Par Julia Itel – Publié le 22/05/2024

Le Palais des papes, situé à Avignon, est l'un des monuments les plus emblématiques de l'histoire médiévale et de la chrétienté. Considéré comme le plus grand palais gothique du monde, il témoigne de la grandeur et de la puissance des papes qui y ont résidé au cours du XIVe siècle. 

 

Pourquoi Avignon est-elle la Cité des papes ?

L’installation de la papauté à Avignon

À la mort de Boniface VIII, et sous la pression du roi de France Philippe le Bel, les cardinaux, réunis en conclave à Pérouse, élisent un pape français : alors archevêque de Bordeaux, Bertrand de Got prend le nom de Clément V (1305-1314). Celui-ci convoque un concile en 1309 à Vienne, en raison de l'instabilité politique qui règne à Rome et dans les États pontificaux. Lors d'une halte à Avignon, au couvent des Dominicains, sa santé déclinante l'incite à s'y installer définitivement. 

Située sur la rive provençale du Rhône, Avignon appartient au comte de Provence, Charles d’Anjou, vassal du pape. À la frontière française, la ville médiévale se trouve à un carrefour stratégique des grandes routes du Saint-Empire, à la porte de l’État pontifical du Comté Venaissin, et son accès fluvial facilite les connexions entre le Nord et le Sud de l’Europe.

 

La papauté avignonnaise

Au cours des deux siècles précédents, la cour pontificale passe en réalité très peu de temps à Rome. L’émergence d’États centralisés et puissants, favorisant l’essor de la bourgeoisie, contribue à l'affaiblissement du pouvoir temporel du pape. Cependant, l'installation à Avignon permet à la papauté de se stabiliser et de se centraliser, notamment grâce au développement d'un système bureaucratique sophistiqué. La plupart des papes d’Avignon sont des juristes de formation, ce qui facilite cette centralisation administrative.

Entre 1309 et 1378, sept papes, tous occitans, résident à Avignon (deux autres papes y résident également pendant le Grand Schisme d’Occident). Pendant cette période, la ville devient la capitale européenne de la chrétienté, évoluant en un centre politique, culturel et artistique majeur qui préfigure la Renaissance italienne. Les papes de cette époque encouragent activement le développement des arts et des lettres. C'est à cette période qu’est construit le magnifique Palais des papes d’Avignon


L’histoire du Palais des papes

Avignon - Les papes en Provence

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Benoît XII, le bâtisseur 

Si Jean XXII (1316-1334) installe le palais épiscopal à l’emplacement de l’actuel Palais des papes, son successeur Benoît XII (1334-1342) a pour lui des ambitions plus grandes. Après avoir démoli une partie des constructions de son prédécesseur, il confie à l’architecte Pierre Boisson l’édification d’un nouveau palais, connu aujourd'hui sous le nom de « Palais Vieux ». Sous son pontificat sont élevés, entre autres, la Tour du Pape, qui protègent les appartements privés du prélat, et dans son prolongement l’aile du Consistoire, où logent les cardinaux. Celle-ci, flanquée de la Tour de Trouillas (achevée sous Clément VI), ainsi que des tours plus petites des cuisines et des latrines, encercle avec les ailes des Hôtes, des Familiers et de la Chapelle, la cour du cloître. 

Sa vision austère, inspirée par son passé de moine cistercien, se reflète dans l'architecture sobre et dépourvue de décorations luxueuses. De l’extérieur, le palais ressemble à une forteresse militaire : un projet souhaité par le pape pour protéger le Saint-Siège et décourager ses ennemis au moment où éclate la guerre de Cent ans. 

 

Clément VI, le « Magnifique »

Élu en 1342, Clément VI (1342-1352) souhaite rompre avec l’austérité et la sobriété de son prédécesseur. Sous la direction de Jean du Louvres, le palais est agrandi pour refléter la magnificence et le faste du règne de Clément VI. Il ajoute la Tour de la Garde-Robe, accolée à la Tour du Pape, fait construire la salle de la Grande Audience, aux dimensions majestueuses (820 m2), surmontée de la Grande Chapelle et prolongée par le Grand Promenoir. En bon diplomate, Clément VI fait édifier l’aile des Grands Dignitaires qui, de l’extérieur, abrite la Porte des Chapeaux par laquelle nous entrons toujours dans le palais. Celle-ci débouche sur la grande cour où le pape, du haut de la Fenêtre de l’Indulgence, peut saluer les foules et communier avec elles.

