Par Julia Itel – Publié le 22/07/2024

Après avoir mentionné les points de divergences entre les Églises catholique et orthodoxe, nous nous penchons cette fois-ci sur les différences entre la foi catholique et la foi protestante. Mais pour cela, commençons par présenter le protestantisme…

 

Qu’est-ce que le protestantisme ?

Le protestantisme est l’une des principales branches de la religion chrétienne, avec le catholicisme et la foi orthodoxe. Il apparaît au XVIe siècle en Europe comme une réaction contre certaines pratiques et doctrines de l'Église catholique romaine, connue sous le nom de « Réforme protestante ». 

 

Martin Luther et la naissance du protestantisme

On associe généralement la figure de Martin Luther (1483-1546), un moine et théologien allemand, à la naissance du mouvement de la Réforme protestante. En 1517, ce dernier affiche sur la porte de l’église de la Toussaint à Wittenberg ses « 95 Thèses », dans lesquelles il critique plusieurs pratiques de l’Église catholique comme la vente d’indulgences (des remises de peines du purgatoires pouvant être achetées pour des fidèles). 

En raison de la publication et de la diffusion rapide des 95 Thèses, les idées de Luther, alors menacé d’excommunication, vont déclencher un débat théologique considérable dans toute l’Europe. Elles posent également les bases des doctrines protestantes centrées sur la foi (« sola fide »), la grâce (« sola gratia ») et l’autorité des Écritures (« sola scriptura »). 

 

Le calvinisme suisse

Alors que le luthéranisme commence à gagner du terrain en Allemagne, la Réforme progresse également en Suisse. Jean Calvin (1509-1564), un théologien français et gagné à la Réforme, se réfugie à Genève où il peut exercer comme pasteur. Dans son œuvre majeure, L’institution de la religion chrétienne (1560 pour la dernière édition), il expose les grands principes de la foi protestante parmi lesquels se trouve la doctrine de la prédestination. Selon celle-ci, avant la création du monde, Dieu aurait choisi ceux qui seront sauvés (les « élus ») et ceux qui seront damnés (les « réprouvés »). À celle-ci s’ajoute la doctrine du sacerdoce universel : selon Calvin, chaque chrétien est appelé à servir Dieu dans sa vocation, contribuant ainsi à la vie de la communauté chrétienne. 


Dans les Ordonnances ecclésiastiques (1541), il insiste sur la nécessité d’une discipline rigoureuse au sein de l’Église, impliquant une vie chrétienne stricte et une moralité exemplaire, ce qui vaudra au calvinisme une connotation austère. L'accent mis par Calvin sur la vocation, la discipline personnelle et la responsabilité a été interprété par certains sociologues, comme Max Weber (1904), comme un facteur contribuant au développement du capitalisme. 

 

De l’Église anglicane aux guerres de religion

La Réforme traverse aussi la Manche pour s’inviter chez le roi d’Angleterre, Henri VIII. Alors que le pape refuse au roi d’annuler son mariage avec Catherine d’Aragon, qui ne parvient pas à lui donner un héritier, Henri VIII rompt avec l’Église catholique en 1534 et se proclame lui-même chef suprême de l'Église d'Angleterre, ce qui conduit à la création de l'anglicanisme

Au cours du XVIe siècle, le protestantisme se répand rapidement à travers l'Europe et il ne manque pas de provoquer de nombreux conflits violents, tels les « guerres de religion » se déroulant en France entre 1562 et 1598 et opposant catholiques et protestants (huguenots). Ces guerres sont marquées par des massacres, comme celui de la Saint-Barthélemy en 1572, où des milliers de protestants sont tués à Paris et dans d'autres villes. Alimentées par les rivalités politiques et dynastiques, elles aboutissent à une fragmentation sociale et à une instabilité politique considérables jusqu'à la promulgation de l'Édit de Nantes en 1598 par Henri IV qui met fin aux hostilités et tente de restaurer la paix et l'unité dans le royaume de France en garantissant la liberté de culte aux protestants tout en affirmant le catholicisme comme religion d'État.

