Préparer, préparation, préparatifs. Avez-vous remarqué l’insistance de l’évangile sur la préparation de ce repas pascal, le repas que le Seigneur a désiré prendre avec ses disciples la veille de sa Passion ? « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? », « … il vous indiquera une grande pièce aménagée et prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs », « … et ils préparèrent la Pâque ». Pourquoi donner tant d’importance à ces préparatifs tout matériels, à ces détails sur le lieu du repas, la salle et son aménagement ? L’essentiel, n’est-ce pas ce qui va se passer pendant ce repas ou plutôt à la fin du repas ? L’essentiel, n’est-ce pas le mystère que nous célébrons aujourd’hui en grande solennité : le don, l’offrande par Jésus de son corps et de son sang, c’est-à-dire de tout lui-même, comme vraie nourriture et comme vraie boisson, sous les signes du pain et du vin, le très Saint Sacrement ?
Bien sûr, c’est cela l’essentiel. Mais nous savons tous aussi d’expérience qu’il n’y a pas de repas sans préparation du repas. Et c’est Jésus lui-même qui indique avec précision à ses disciples comment et où ils devront faire les préparatifs. Alors, ne passons pas trop vite sur ce premier temps, ce temps de préparation, ce temps d’offertoire qui précède et prépare l’offrande de Jésus, son unique sacrifice accompli une fois pour toutes sur la croix et rendu présent, à chaque messe, dans le sacrement de l’eucharistie.
Au départ, la question du lieu du repas et des préparatifs ne semble venir que des disciples qui se préoccupent de savoir où Jésus veut manger la Pâque. Mais déjà Jésus fait dire au propriétaire que c’est avec ses disciples qu’il prendra ce repas et, à ceux qu’il envoie, il commande de faire les préparatifs non pour lui seul, mais pour lui et pour eux tous : « faites-y pour nous les préparatifs ». Cela ne vous dit rien, frères et sœurs, cela ne vous rappelle rien ? Mais oui : c’est une liturgie qui commence et c’est une communion qui s’annonce ! Nous aussi, ce matin, à Villeneuve-sur-Lot, guidés par Jésus, nous sommes venus dans un lieu vaste et bien aménagé, cette belle église Sainte-Catherine, déjà toute prête pour un repas ; nous y sommes entrés par « les portes de la foi ». Et vous y êtes entrés avec nous, chers amis, qui nous rejoignez par la télévision en ce moment, vous qui peut-être découvrez ainsi chaque dimanche un lieu différent, mais bien réel, où Jésus, le Seigneur, le Maître, veut manger la Pâque avec ses disciples. Lumières, cierges, fleurs, chants, processions, ornements, les préparatifs sont variés d’un endroit à l’autre, d’un dimanche à l’autre, parfois très sobres, parfois splendides, mais toujours soignés et faits avec le plus grand cœur. Car, à chaque fois, c’est toute la communauté des disciples de Jésus, c’est l’Église entière qui prépare, qui se prépare. Et cette préparation culmine en offertoire, avec l’apport des dons, pain et vin, sur l’autel, lorsque le prêtre, au nom de tous, présente à Dieu le fruit de la terre, le fruit de la vigne et du travail des mains humaines.
Mais soudain, au cours du repas, tout change, et quelle surprise pour les disciples ! Jésus, lui seul cette fois, agit et parle. Il prend du pain, il prononce une bénédiction, il le rompt et en donne à chacun en disant de singulières paroles. L’instant d’après, il prend une coupe remplie de vin, il rend grâces et la leur donne à boire avec des paroles tout aussi singulières. De même, à l’autel, le prêtre ne dit plus « nous » en cet instant, il ne parle plus en notre nom pour présenter à Dieu nos prières, nos louanges et nos supplications, mais il dit « je », pour la seule et unique fois de toute la messe, et c’est alors le Christ qui parle, c’est le Christ qui agit : « Prenez, ceci est mon corps », « ceci est mon sang ».
Notre offertoire, frères et sœurs, est une préparation nécessaire, indispensable, mais il est infiniment dépassé, transformé, transfiguré par l’offrande de Jésus. Les paroles qu’il prononce lorsqu’il nous donne son corps et son sang en nourriture et en boisson n’ont rien d’exalté ni de magique. Elles sont d’une étonnante simplicité au contraire. C’est la simplicité de Dieu lorsqu’il crée : « Dieu dit… et ce fut ainsi » ; c’est la simplicité de Dieu lorsqu’il s’unit à nous et nous unit à lui dans une Alliance nouvelle, une Alliance éternelle. Heureux les invités au repas du Seigneur !