Avignon et embarque de Marseille en octobre 1376 pour Rome. Il arrive à destination le 17 janvier 1377. Mais quelques mois après seulement, des émeutes romaines le forcent à quitter la ville pour se réfugier à Anagni. Lorsque les rebelles se soumettent, le pape peut enfin rentrer définitivement à Rome, le 7 novembre 1377.


Épuisé et de santé fragile, Grégoire XI meurt le 26 mars 1378. Il se fait enterrer à Rome, dans la basilique Santa Francesca Romana. Après sa mort, commence le Grand Schisme d’Occident.


Qu’est-ce que le Grand Schisme d’Occident ?

À la mort de Grégoire XI, le conclave s’organise à Rome. Sous la pression populaire, les 16 cardinaux (dont 12 sont français) élisent un prélat italien, Bartolomeo Prignano, qui prend le nom d’Urbain VI. Mais une partie des cardinaux, inquiète de la personnalité imprévisible du pape (on le dit fou), déclare son élection invalide et élit un autre pape, cette fois français : Clément VII qui s’installe…en Avignon ! 

La chrétienté se retrouve avec deux papes ; l’un à Rome, l’autre en Avignon. Le Grand Schisme, qui dure 40 ans, devient un élément essentiel de la géopolitique du début du XVe siècle. Les États se rallient à l’un ou l’autre pape : la France à Avignon, l’Angleterre à Rome. 

Avec les années, la lassitude s’installe et plusieurs tentatives de réconciliation sont entreprises, toujours sans succès. Au début du XVe siècle, l’empereur Sigismond de Luxembourg entame des négociations afin de régler le schisme. Si, dans un premier temps, la situation ne s’améliore guère (les cardinaux réunis au concile de Pise élisent en juin 1409 un troisième pape !), le concile convoqué à Constance en 1417 permet de trouver une issue : les trois papes sont destitués et un nouveau pape, le cardinal Colonna connu sous le nom de Martin V, est élu. En 1420, le pape s’installe définitivement à Rome, non plus au palais antique de Latran, mais au Vatican.

Partez sur les traces de saint Pierre à Rome, là où la papauté a commencé

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