 

Le protestantisme : une multiplicité de courants 

Présent aujourd'hui sur l’ensemble de la planète, en particulier l’Europe, les Amériques et le continent africain, le protestantisme englobe une grande variété de traditions, d'églises et de mouvements, chacun ayant ses propres pratiques et croyances spécifiques. En plus du luthéranisme, du calvinisme et de l’anglicanisme mentionnés ci-dessus, on trouve aussi : 

L’anabaptisme : apparu au début du XVIe siècle dans le cadre de la Réforme protestante en Suisse et en Allemagne, l’anabaptisme soutient que seul le baptême des adultes (et non des enfants) est légitime. Ses adeptes insistent sur une vie chrétienne authentique, souvent en opposition aux structures religieuses et politiques de leur temps. Ils mettent l'accent sur la non-violence, la séparation de l'Église et de l'État et la simplicité de la vie communautaire. Parmi les groupes les plus connus d’anabaptistes, on trouve les Amish, connus pour leur rejet des technologies modernes et leur forte présence en Pennsylvanie.

Le baptisme : fondé en 1609 par deux Anglais, John Smyth et Thomas Helwys, le baptisme insiste sur l’autorité de la Bible et sur le baptême des croyants par immersion totale, pratiqué uniquement sur des adultes professant leur foi. 

Le méthodisme : fondé par John Wesley, le méthodisme émerge au XVIIIe siècle en Angleterre comme un mouvement de réforme au sein de l’Église anglicane. Il fait partie des premiers « réveils » protestants du siècle des Lumières. Le méthodisme cherche à revitaliser la foi chrétienne par une stricte discipline religieuse et une pratique fervente. Il met ainsi l’accent sur la sainteté et la piété personnelles et la perfection chrétienne, tout en encourageant l’engagement en faveur des pauvres et des marginalisés (Wesley est l’un des premiers défenseurs de l’abolition de l’esclavage).

Le pentecôtisme : né au début du XXe siècle aux États-Unis et découlant du méthodisme, ce mouvement met en avant une expérience directe et personnelle de Dieu par le baptême dans le Saint-Esprit et la puissance de l'Esprit Saint dans la vie du croyant. Le pentecôtisme est caractérisé par des manifestations charismatiques, résultant de dons du Saint-Esprit, notamment le fait de parler en diverses langues (ce qu’on appelle « glossolalie »), les guérisons miraculeuses et les prophéties. 

L’évangélisme : bien que l’évangélisme fasse partie de la constitution même du protestantisme – le terme « évangélique étant utilisé par les réformateurs pour exprimer leur volonté de revenir à l’Évangile -, c'est avec le puritanisme puis le fondamentalisme que celui-ci commence à être associé à une tendance particulière au sein du protestantisme anglais. Aujourd'hui, l’évangélisme se caractérise par une fidélité à l’Évangile, une adhésion aux confessions de foi orthodoxes (des premiers conciles chrétiens), l’insistance du la conversion personne et un engagement missionnaire et évangélisateur. 

Le pain rompu

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Différences théologiques et doctrinales entre catholicisme et protestantisme

Sola scriptura 

L’une des doctrines fondamentales du protestantisme est celle de la « sola scriptura » (les Écritures seules). Pour les protestants, la Bible est l'autorité suprême en matière de foi et de pratique. Selon eux, la vérité divine est contenue exclusivement dans les Écritures et l’Église est une réalité secondaire dont la mission est de prêcher la Parole et administrer les sacrements. Elle ne se substitue pas au lien direct entre Dieu et les croyants. 

Les protestants rejettent ainsi le Magistère, c'est-à-dire l’autorité enseignante de l’Église, ayant pour but d’interpréter les Écritures. Chez les catholiques, en revanche, la Bible et la Tradition, donc les enseignements transmis par l’Église, sont considérées comme deux sources complémentaires de révélation divine. 

 

Sola fide 

La doctrine de la « sola fide » (la foi seule) affirme que le salut est obtenu par la foi seule en Jésus-Christ, et non par les œuvres ou les mérites personnels sans les œuvres. Seule la foi est suffisante pour être déclaré juste devant Dieu.

Chez les catholiques, le salut est obtenu par la foi mais aussi par les œuvres de charité et la participation aux sacrements. La justification est un processus continu qui implique la coopération humaine avec la grâce divine.

 

Sola gratia

Les protestants insistent sur la « sola gratia » (la grâce seule), affirmant que le salut est un don gratuit de Dieu qui ne peut être mérité par les efforts humains. Ainsi, l’être humain est sauvé par l’amour de Dieu, indépendamment de ses actions. 

Bien que les catholiques croient également que le salut est un don de la grâce de Dieu, ils enseignent que la grâce sanctifiante reçue dans les sacrements permet aux croyants de coopérer avec Dieu dans le processus de sanctification.

