Par Julia Itel – Publié le 23/10/2024
Le concile de Nicée, convoqué en 325 par l'empereur Constantin, est le premier concile œcuménique de l'Église. Parmi les décisions importantes prises figurent la condamnation de l'arianisme, l’affirmation de la divinité pleine et entière de Jésus-Christ, et la formulation du Credo de Nicée, une déclaration fondamentale de la foi chrétienne.
Qu’est-ce qu’un concile ?
Une assemblée d’évêques
Du latin concilium, signifiant « assemblée », le concile est une assemblée d'évêques réunis pour délibérer et statuer sur des questions dogmatiques et de discipline ecclésiastique. Son but, selon l’historien Yves Chiron, est de « définir, préciser ou réaffirmer la doctrine de la foi, et de redresser ou réformer la discipline de l’Église (c'est-à-dire l’organisation ecclésiastique et le comportement des fidèles, des clercs ou des évêques) ».
Les conciles produisent des décisions et des actes qui doivent être validés par le pape pour être promulgués. Il existe plusieurs types de conciles comme les conciles provinciaux, qui rassemblent les évêques d'une même province sous l'autorité d'un archevêque, et les conciles pléniers, qui regroupent les évêques d'un même pays, souvent sous la présidence d’un légat papal.
Le concile œcuménique
Mais le type de concile qui jouit d’une autorité particulière, depuis les débuts du christianisme, est le concile œcuménique, ou universel. Le concile œcuménique, convoqué par le pape, rassemble les évêques de l’oikoumenè, soit « l’ensemble de la terre ‘habitée’ » et donc du monde chrétien.
Ce type de concile se distingue des conciles provinciaux et pléniers par son caractère universel et ses décisions qui s'appliquent à l'Église entière. Elles ont ainsi valeur obligatoire pour l’ensemble des chrétiens. Cependant, certains conciles qualifiés d'œcuméniques, comme Vatican II, sont en fait des conciles généraux, car ils ne concernent que l'Église catholique. Historiquement, les premiers conciles œcuméniques sont convoqués par les empereurs romains, et non par le pape, car l'évêque de Rome n'a pas encore autorité universelle. C'est le cas du concile de Nicée.
Le concile de Nicée : le premier des 21 conciles œcuméniques de l’Église
Après la ratification de l’édit de Milan en 313 et l’adoption du christianisme comme religion d’État, l’empereur Constantin convoque du 20 mai au 25 juillet 325 le premier concile œcuménique à Nicée (dans l’actuelle Turquie), dans son palais d’été. Si la tradition indique la présence de 318 évêques, rappelant ainsi les 318 serviteurs d’Abraham (Gn 14, 14), les historiens en comptent plutôt entre 250 et 300, venus d’Orient et d’Occident.
Le concile de Nicée fait partie des quatre premiers conciles les plus importants du christianisme en raison de la formulation des dogmes fondamentaux sur la nature du Christ et de la Trinité à travers, notamment, l’adoption du Credo.
Histoires de croire - Constantin, premier empereur chrétien : les origines de l'arianisme
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Définir l’orthodoxie de la foi…
Lutter contre l’arianisme
Constantin convoque le concile de Nicée principalement pour résoudre la crise provoquée par l'arianisme, une doctrine chrétienne qui conteste la pleine divinité de Jésus-Christ.
L'arianisme, prôné par le prêtre d’Alexandrie Arius (256-336), soutient que Jésus est une créature subordonnée à Dieu le Père, et non de la même essence divine. Selon lui, la nature divine est éternelle et incréée ce qui implique que le Fils, puisqu’il est engendré et donc créé, ne peut être de même nature que le Père. D’après le père Charles Mallard, théologien, Arius s’inspire pour élaborer sa doctrine du philosophe Philon d’Alexandrie : le Christ serait ainsi un démiurge, « c'est-à-dire celui que Dieu crée pour que soit créé le reste du monde. Il n’est donc pas fils par nature mais par adoption. Le problème, comme le remarque Athanase, c'est que si le Christ n’est pas Dieu, alors il n’est qu’un héros, et nous ne sommes pas vraiment sauvés » (Histoire de la foi en suivant les conciles, 2023, p. 21). Déjà condamné en 318 au concile régional d’Alexandrie puis en 324 à Antioche pour hérésie, Arius réussit toutefois à répandre efficacement sa doctrine, notamment auprès d’Eusèbe de Nicomédie, un évêque influent à la cour impérial.
