Par Julia Itel – Publié le 15/06/2023
La canonisation est le processus par lequel l'Église catholique proclame officiellement qu’une personne est sainte. Relevant de la décision du pape, la canonisation reconnaît ainsi l'exemplarité de la personne ainsi que la relation particulière qu'elle a su tisser avec Dieu.
Pourquoi dit-on « canoniser » ?
Étymologiquement, le terme « canoniser » vient de la racine grecque kane, « roseau droit », qui a donné le mot kanôn, signifiant « règle ». Au sens littéral, celui-ci représente la règle ou le modèle que l’on utilise pour mesurer. Mais dans son acception métaphorique, celle qui nous intéresse, il s’agit d’un modèle de régulation.
Saint Paul utilise ce terme pour désigner la règle de conduite que doivent suivre les chrétiens (Ga 6, 16). Le terme a ensuite donné en latin le verbe canonizare, qui signifie « inclure dans le canon », c'est-à-dire l'acte de déclarer officiellement une personne sainte et l’inscrire dans le catalogue des saints.
Comment devient-on saint ?
Qu’est-ce qu’un saint ?
Avant de savoir ce que signifie être « reconnu officiellement comme saint », il est utile de rappeler le contexte théologique. Dans la foi chrétienne, seul Dieu est saint. Il est même trois fois saint, comme le chante le sanctus lors de la messe. Sa sainteté est absolue et lui appartient en propre. Le Christ, étant le Fils de Dieu, est également saint de par sa divinité. Il nous transmet cette sainteté lorsque nous recevons la grâce du baptême, par elle, nous participons à la sainteté de Dieu. C’est ainsi que saint Paul appelle saints tous les croyants dans ses lettres. La sainteté est donc une vocation universelle, pour les croyants bien sûr mais aussi pour tous les hommes. Tous sont appelés à vivre après la mort en présence de Dieu dans la vie éternelle.
Parmi tous les croyants, le tire de saint peut être attribué à un catholique défunt après que l’Église lui ait reconnu une vie particulièrement vertueuse, vécue en communion avec Dieu. Les saints sont considérés comme des modèles de vertu pour les fidèles à qui ils sont donnés en exemple.
Comment est-on reconnu saint ?
Le culte des saints
Le culte des saints est apparu dans les premiers siècles du christianisme. Entre 155 et 170, les chrétiens de Smyrne demandent à récupérer le corps de Polycarpe, mort en martyr, dans le but d’assembler « ses ossements plus précieux que des pierres de grand prix et plus précieux que l’or, pour les déposer en un lieu convenable ». Ils souhaitent ainsi se recueillir sur sa tombe afin d’y célébrer l’eucharistie le jour anniversaire de son martyre, considéré alors comme une naissance au Ciel. Le fait que les premiers chrétiens reconnus saints soit des martyrs n’est pas un hasard. En effet, le martyr, par sa mort, manifeste son attachement au Christ souffrant et mort sur la croix. Sa suite du Christ est explicite et sa ressemblance avec Jésus est rendu visible.
Dès cette époque, les chrétiens ont conscience que le « culte » rendu aux saints se distingue nettement de l’adoration rendue à Dieu. La lettre des chrétiens de Smyrne en témoigne : « Nous adorons le Christ, parce qu’il est le Fils de Dieu ; quant aux martyrs, c’est en leur qualité de disciples et d’imitateurs du Seigneur que nous les aimons. » Par leur proximité avec Dieu, les saints sont en mesure d’intercéder pour les croyants encore en chemin, c’est-à-dire de nous soutenir par leurs prières et de présenter les nôtres au Seigneur. Cette solidarité entre les membres de l’Église, qu’ils soient déjà au ciel ou encore sur la terre, est appelée la « communion des saints »
La pratique se répand et s'étend à tous ceux qui ont mené une vie de vertu et qui se sont illustrés comme témoins de la foi : les confesseurs, les évangélisateurs, ceux ayant enrichi de manière significative la doctrine de l'Église et qui ont participé à son rayonnement spirituel comme les Pères de l’Église. Au Moyen Âge, se sont ajoutés certains évêques, des souverains ayant soutenu la christianisation de leurs terres, les fondateurs d'ordres monastiques, etc.