 

Solus Christus

Pour les protestants, Jésus-Christ est le seul médiateur entre Dieu et les humains. Le salut est obtenu exclusivement à travers le Christ et aucun autre intermédiaire (comme les saints ou les prêtres) n'est nécessaire pour accéder à Dieu. 

Dans la religion catholique, si Jésus-Christ est effectivement le médiateur principal, des médiateurs secondaires tels que les saints, la Vierge Marie, et les prêtres sont également reconnus. 

 

Soli Deo Gloria

Dans le protestantisme, toute gloire revient uniquement à Dieu. La vie chrétienne, les œuvres, et toutes les actions doivent être orientées vers la gloire de Dieu seul, et non pour la gloire personnelle des individus ou des institutions. 

Les catholiques partagent en grande partie cette idée en affirmant que Dieu doit recevoir toute gloire. Cependant, le catholicisme met également en valeur la contribution des saints, de la Vierge Marie et des actes de dévotion dans la vie chrétienne. Ces éléments peuvent être perçus comme des moyens de glorifier Dieu, mais ils sont distincts du principe de "Soli Deo Gloria" qui insiste sur le fait que la gloire revient uniquement à Dieu.

 

Sacrements

Alors que les catholiques reconnaissent sept sacrements (le baptême, la confirmation, l'Eucharistie, la pénitence ou confession, l'onction des malades, l'ordre et le mariage), la plupart des protestants n’en reconnaissent que deux : le baptême et l’Eucharistie.

 

Prêtrise et ministère

Les protestants croient au sacerdoce universel de tous les croyants. Ainsi, chaque chrétien a un accès direct à Dieu et peut interpréter les Écritures lui-même, sans la médiation d’un prêtre comme chez les catholiques (ils ne reconnaissent donc pas l’autorité du pape). 

Il existe cependant chez les protestants la figure du pasteur, considérée comme un enseignant et un leader spirituel mais dépourvu d’une autorité sacerdotale unique. À la différence du prêtre qui est ordonné lors du sacrement d’ordination et qui est tenu au célibat, le pasteur peut se marier et fonder une famille.

 

Vénération des saints et de la Vierge Marie

Contrairement aux catholiques qui vénèrent les saints et ont une dévotion particulière à la Vierge Marie, en raison de l’intercession qu’ils croient exercer auprès de Dieu, les protestants affirment que seule la Trinité doit être adorée. Les prières et les demandes doivent donc être adressées directement à Dieu par le biais du Christ, et non à travers des saints ou des figures intermédiaires. 

 

Purgatoire

Dans la doctrine catholique, le purgatoire est un état intermédiaire où les âmes des défunts sont purifiées avant d'entrer au paradis. En revanche, la plupart des dénominations protestantes rejettent l'idée du purgatoire en raison d’un manque de fondement biblique clair assurant l’existence d’un tel lieu. De plus, ils considèrent que la justification et le salut viennent uniquement par la foi en Jésus-Christ. Ainsi selon leur croyance, les âmes des défunts vont directement au ciel ou en enfer, en fonction de leur relation avec Christ.

 

Différentes pratiques liturgiques entre catholiques et protestants

Les pratiques liturgiques varient considérablement parmi les différentes dénominations protestantes. Certaines églises, comme les luthériennes et anglicanes, ont des liturgies formelles similaires à celles des catholiques, tandis que d'autres, comme les baptistes et évangéliques, ont des cultes plus informels et spontanés. Il en va de même pour la célébration des sacrements. Par exemple, les baptistes pratiquent le baptême par immersion des adultes, tandis que les luthériens et presbytériens baptisent les enfants par aspersion.

La liturgie catholique, quant à elle, est uniformisée et centrée sur la messe, qui est célébrée de manière formelle et rituelle. Plutôt que de célébrer la « messe » à « l’église », les protestants vont célébrer le « culte » au « temple »

 

Une organisation de l’Église différente

Si l’Église catholique a une structure hiérarchique claire et centralisée, dans la continuité de l'autorité apostolique, chez les protestants, il existe là encore des variations multiples entre les dénominations. 

Les églises luthériennes et anglicanes ont une hiérarchie avec des évêques, tandis que les églises réformées (calvinistes) et presbytériennes sont gouvernées par des conseils d'anciens (« presbytères »). Les églises baptistes et évangéliques sont souvent congrégationalistes, c'est-à-dire gouvernées localement par les membres de l'église.