Serge Moati est journaliste. Son film, une enquête au plus près de l’humanité qui disparaît parce qu’à la regarder nous avons peur, peur que cela puisse aussi nous arriver de “tomber dans la rue”. En gros plan, voire très gros plan, il capte les visages de Doriane, Jean-Claude, Robert, Jean-Philippe, Philippe, Yves, Joël, Denis, icônes de tous ceux que nous voyons sur les trottoirs de nos villes mais que la République ne voit pas, dit Serge Moati en préambule à son film, qui est aussi un manifeste.
La nuit, le jour, les camionnettes du Samu social sillonnent les rues. Le “115” reçoit 15 000 appels par jour et secourt 40 000 SDF par an. C’est l’hiver, il pleut, il neige, la fête de Noël se prépare. Mais pour celles et ceux qui dorment dehors, cela ne signifie plus rien. Seule la survie compte. Les maraudeurs en gilet bleu vont à la rencontre de cette humanité cassée. Leur rôle dans l’urgence : sauver des vies par une soupe, une couverture, un sourire, du lien, écouter, réconforter, sans être des “héros sauveurs”.
Mais comment ces femmes et ces hommes se sont-ils retrouvés à vivre à dehors ? Comment leurs existences se sont-elles fracassées ? Pourront-ils reprendre pied dans la société ? Ils racontent la perte d’une femme, d’un enfant, d’une mère. Et l’alcool pour ne pas être mal, comme un anesthésiant à la douleur. Mais l’amour aussi.
Avec beaucoup d’empathie et sans aucun misérabilisme, Serge Moati livre ici un film fort dont on ne sort pas indemne. Il rend aussi un hommage au Samu social et à son fondateur, Xavier Emmanuelli, que Serge Moati considère comme un “saint laïc” de notre temps.