Quand Marie-Thérèse Greschny aperçoit pour la première fois celui qui deviendra son époux, dans un magasin d’objets religieux d’Albi, elle s’interroge : vêtu d’une cape et d’un short au mois de décembre, doté d’un fort accent slave et d’une grammaire approximative, le peintre Nicolas Greschny fait figure d’oiseau rare dans cette petite ville du Tarn. À voir les portraits de lui à cette époque, l’oeil noir pétillant d’intelligence et le sourire ravageur, on comprend que la jeune professeur d’arts plastiques soit tombée sous le charme.
Le parcours de Nicolas Greschny lui-même tient du roman d’aventures. Héritier d’une lignée de peintres d’icônes remontant au 16e siècle, ballotté par les événements historiques qui secouèrent l’Europe (notamment les persécutions russes puis nazies), l’artiste d’origine estonienne a sillonné l’Europe avant de se réfugier en 1942 dans les petits presbytères de la Montagne noire, où il survécut en peignant les églises et en faisant office de “passeur” dans un réseau de résistants. C’est là qu’il rencontra Gilbert Assemat, vicaire général d’Albi, qui l’encouragea à développer son talent et lui ouvrit les portes de nombreuses paroisses. Affinant peu à peu sa technique picturale, il réalisera près d’une centaine de fresques dans des édifices religieux à travers la France, jusqu’à sa mort en 1985.
Vladimir Kozlov lui consacre ici un vibrant portrait. Ses proches décrivent un homme d’une foi inébranlable, désintéressé et généreux, indifférent aux hiérarchies sociales comme aux honneurs. Un maître de l’art byzantin aussi, capable de dessiner d’un trait, sans retouches, selon la technique ancestrale dite a fresco, une peinture expressive et chatoyante, créant de savantes correspondances entre des passages de la Bible (il avait étudié la théologie en Belgique puis à Toulouse). Un amoureux du patrimoine religieux enfin, qui contribua à sauver de la destruction une impressionnante collection de bénitiers, aujourd’hui exposée à la chapelle de la Maurinié, où il est enterré et où son fils, Michaël, perpétue à son tour l’art de la peinture religieuse. (Cécile Jaurès, La Croix, juillet 2013)
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