Moi qui étais tout triste que ça se finisse… plus de sport ni d’effort, plus de défi relevé ni de foule enthousiaste. J’ai une bonne nouvelle : ça recommence. Ce matin, une femme prend le relais des athlètes pour nous faire courir. Avec empressement, Marie grimpe les monts de Judée. C’est déjà son assomption qui commence, le début d’une longue course. Celle que l’on représente souvent assise, méditant, figée, l’enfant Jésus dans les bras, entame un marathon qui ne finira qu’aux cieux. Marie est pressée, tant pis si de nos jours l’empressement n’a pas bonne presse. Elle nous rappelle que l’on peut prier en courant, et cela me rassure, pour toutes les fois où la prière silencieuse et immobile m’a surpris somnolant sur mon banc. Marie nous réveille de la torpeur de nos dévotions endormies. Elle bénit la course d’un monde qui aime la vitesse.
Elle, pourtant, ne fuit rien. Elle ne court pas non plus après quelqu’un ou quelque chose. Qu’est ce qui manquerait à celle qui porte Dieu ? Ce qui la fait courir n’est ni la peur, ni l’absence. Mais la joie. Car la joie grandit lorsqu’on la partage. Marie court pour plus de bonheur. Elle a tout, elle veut plus. Car il n’y a pas de limite à la béatitude. Marie bénit la soif d’un monde qui aime se réjouir.
Elisabeth peut la comprendre, elle qui partage la grâce de la maternité. Elle lui offre ce qu’il y a de plus cher : des mots. Car souvent, nos émotions nous débordent. Quand la vie nous frappe en plein, dans la joie ou dans l’épreuve, nous avons besoin de mots pour mieux saisir ce qui nous arrive. Elisabeth, attentive, incite Marie à dire ce qui se qui se passe où elle en est maintenant, non pas ce qui va lui arriver plus tard. Dans son Magnificat, Marie ne demande rien. Elle affirme. Elle compte ses bénédictions, relate son histoire. Elle y reconnaît Dieu, à chaque étape. Ce faisant elle nous exhorte à prier en faisant mémoire des merveilles du Puissant dans nos vies. Exalter le passage du Très-Haut dans nos existences. Tout ce qui la porte vers le haut, depuis le début, son Immaculée conception, sa naissance, sa vie cachée, sa rencontre avec Joseph, et celle avec l’ange, Marie le proclame, debout à la face du monde. Et ce matin elle nous dit : « Fais de même ! Affirme, pour toi, avec moi : « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! » Maintenant, Dieu est là. Maintenant, tu es béni ! »
Quand je suis arrivé ici à Marsane, je n’ai pas pu m’empêcher de m’écrier : « C’est beau ! ». Ce n’était pas une demande, ça n’a rien changé autour de moi, j’avais juste besoin de déclarer l’évidence. Pour mieux la goûter, mieux la comprendre. C’est ce que nous invite à faire Marie aujourd’hui. Regarder autour de nous, et se plonger dans notre histoire pour déclarer sans fausse modestie toutes les fois où Dieu est passé. Quel est mon Magnificat ? De quelles faims Dieu m’a-t-il rassasié ? De quelle puissance m’a-t-il délivré ? Quelle honte essuyée ? Ces questions sont urgentes, pour ne pas oublier les grâces reçues, les signes donnés. Ne laisse pas les regrets engloutir ton passé. Regarde ta vie avec les yeux du Salut, non ceux du désespoir. Tu as péché, certes, tu as fauté, oui, mais le démon n’est pas comptable de ton histoire. C’est Dieu qui en a la garde, piétine le dragon qui veut en dévorer les traces dans ta mémoire. Tiens-toi debout et laisse jaillir le Verbe en toi comme il s’est si bien exprimé sur les lèvres de la Vierge. Comme elle, tu portes le Christ. Souviens-toi de lui. Il parlera.
Marie triomphe aujourd’hui au Ciel, son Magnificat était le prélude de son assomption. Elle est là, devant nous. Elle nous offrira les mots de notre prière s’ils nous manquent. Ce matin, à Marsane, puisse la Vierge nous faire contempler ce que la terre nous cache parfois mais qui se voit si bien depuis les cieux. « Notre-Dame, ouvre-moi les yeux ! Réveille en moi le Verbe qui dort, que je voie ses merveilles brillantes comme les étoiles. Marie, lève-moi, entraîne-moi pour le Ciel ! »