Naturellement en exil « dans cette petite république malheureuse », Hervé Télémaque a fui à vingt ans la dictature de François Duvalier en Haïti. Formé à New York et à Paris, son œuvre aujourd’hui mondialement connue a fait l’objet d’une rétrospective au centre Pompidou. Le réalisateur a suivi l’artiste en Martinique à l’occasion de la présentation de cette rétrospective à la Fondation Clément en janvier 2016.
Le film alterne les entretiens dans son atelier et à la fondation, où il supervise l’installation des œuvres, ponctués d’archives. De nombreux tableaux sont montrés, détaillés, commentés par Télémaque, on le voit également peindre. Télémaque évoque sa vie d’artiste exilé et la façon dont il a puisé dans ses racines et son quotidien pour créer des œuvres à la fois intimes et universelles.
Etudiant à New York, il découvre le racisme et la fin de l’expressionisme abstrait. Ses premiers tableaux dans la veine pop art montrent sa colère contre les Etats-Unis. A Paris, où il rencontre plus d’hospitalité, il fait partie de la figuration narrative. S’il tient à la lisibilité du tableau, en créant « un circuit lyrique d’une forme à une autre », sa peinture est « naturellement surréaliste ». « On ne peut pas peindre de manière décorative, on peint parce qu’on a des choses à dire. Je joue sur les erreurs, l’inachèvement évite l’académisme. »
A propos du tableau "Convergence" de 1966, « on peut s’évader du sujet, l’autobiographie est un poids lourd ; la peinture, une activité joyeuse qui échappe à l’autobiographie, qui sert à créer des autobiographies fictives. » Il accepte son nom de Télémaque, nom d’esclave qui convient à ses interrogations vis-à-vis de la psychanalyse.
Il exprime sa désespérance politique vis-à-vis de Haïti, qui n’est toutefois qu’ « un exemple parmi l’état de corruption du monde ». Il se décrit comme « un moraliste paresseux réfugié dans des problèmes esthétiques raffinés », « un affranchi éduqué » très fier de ses origines métisses. « Aujourd’hui, à mon âge on n’est pas concerné par l’époque qui prend le visage de l’inquiétude de l’homme âgé qui doit continuer à être ».