Cette controverse théologique divise alors profondément l'Église et menace l'unité et la stabilité politique de l'Empire romain, ayant récemment adopté le christianisme comme religion d’État. Il convient également de souligner qu’en plus de l’arianisme figurent deux autres doctrines hétérodoxes, le modalisme (ou unitarisme) et le subordinationisme, toutefois moins influentes que celles d’Arius. C'est dans ce contexte tendu que Constantin décide de convoquer l’ensemble des évêques à Nicée pour discuter des fondements doctrinaux de la foi et définir ce qu’est l’orthodoxie chrétienne.
Histoires de croire - Le concile de Nicée et l'arianisme
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Le Credo de Nicée et le dogme de la consubstantialité
La solution apportée à la crise arienne, lors du concile de Nicée, est l’adoption du Symbole de Nicée-Constantinople, plus connu sous le nom de Credo (« je crois » en latin), qui confirme la vision trinitaire de la foi chrétienne : Dieu est à la fois Père, Fils et Saint-Esprit. Initié sous le concile de Nicée, celui-ci est actualisé et adopté définitivement lors du premier concile de Constantinople, en 381.
Étymologiquement, le terme « symbole » vient du grec ancien sumbolon qui signifie « mettre ensemble ». Le sumbolon désignait un objet brisé en deux qui était ensuite partagé entre deux partenaires ; il servait alors à sceller un contrat. Ceci a permis d’attribuer au symbole le sens premier d’un engagement, d’une alliance ou d’une promesse, ce qui renvoie à l’adhésion du chrétien à la Parole de Dieu. Car le Credo est avant tout une profession de foi, rassemblant tous les chrétiens autour d’un même dogme : celui de la consubstantialité, du grec homoousios (homos, « même » et ousia, « essence » ou « substance »). En récitant le Credo, les chrétiens déclarent leur foi en l’unité du Père, du Fils et du Saint-Esprit qui partagent la même essence divine. C'est ce que résument les Pères de l’Église cappadociens Basile de Césarée, Grégoire de Nysse et Grégoire de Nazianze dans la formule : « Une Essence, trois Personnes ».
C'est toujours le Credo de Nicée-Constantinople que nous récitons aujourd'hui :
Je crois en un seul Dieu, le Père tout puissant,
créateur du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible,
Je crois en un seul Seigneur, Jésus Christ,
le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles :
Il est Dieu, né de Dieu,
lumière, née de la lumière,
vrai Dieu, né du vrai Dieu
Engendré non pas créé,
consubstantiel au Père ;
et par lui tout a été fait.
Pour nous les hommes, et pour notre salut,
il descendit du ciel;
Par l’Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie, et s’est fait homme.
Crucifié pour nous sous Ponce Pilate,
Il souffrit sa passion et fut mis au tombeau.
Il ressuscita le troisième jour,
conformément aux Écritures, et il monta au ciel;
il est assis à la droite du Père.
Il reviendra dans la gloire, pour juger les vivants et les morts
et son règne n’aura pas de fin.
Je crois en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie;
il procède du Père et du Fils.
Avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire;
il a parlé par les prophètes.
Je crois en l’Église, une, sainte, catholique et apostolique.
Je reconnais un seul baptême pour le pardon des péchés.
J’attends la résurrection des morts, et la vie du monde à venir.
Amen
Le Credo est adopté par tous les évêques, à l’exception d’Arius et de deux de ses partisans, les évêques Second de Ptolémaïde et Théonas de Marmarique. Ces derniers sont anathématisés, c'est-à-dire condamnés pour hérésie et excommuniés de la communauté de foi. Néanmoins, cela ne suffit pas à étouffer la crise arienne et il faut attendre le concile de Constantinople (381) pour que l’arianisme s’essouffle pour de bon.
… et quelques 20 canons
En plus de la formulation du Credo de Nicée, 20 canons (ou règles) disciplinaires sont adoptés pour réguler divers aspects de la vie ecclésiastique et administrative de l'Église. Parmi les plus marquants, l’on peut citer le canon III qui interdit aux membres du clergé (évêques, prêtres et diacres) de cohabiter avec des femmes, à moins qu'il ne s'agisse de proches parentes comme une mère, une sœur ou une tante. Cette règle visait à prévenir les scandales et à maintenir la réputation et la discipline des membres du clergé ; le canon VI qui reconnaît la prééminence régionale de certains grands sièges épiscopaux comme Alexandrie, Antioche et Rome ; ou le canon XX qui interdit de prier à genoux le dimanche et pendant la période de la Pentecôte, pour marquer ces jours comme des temps de joie et de résurrection.