Les nouvelles constructions, bien que conservant l'aspect fortifié du « Palais Neuf », se distinguent par des éléments décoratifs gothiques, des fresques figurant des scènes champêtres, des vitraux et des œuvres d'art. L’un des trésors du Palais est assurément la chapelle Saint-Martial qui s’ouvre sur le Grand Tinel et qui est entièrement recouverte de fresques peintes par Matteo Giovannetti (il n’en reste malheureusement plus rien aujourd'hui). Le peintre du Trecento, originaire de Viterbo, rejoint à Avignon son ami et maître Simone Martini, à qui Clément VI a confié la décoration murale intérieure. Le palais devient ainsi un centre culturel où intellectuels et artistes se rencontrent. 

Finalement, en 1348, Clément VI achète la cité d’Avignon à la reine Jeanne de Naples, faisant de la ville provençale une propriété pontificale. 

À sa mort, le Palais des papes est dans l’ensemble terminé. Ses successeurs finiront d’aménager quelques éléments, tels Innocent VI (1352-1362) qui, préoccupé par les mercenaires et les conflits de la guerre de Cent Ans, renforce la défense de la cité papale en faisant construire des remparts. Il réalise aussi des travaux de finition et des aménagements de confort, incluant la construction de la tour Saint-Laurent et de la galerie du conclave. C'est également lui qui fonde la chartreuse Notre-Dame-du-val-de-Bénédiction à proximité d’Avignon, décorée par Matteo Giovannetti. 

 

Fin de la papauté avignonnaise : le Grand Schisme d’Occident

En 1377, Grégoire XI (1372-1378), soutenu par les mystiques et visionnaires Brigitte de Suède (1303-1373) et Catherine de Sienne (1347-1380), ramène la papauté à Rome. À sa mort, un conclave se réunit à Rome et sous la pression de la population, les 16 cardinaux, dont 12 sont français, élisent un prélat italien : Urbain VI. Cependant, une partie des cardinaux, préoccupée par le comportement imprévisible du nouveau pape (certains le disent fou), déclare son élection invalide et choisit un autre pape, cette fois français : Clément VII, qui s'installe à Avignon.

La chrétienté se retrouve alors avec deux papes : l'un à Rome, l'autre à Avignon. Ce schisme, connu sous le nom de Grand Schisme d'Occident, dure 40 ans et devient un enjeu majeur de la géopolitique du début du XVe siècle. Les États se divisent, certains soutenant le pape d'Avignon, comme la France, et d'autres celui de Rome, comme l'Angleterre.

Au fil des années, la lassitude grandit et plusieurs tentatives de réconciliation échouent. En 1409, la chrétienté possède même trois papes. Il faut attendre le concile de Constance en 1417 pour parvenir à une solution : les trois papes sont destitués et un nouveau pape, le cardinal Colonna, prenant le nom de Martin V, est élu. En 1420, le pape s'installe définitivement à Rome, non plus au palais du Latran, mais au Vatican.

 

Que devient le Palais des papes ?

Après le retour de la papauté à Rome, le Palais des papes devient le siège des gouverneurs des États et des légats pontificaux. Au cours de la Révolution française, il est transformé en caserne et en prison. Ce n'est qu'au début du XXe siècle que des travaux de restauration sont entrepris pour restituer sa grandeur d'antan.

Classé au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1995, le Palais des papes est l'un des monuments les plus visités de France, attirant environ 650 000 visiteurs par an. Avec ses 15 000 m² de surface, il est le plus grand palais gothique du monde. Le palais accueille des événements culturels majeurs, dont le célèbre Festival d'Avignon, et abrite des archives départementales.