Frères et sœurs, que l’on soit à Saint-Pierre et Miquelon, sur un atoll des Tuamotu en Polynésie, ou encore sur les pontons du Vendée Globe aux Sables d’Olonne, on sait l’importance de rentrer au port, de rentrer « sain et sauf, à bon port ». On sait aussi l’angoisse quand un bateau ne rentre pas, et la douleur quand il ne rentrera plus. On sait les fortunes de mer qui laissent un trou à la place du cœur.

Ce retour au port prend une profondeur particulière, lorsqu’il est redoublé par l’exil. Celui des anciens, venus jusqu’ici du Pays Basque, de Bretagne ou d’Acadie, ou celui des plus jeunes aujourd’hui, partis loin pour étudier ou travailler. Le port n’est plus seulement un abri face aux tempêtes mais il devient le symbole du retour à la maison.

Les hébreux n’étaient pas des marins, mais lors de leur longue traversée du désert, ils ont eux aussi expérimenté ce désir du retour en Terre Promise, comme nous l’avons entendu dans la première lecture. Alors que la terre est en vue, Moïse pourrait ne se concentrer que sur le bonheur qui attend son peuple. Mais avant cela, il l’exhorte à se souvenir du chemin parcouru, des étapes qui l’ont conduit depuis l’Égypte, à travers la mer Rouge et le désert. À se souvenir aussi de tous les signes de la présence aimante de Dieu à leur côté, dont témoignent encore aujourd’hui les croix dressées sur les caps, les statues de la Vierge sur les côtes, comme autant de phares spirituels.

Pour nous aussi, au cœur de notre foi, se tient l’assurance que Dieu veut nous reconduire au port et saint Paul nous indique dans la deuxième lecture le vent favorable : c’est le vent de l’Esprit, donc nous célébrions le don dimanche dernier à la Pentecôte. Un vent qui ne se contente pas de nous pousser dans la bonne direction, mais qui nous transforme pour nous faire passer du statut de serviteurs à celui de fils et de filles de Dieu.

Ce changement n’est pas qu’extérieur, il correspond à une croissance spirituelle. Comme l’œuvre des mers transforme le petit gravier, le jeune mousse, en marin expérimenté ! Il s’agit de grandir dans la ressemblance avec le Christ pour devenir adulte dans la foi, ne plus se situer face à Dieu dans la peur ou la méfiance, mais oser entrer en conversation avec lui en l’appelant « Abba », papa ! Pour cela nous pouvons faire confiance à la patience de Dieu, qui respecte notre liberté, qui la désire même. Comme le disait Anne-Marie Javouhey, dont les sœurs sont parmi nous ici et dans bien des territoires d’outre-mer : « on ne contraint pas des hommes libres, on les persuade » ! De même que les retours à la maison sont aussi les retrouvailles avec la langue notre mère, de même l’Esprit nous enseigne une nouvelle langue pour être chez Dieu comme chez nous.

En ce dimanche de la Trinité, voguant sur le bateau du Fils, nous sommes invités à nous laisser pousser et transformer par le vent de l’Esprit, pour arriver au port comme des enfants heureux de retrouver leur Père. On voudrait conclure ici, mais l’Évangile vient faire rebondir encore notre voyage. « Allez, de toutes les nations, faites des disciples ! ». Jésus ressuscité nous invite à ne pas nous satisfaire d’être nous-même en route vers le port ou d’y rentrer. Il s’agit aussi de repartir, et d’avancer au large ! Avec la mission de baptiser, c’est-à-dire littéralement de « plonger » toutes les nations dans le Nom unique du Père du Fils et de l’Esprit. Pour que chaque homme et chaque femme puisse trouver sa place au sein de l’amour accueillant de la Trinité. Que tous puissent y attacher eux aussi l’ancre de leurs cœurs pour affronter et traverser les tempêtes. 

Les missionnaires, prêtres, religieux et religieuses qui ont apporté l’Évangile ici, en faisant du monde leur cloître, ont répondu très concrètement à cet appel. Par leur exemple, ils ont enseigné à tous à observer les commandements du Christ, à commencer par l’amour du plus petit, comme par exemple ici sœur Césarine, venue d’Aveyron pour soigner les malades du choléra sur l’île aux vainqueurs.

À leur suite (et protégés par la Vierge Marie), nous sommes invités nous aussi à prendre la mer, pour aller à la rencontre de nos frères et sœurs, pour nous rapprocher du Christ agissant avec nous tous les jours, sur terre et sur mer, et nous rapprocher ainsi plus sûrement encore de Dieu et du port d’attache que nous espérons. Amen et bon vent.

Les tablettes de la foi - La Trinité

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