Par Julia Itel - Publié le 2 juin 2022
De nos jours, le terme « apocalypse » est synonyme de catastrophe, de fin du monde, d’anéantissement. Pourtant, dans la tradition judéo-chrétienne dont il provient, le terme renvoie plutôt à une « révélation » sur le sens du monde et sur la venue prochaine du Royaume de Dieu.
Que veut dire le mot « apocalypse » ?
Le terme vient du grec apokalupsis qui signifie « révélation ». Il renvoie d’abord à un genre littéraire apparaissant au IIe siècle avant J.-C.
Le genre littéraire apocalyptique
Au cours du IIe siècle avant J.-C., la Judée, qui a été conquise par les troupes d’Alexandre le Grand un siècle plus tôt, est sous le contrôle de la dynastie hellénistique. Des tensions émergent au sein du peuple juif qui se sépare entre les traditionnalistes, respectueux de la Loi mosaïque, et les hellénistes, soucieux de faire progresser celle-ci.
Antiochos IV qui règne alors sur la Judée décide, pour résoudre ces conflits, d’interdire la Torah, ce qui provoque la colère des Juifs, ainsi privés de leur autonomie politique mais également de leur religion.
C'est dans ce contexte que naît le genre littéraire apocalyptique, servant à éclairer les multiples crises que traversent le peuple juif. Il permet de se projeter dans un temps futur où les promesses de Dieu se réaliseront et où les Juifs ne seront dès lors plus persécutés. L’apocalyptique biblique apparaît officiellement avec le livre de Daniel, écrit après la mort d’Antiochos IV vers 164 av. J.-C.
Une révélation prophétique
La littérature apocalyptique fait toujours état d’un présent malheureux où l’on ressent qu’un événement catastrophique est sur le point de se produire. Mais, au lieu d’être présenté comme source d’angoisse, celui-ci est révélateur d’un renouvellement du monde, d’une sorte de régénération. Il est donc souhaitable. Le présent sert alors à anticiper et préparer la venue d’un monde nouveau et meilleur.
L’objectif de ces livres est de révéler dans un langage ésotérique, l’avenir. C'est pourquoi ils sont souvent opaques car parsemés de visions, de rêves et de symboles. Leurs auteurs sont présentés comme des prophètes, capables de recevoir et de transmettre le message de Dieu.
Les tablettes de la foi – Le prophète
Une vision linéaire de l’histoire
Contrairement aux Grecs qui concevaient l’histoire comme un temps cyclique, ou comme un éternel recommencement, la littérature apocalyptique introduit une notion renversante du temps : l’histoire devient linéaire ; elle est orientée vers une fin lors de laquelle Dieu est censé intervenir et juger les hommes.
L’apocalyptique sert à décrire la destinée historique du peuple juif qui est désormais découpée en trois temps : d’abord, le temps de l’oppression et du malheur ; ensuite, le temps intermédiaire de l’attente mais aussi de la résistance à l’oppression ; enfin, le temps de la libération et de la paix retrouvée.
Qu’est-ce que l’Apocalypse de Jean ?
L’Apocalypse de Jean, aussi appelé Livre de la Révélation, est le dernier livre du Nouveau Testament. Il s’agirait, d’après la tradition chrétienne, d’une révélation de Jésus à l’apôtre Jean.
Écrit dans un langage symbolique, cet ouvrage est souvent difficile d’accès.
L'Apocalypse de saint Jean
Qui est l’auteur de l’Apocalypse ?
Si l’on s’en tient à son titre, l’Apocalypse aurait été écrite par l’apôtre Jean. C'est d’ailleurs grâce à cette attribution apostolique que le texte a pu être accepté au sein du canon biblique.
En réalité, il est impossible de connaître la véritable identité de l’auteur. Tout ce que l’on sait de lui est qu’il était d’origine juive et qu’il se trouvait sur l’île de Patmos lorsqu’il a eu cette vision. En le décrivant comme un visionnaire, l’auteur du texte a sans doute voulu le rapprocher de la figure des prophètes de l’Ancien Testament.
De quand date l’Apocalypse de Jean ?
Le texte a sans doute été écrit au Ier siècle après J.-C., autour de 96-97. C'est Saint Irénée, évêque de Lyon entre 150 et 200 et disciple de Polycarpe (lui-même disciple de saint Jean), qui affirme que l’ouvrage a été rédigé à la fin du règne de Domitien, assassiné en 96.
À cette période, les premières communautés chrétiennes subissent en effet des persécutions violentes. De plus, après la destruction du Second Temple de Jérusalem en 70, de nombreuses tensions existent entre, d’un côté, la communauté juive d’obédience pharisienne et, de l’autre, la communauté judéo-chrétienne qui reconnaît en Jésus-Christ le Messie.
Fidèle au genre littéraire apocalyptique, l’Apocalypse de Jean aurait donc été écrite pour encourager l’espérance des chrétiens persécutés.
Que raconte l’Apocalypse ?
À qui s’adresse Jean ?
Dans le premier chapitre, il est écrit qu’un ange est envoyé par Jésus à son serviteur Jean pour lui révéler un message important sur l’époque. Saint Jean devient donc porte-parole du message de Dieu et s’adresse « aux sept Églises qui sont en Asie mineure » (1, 4).
Le chiffre 7 n’est pas une coïncidence. Dans la tradition judéo-chrétienne, le 7 symbolise la perfection, la totalité. Les sept Églises d’Asie évoquent l’ensemble de la communauté chrétienne, l’Église, dont les membres sont appelés à se rassembler.
Les grandes questions - Clés de lecture du texte de l'Apocalypse
Quel est le sens de la révélation johannique ?
D’après le théologien Marcel Goémine, l’Apocalypse a été écrite pour les premières communautés chrétiennes afin de montrer, en reprenant toutes les grandes prophéties messianiques de l’Ancien Testament, que Jésus est le Messie tant attendu et déjà annoncé par les prophètes.
Surtout, l’Apocalypse aurait été rédigée pour soutenir l’espoir des chrétiens persécutés. Le message principal du livre est la victoire du bien sur le mal, de la lumière sur les ténèbres. Il annonce ainsi la victoire de Dieu sur Terre et donc la fin des temps (ce que l’on appelle « eschatologie »). L’auteur de l’Apocalypse appelle de ses vœux les chrétiens à avoir foi en Jésus, à exprimer et vivre dans leur chair ce que lui-même a enduré. Il leur dit d’espérer et d’aimer, de tenir bon malgré les difficultés de l’époque, car le règne de Dieu est déjà si proche.
Fidèle à la conception linéaire du temps propre au genre apocalyptique, l’histoire chrétienne présentée dans l’Apocalypse est tout entière dirigée vers le salut de l’humanité. L’histoire devient donc téléologique.