Par Julia Itel - Publié le 3 février 2022

Durant le carême, les chrétiens sont invités à jeûner afin de mieux tourner leur attention vers Dieu. Souvent synonyme de privation de nourriture, le jeûne implique davantage que la seule restriction alimentaire et se mue en véritable cheminement spirituel. Mais quel est sens du jeûne chrétien ? Comment jeûner pendant les quarante jours du carême ?       

Qu’est-ce que le jeûne ?

De nos jours, le jeûne est tendance. Véritable outil de résistance contre les excès du consumérisme, il a le vent en poupe et, en particulier, chez des personnes a priori « non religieuses ». Néanmoins, le jeûne est une pratique millénaire, bien connue des religions du monde. On la retrouve dans les religions abrahamiques – le judaïsme, le christianisme et l’islam – mais également dans les religions et voies de sagesse orientales, telles que l’hindouisme et le bouddhisme.  

Du latin jejenus (« qui est à jeun ») – qui a ensuite donné déjeuner (disjejunare) et dîner (disjunare) – le jeûne renvoie à une privation volontaire de nourriture pendant un temps donné. Dans toutes les religions, la pratique du jeûne relève d’une volonté de se purifier à la fois physiquement et mentalement, de faire pénitence et de se préparer à certains rites religieux.


A lire

Le jeûne dans la Bible

 
 

Comment jeûner pendant le carême ?

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Question à un prêtre : Qu’est-ce que le Carême ?


Le jeûne chrétien, un exercice spirituel

Dans la religion chrétienne, le fidèle est invité à suivre la voie proposée par Jésus et à conformer sa vie selon la sienne. Ainsi, de la même manière que le Christ s’est préparé à sa mission en allant jeûner quarante jours dans le désert, le chrétien est appelé à faire de même pendant les six semaines du carême.

Du grec askeo (« faire de l’exercice »), le jeûne est une forme d’ascèse, une discipline intérieure et corporelle qui invite à faire de la place pour mieux accueillir Dieu. En effet, le sens du jeûne et de la privation volontaire est de se libérer du superflu pour accorder plus de place à l’essentiel. C'est donc un exercice de libération intérieure.


A lire

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À l’origine, le jeûne permettait aux catéchumènes de les accompagner vers le baptême, qu’ils recevaient lors de la vigile pascale. Cette pratique ascétique leur offrait la possibilité de faire un retour sur eux-mêmes, à travers un processus de purification physique et spirituelle. Comme Jésus, qui a commencé son ministère en jeûnant quarante jours dans le désert et qui a su maîtriser ses passions, le jeûne les aide à préparer leur entrée dans une vie nouvelle, au même moment où l’on commémore la résurrection du Christ.

Mais cela est aussi vrai pour les fidèles qui, pendant le carême, font à nouveau ce chemin de conversion intérieure, cette metanoïa (du grec meta « ce qui dépasse, englobe » et noéo « percevoir, penser », pouvant être traduit par « changement de regard ») qui ouvre à plus grand que soi. À travers la discipline ascétique du jeûne, il est possible de prendre conscience de ce qui entrave sa relation entre le croyant et le Seigneur et de s’en libérer. Le jeûne fait ainsi apparaître nos attachements matériels et, comme Jésus qui a résisté à la tentation du diable, il est nous demandé de s’en délester au moins le temps du carême.
 

Le jeûne : un temps de pause, une expression de la foi

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Le jeûne : un temps de pause, une expression de la foi


Nourrir autrement la relation à soi, aux autres et à Dieu

Si l’on parvient à se libérer de ce qui nous encombre, alors il devient possible de donner plus de temps à autre chose et, notamment, aux autres et à Dieu. En effet, dans le Sermon sur la montagne, Jésus nous enseigne que le jeûne doit être associé à la pratique de la prière et de la charité car celui-ci n’a de sens que s’il permet de servir son prochain, tout en s’unissant à Dieu.

