« Vous faites une belle brochette d'hypocrites", vient de dire Jésus aux Pharisiens. Littéralement, vous jugez en dessous de la réalité. Vous honorez Dieu des lèvres, mais votre cœur est loin de Lui. 
Vous enfermez l’autre dans des principes qui ne sont que préceptes humains. Ils ne viennent pas de Dieu. "Vous filtrez le moucheron et laissez passer le chameau". Vous confortez vos soi-disant pouvoirs en jugeant chez les autres ce que vous n’assumez pas en vous-mêmes. En leur faisant porter des fardeaux tellement lourds que vous-mêmes êtes incapables de porter. Et en les méprisant, vous les excluez.
Cela, Jésus ne peut l’accepter. C’est une insulte à Dieu son Père, lui qui veut entourer toute personne de sa tendresse, en particulier ceux qui en ont le plus lourd à porter. 
« Tout ce mal vient du dedans, dit le Christ, et rend l’homme impur. » 
Comme aumônier de prison, je suis confronté tous les jours au problème du mal, qui agit chez les autres comme en moi. Et pas qu’en prison ! 
Je peux, comme ces pharisiens, m’estimer ‘en règle’ parce respectant scrupuleusement toutes les principes. C’est une bonne chose en soi, bien sûr. Mais est-ce qu’être "en règle" avec Dieu et avec ma conscience, garantis ma pureté intérieure ? Cela peut vite se transformer en mépris des autres, excluant ceux que je vais considérer comme impurs. Je pourrai alors dire : "Merci, Seigneur, parce que je ne suis pas comme ces pécheurs". Suffisance qui fera bondir Jésus ! Parce que je ne vois pas l’ivraie qui agit en moi autant que le bon grain.
Je pense que saint Fiacre, patron des jardiniers ne retirait pas l’ivraie de peur d’arracher le bon grain…
Le patriarche Athënagoras a dit : « La guerre la plus dure, c’est la guerre contre soi-même. Il faut arriver à se désarmer de la volonté d’avoir toujours raison, et de me justifier en disqualifiant les autres. »
Je peux aussi, comme m’y invite saint Jacques, regarder en moi comme chez les autres les dons les meilleurs. Tel un orpailleur de Dieu, je peux regarder l’autre, non pas avec son visage défiguré ou avec telle étiquette, mais comme une personne, créée à l’image de Dieu, image que rien, ni personne, ni même ce qu’il a pu commettre ou subir dans la vie, ne peut détruire. Le regarder avec son visage lumineux, christique, et non pas de façon critique. 
Je peux brasser des tonnes de vies cabossées, mais je crois, à cause de ma foi en Christ, je finirai toujours par rencontrer l’être lumineux qu’il demeure. Découvrir que ses dons viennent de Dieu, contempler Dieu à travers lui et accueillir dans la douceur la Parole semée en lui comme en moi : c’est elle qui peut nous sauver. 
La vraie religion, en son sens littéral, c’est ce qui nous relie : nous sommes tous enfants de Dieu. En visitant les plus fragiles, mes frères détenus me l’ont révélé. Pas seulement dans leur visite mais dans leur visitation. Là, je peux accueillir le meilleur qu’ils portent ; et ils m’accueillent avec le meilleur de moi-même. 

Par le bien que je fais à l’autre, je découvre peu à peu son visage transfiguré par cette visitation. Et il va me surprendre ! Il va m’enseigner à aimer, lui qui a été privé d’amour. Il va m’apprendre à être plus libre, lui qui est privé de liberté. 
Avec le Christ, je peux ne plus poser des jugements tranchés, définitifs, en jugeant selon les apparences. Je peux alors écarter toute condamnation définitive pour être le témoin d'un Dieu qui, Lui, regarde le cœur et nous espère. Qui ne réduit jamais personne à son apparence, à ses erreurs, à son péché. Mais qui nous dit : si ton cœur t’accuse, je suis plus grand que ton cœur. « Tu as du prix à mes yeux. » « Je t’appelle mon ami. » Et je donne ma vie pour toi.
Aujourd’hui, Dieu me dit : change ton regard sur toi-même et sur l’autre. Christifie-le. Sers ton frère qui est détenu dans ta cellule intérieure. Apprends à avoir davantage de miséricorde envers l’autre que te parait si étrange. C’est peut-être toi-même d’ailleurs. Aies de l’exigence aussi pour bien le servir. De l’humilité pour accueillir chez lui tout ce qui vient de Dieu. Et ce qui est tordu par le mal, le péché, l’envie d’éliminer, ta jalousie, ta médisance et parfois pire, tout cela se laissera peu à peu dissiper par mon amour pour toi, comme le brouillard se dissipe par le soleil.
« L’homme n’est que ce qu’il est devant Dieu. » C’est saint François qui le dit.
Seigneur, je te demande cette grâce, celle d’accueillir comme un don venant de toi toute personne sur mon chemin : ton enfant, une belle fleur dans ton jardin. Tu ne me demandes pas d’autre ascèse que de le regarder comme toi de façon christique. Non pas en le dévisageant mais en l’envisageant.

 

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