« Vous êtes la lumière du monde »
Avez-vous remarqué ? Il y a des visages éteints. La vie semble arrêtée. Le visage n’exprime rien, c’est la nuit. Mais, si vous arrivez avec un grand sourire, si votre venue était peut-être attendue, silencieusement, dans un coin secret du coeur, aussitôt le visage s’illumine ; une joie se révèle chez celui qui, un instant auparavant, semblait enfermé au fond de lui-même. Oh ! Je le sais, le visage peut aussi s’attrister et se couvrir de larmes… La lumière, éclatante ou voilée, de notre visage, n’est-ce pas notre être intérieur qui monte à la surface et qui se livre à autrui ? Qu’il est beau de voir la lumière d’un visage !
Lorsque Jésus parle à ses disciples, il voit cette lumière, il voit le fond de leur coeur monter sur leur visage. Ses disciples sont si heureux de l’écouter, ils sont tellement pris par sa parole et pris aussi au meilleur d’eux-mêmes, que leur visage en est tout illuminé. « Tu as les paroles de la vie éternelle ! » criera Pierre dans un grand élan. Ce n’est pas là, lumière passagère d’un feu de paille, non, ces disciples aiment la parole de leur maître. Cette parole suscite leur désir de la mettre en pratique. Cela ne leur semble pas au-dessus de leurs moyens ; comme dit l’Écriture (Deutéronome XXX, 14) : « La parole est tout près de toi, elle est dans ta bouche et dans ton coeur pour que tu la mettes en pratique ».
Un tableau de Rembrandt montre un homme et sa femme, austères, habillés de noir, assis comme dans un atelier de la Parole. Certes, le Livre saint, ouvert devant eux, éclaire leurs visages noueux, mais il y a en même temps cette lumière qui vient du fond de leurs coeurs. Ils se lisent les Écritures l’un à l’autre et c’est aussi leur propre vie qui paraît :
« Partage ton pain avec celui qui a faim,
recueille chez toi le malheureux sans abri,
ne te dérobe pas à ton semblable.
Alors ta lumière jaillira comme l’aurore. »
Cette lumière, elle est sur le visage de ces deux croyants. Car ces paroles du prophète Isaïe que nous avons entendues tout à l’heure, ils les ont mises en pratique. Ils parlent des Écritures autant que d’eux-mêmes. Le bonheur se lit sur leurs visages, c’est leur bonheur et celui de Dieu en eux. Ils sont devenus lumière.
A ses disciples habités par la lumière de Dieu, à nous aussi, humbles artisans de sa Parole, aux coeurs parfois durcis par le péché mais travaillés par la miséricorde de Dieu, à nous tous, Jésus proclame : « Vous êtes la lumière du monde ».
Comme nous aimons entendre cette parole ! Qu’elle est belle ! Elle donne la dignité à tout ce que nous vivons, au plus humble service comme au plus grand héroïsme. « Vous êtes la lumière du monde ». Jésus nous donne toute notre plénitude. Nous sommes nous-mêmes lorsque notre vie s’unit à celle de Dieu. Nous existons vraiment lorsque notre désir de faire du bien aux autres devient le désir même de Dieu de sauver l’univers. Mystérieuse réalité de notre baptême ! Plongés dans la mort et la résurrection du Christ, nous ne sommes plus qu’un avec Dieu Père, Fils et Saint-Esprit. Oui, habités par Dieu, nous sommes la présence de Dieu en ce monde. Habités par l’Évangile, nous sommes l’amour de Dieu pour tous les hommes. Habités par la lumière de Dieu nous faisons reculer les ténèbres.
Je le sais ! Notre lumière est encore faible et vacillante et l’on voudrait parfois se cacher sous le boisseau ! Mais Jésus ne dit pas : « Vous êtes la lumière du monde » aux orgueilleux, à ceux qui se croient parfaits, aux dominateurs, à ceux qui voudraient imposer leur pouvoir aux autres. Non ! il le dit aux petits et aux simples, aux vrais intelligents – ceux-là qui cherchent – à ceux qui connaissent le lourd labeur de la conversion, à ceux qui sont « faibles », comme le disait de lui-même saint Paul dans l’épître. il le dit également à ceux qui veulent « faire disparaître de leur pays le joug, le geste de menace, la parole malfaisante ». Ceux-là, ce sont des frères universels, et comme je voudrais que ce soit vous, que ce soit moi ! Car ces frères de tous, tous les hommes peuvent les aimer et voir sur leurs visages la gloire, la paix, la bonté de notre Père qui est Dieu.
Références bibliques :
Référence des chants :