Dans cet effort régulier de purifier son corps et son esprit, ce que nous ne dépensons pas pour nous-mêmes doit être dépensé pour les autres. Ainsi, la période du carême est un bon moment pour donner, se réconcilier avec ses proches et pour entretenir l’amour envers autrui.
 

Quand doit-on jeûner ?

Au début du christianisme, il était recommandé de jeûner tous les mercredis et vendredis de l’année. Ce jeûne bihebdomadaire imitait la tradition juive qui imposait aux Hébreux de jeûner chaque lundi et jeudi. En choisissant leurs propres jours de pénitence, les chrétiens ont pu se différencier d’abord de ses racines juives, tout en rappelant rituellement la symbolique de la Passion. En effet, le mercredi commémorait la dénonciation de Jésus par Judas et le vendredi la crucifixion du Christ.

Au IIIe siècle, le carême se déroulait durant la dernière semaine avant Pâques. Puis, il a été étendu, le siècle suivant, à une période de quarante jours, en souvenir du séjour de Jésus au désert. Enfin, c'est au Ve siècle qu’il a revêtu son caractère institutionnel et qu’il a été fixé à six semaines.

Au fil des siècles, la pratique du jeûne a été adaptée aux besoins de l’époque et a progressivement décliné. Depuis 1966, l’Église recommande de jeûner seulement lors du mercredi des Cendres et le Vendredi saint, et de s’abstenir de manger de la viande les vendredis du carême. Aujourd'hui, l’Église incite davantage à une approche spirituelle du carême et se préoccupe moins de la fréquence à laquelle nous sommes censés jeûner.  Ainsi, chaque chrétien est libre de jeûner comme bon lui semble.
 

Les Cendres, un nouveau départ

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A lire

Le mercredi des cendres


Comme mentionné plus haut, l’Église aujourd'hui propose de s’abstenir de viande les vendredis de carême ainsi que le mercredi des cendres, et d’éventuellement jeûner d’un repas lors du Vendredi saint. Il est possible de la remplacer par du poisson. Le Vendredi saint est associé à la mort de Jésus sur la croix et les chrétiens sont donc appelés à faire maigre ce jour-ci, pour communier avec la souffrance du Christ.

Hormis ces recommandations, le jeûne est une pratique libre qui peut se vivre selon les besoins et la créativité de chacun, tant que celui-ci permet de se rendre disponible à Dieu. Ainsi, pour Charlotte, une jeune catholique de 27 ans, lors du carême, elle se prive volontairement de chocolat : « Je le fais pour orienter mon attention sur ma vie de prière et sur ma relation à Dieu. C'est comme un petit sacrifice qui me rapproche en fait de Dieu, car je peux avoir une tendance à laisser le chocolat me "remplir" lorsque j’ai un petit coup de mou. Donc ne pas manger de chocolat pendant quelques semaines, cela va me faire sentir plus libre dans mes choix et dans ma relation à Dieu. »
  Voici quelques exemples de jeûne spirituel qui peuvent vous inspirer :
•    Faire une « détox digitale », en se coupant pendant un certain temps des réseaux sociaux
•    Éteindre sa télévision le soir et en profiter pour méditer une parole de la Bible
•    Ne pas prendre les transports en commun et rentrer chez soi à pied, en pratiquant la marche méditative
•    Maîtriser sa parole et ne pas dire de méchancetés
•    Pratiquer les vertus du silence et se retirer, le temps d’une promenade, en forêt
•    Ne pas aller au restaurant et favoriser les repas cuisinés à la maison et partagés en famille
•    Ne pas boire d’alcool pour profiter au maximum de cette épuration mentale et physiologique
Bref, l’idée sous-jacente est bien de s’extraire, un temps donné, d’une activité de la vie quotidienne qui nous divertit et nous éloigne de notre relation aux autres et à Dieu.
 

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