Le culte des saints peut comprendre aussi la vénération de leurs reliques, c’est-à-dire des objets qui leur ont appartenus et à plus forte raison de leur corps. L’affection pour une personne ayant témoigné de la sainteté de Dieu au cours de sa vie se prolonge par un respect pour ce qui évoque son souvenir. Celles-ci sont souvent conservées dans des églises et des sanctuaires, ce qui a eu pour conséquence d’attirer de nombreux pèlerins en ces lieux de sépulture, dans le but de demander protection et guérison. Néanmoins, cela présente un risque de dérive vers la superstition, lorsque la piété populaire s’en empare comme d’objets possédant en eux-mêmes une puissance spirituelle.
Comment canoniser une personne ?
Dans les premiers temps, l'accès à la sainteté se fait par la vox populi. Après que des chrétiens ont demandé qu'une figure marquante de leur diocèse devienne sainte, c'est ensuite l'évêque local qui confirme la réputation de sainteté du défunt. Mais à partir du XIIIe siècle, à la fois pour éviter les abus et pour renforcer l'autorité pontificale, c'est désormais au pape de déterminer l'accès à la sainteté. Une procédure officielle, nommée « le procès en canonisation », et alors mise en place.
À voir « La canonisation, mode d’emploi »
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Le procès en canonisation
Le procès en canonisation est divisé en plusieurs étapes. Cinq ans minimum après le trépas du fidèle, comme c'était déjà le cas à l'époque, les chrétiens demandent à l'évêque du diocèse où est mort le candidat d'ouvrir un dossier pour établir la réputation de sainteté du défunt. Une enquête diocésaine est alors ouverte et des témoignages et preuves documentaires, recueillies par des experts, sont récoltés. Si celle-ci aboutit à des conclusions favorables, le dossier est envoyé au Vatican, à la Congrégation pour les causes des saints, qui instruit l’ensemble des demandes de béatification et de canonisation.
Le décret d’héroïcité des vertus
Là, un rapporteur est désigné pour élaborer la positio, c'est-à-dire une synthèse du dossier et un collège de cardinaux et d’évêques décident du premier titre attribué à la personne en voie de sainteté : le décret d’héroïcité des vertus (signé par le pape), ce qui le rend « vénérable ». Pour cela, on a dû reconnaître au défunt sa fidélité à l’Église, sa volonté de s’être conformé à l’Évangile et d’avoir pratiqué la charité.
La béatification
La deuxième étape dans l’accès à la sainteté est la béatification. Pour que le pape proclame la béatification du défunt, au moins un miracle (accompli après sa mort, par exemple une guérison) doit être reconnu par une commission composée d’experts (par exemple, des médecins), de théologiens, de cardinaux et d’évêques membres de la Congrégation pour les causes des saints. Si la personne est morte en martyre, alors on la dispense de l’accomplissement du miracle.
La béatification confère au « bienheureux » une place spéciale dans l'Église et autorise son culte limité à un niveau local. Les fidèles peuvent prier et invoquer l'intercession du bienheureux pour obtenir des faveurs spirituelles ou des grâces particulières. La béatification est célébrée lors d'une cérémonie, généralement dans le lieu d'origine du bienheureux ou dans un lieu significatif de sa vie.
La canonisation
Après qu’une personne a été béatifiée (serviteur de Dieu est le premier stade avant celui de vénérable), une enquête supplémentaire peut être ouverte afin de déterminer si celle-ci peut être proclamée comme sainte. A minima, un miracle supplémentaire doit être attribué au candidat. Une fois confirmé et approuvé, le pape prononce alors la canonisation officielle, déclarant que le défunt est un saint, qu’il est digne d'être vénéré universellement par les fidèles catholiques et que son intercession peut être recherchée.
Quelle est la différence entre « béatification » et « canonisation » ?
La béatification représente une des étapes du processus de canonisation. C'est une déclaration officielle du pape, proclamant que le défunt, appelé « serviteur de Dieu », est « bienheureux ». Cela signifie qu’elle jouit, au paradis, de la béatitude. La béatification est donc une reconnaissance que la personne a mené une vie de vertu exemplaire et est digne d'une vénération et d'un culte restreints.
La canonisation, quant à elle, est la dernière étape du processus de l’accès à la sainteté. Elle est également proclamée par le pape et elle déclare que le saint est reconnu universellement dans l’Église catholique.
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