Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
Selon une tradition oecuménique bien établie, nous marquons chaque année la Semaine de Prières pour l’Unité des Chrétiens. Pendant cette semaine par nos prières, nos réflexions et nos rencontres nous exposons notre vision d’unité et réaffirmons l’urgence de l’unité des Chrétiens.
Le thème de réflexion de cette Semaine de Prières a été pris du premier chapitre de l’Épître de saint Paul à l’Église d’Éphèse, dont nous venons d’écouter la lecture. Ce texte nous parle de l’extraordinaire plan de salut de Dieu en Jésus Christ. Il nous invite à rendre gloire à Dieu pour les nombreuses manières dont Il nous a bénis en Christ. Il nous enseigne à glorifier la Sainte Trinité pour ce mystère de salut auquel nous sommes également invités à prendre part.
Il est bien entendu que dans le cadre de cette méditation je ne vais pas procéder à l’analyse théologique de ce chapitre si riche. Venant du Moyen-Orient et engagé dans le témoignage chrétien par la voie de l’Église arménienne orthodoxe et aussi du Conseil oecuménique des Églises comme Modérateur de son Comité Central, j’aimerais partager avec vous quelques réflexions. Ces réflexions faites dans une perspective oecuménique émanent de mes expériences vécues aussi bien dans ma région que sur le plan global.
Que signifie être choisi par le Christ au seuil du troisième millénaire dans un monde si radicalement changé ? Ce n’est pas simplement une question mais un grand défi adressé à chaque et à tous les Chrétiens engagés dans le témoignage de l’Évangile dans des contextes si différents et si complexes.
Premièrement : Être choisi par Christ signifie essentiellement devenir un être nouveau, " revêtir l’homme nouveau " comme le dit saint Paul. Par Sa croix Jésus Christ a détruit en nous l’être ancien et a recréé le nouveau. Christ reste éternellement une invitation et un défi à chaque chrétien de s’éloigner de l’homme ancien et de " revêtir l’homme nouveau " surtout dans le monde d’aujourd’hui où il se trouve confronté à la tentation de revenir à l’ancien, autrement dit au mal, à l’injustice, à l’auto-glorification, à la corruption et à leur domination. En effet, devenir un être nouveau en Christ n’est point une victoire définitive remportée une fois pour toutes par l’être humain. La victoire appartient à Jésus Christ et nous y participons ou plutôt nous recevons cette grâce divine dans la mesure où nous vivons la croix de notre Seigneur. Vivre la Croix du Christ n’est pas une tâche aisée. Elle implique l’engagement continuel et actif dans le combat contre le mal qui est omniprésent sous différentes formes dans nos sociétés contemporaines.
Deuxièmement : Devenir un être nouveau en Jésus Christ c’est aussi devenir une communauté nouvelle. L’Église c’est la communauté nouvelle, la communauté des hommes et des femmes, de tous ceux qui croient que Christ est leur Seigneur et le Sauveur du monde. Au sein de cette communauté il n’y a point de discrimination ; tous sont égaux ; tous sont les " fils adoptifs de Dieu ", tous sont " concitoyens des saints ", tous sont " membres de la maison de Dieu " comme l’affirme saint Paul. Nous vivons dans un monde qui, par ses pensées, ses pratiques injustes et racistes et par la force de la mondialisation, est toujours prêt à détruire les communautés. Donc les membres de cette communauté nouvelle sont appelés à une vocation prophétique, notamment à préserver l’intégrité, l’identité et la crédibilité de la communauté de Dieu et à en faire le ferment, l’anticipation du Royaume de Dieu. Ils sont appelés à constamment se renouveler, à se rebâtir en dialogue permanent avec le monde.
Troisièmement : Saint Paul nous rappelle que Jésus Christ est un, que notre foi est une, et qu’un est notre baptême ; donc qu’une est l’Église du Christ. Par conséquent l’unité constitue le fondement de cette communauté à la tête de laquelle se trouve Jésus Christ. L’Église est une communauté qui, tel le Corps du Christ, a ses différentes parties mais qui, par le Christ, forme un seul ensemble. Cette unité, don de Dieu, s’exprime à travers la diversité des cultures et des ethnies. Les apôtres du Seigneur ont pris l’Église au monde et ont fondé la même Église de Dieu dans des milieux géographiquement, ethniquement et culturellement divers. Cette réalité historique est une des plus grandes richesses de la foi chrétienne. Nous devons la conserver en la développant. Mais ceci ne devrait pas créer des lignes de démarcations entre les Églises. Le mouvement oecuménique est un défi lancé à toutes les Églises, leur rappelant qu’elles n’ont pas le droit de rester isolées en elles-mêmes, qu’elles doivent exprimer l’unité du Corps du Christ par un témoignage commun qui transcende leur environnement spécifique. En effet la recherche de l’unité chrétienne a marqué le siècle qui vient de finir et le travail oecuménique des Églises, particulièrement dans le cadre du Conseil oecuménique des Églises, a commencé à porter ses fruits. Il faut donc continuer cet engagement oecuménique sur les plans local, régional et mondial avec un élan nouveau et une vision plus claire et plus compréhensive.
Et finalement : L’unité des Églises n’est pas une fin en soi. L’Église n’existe pas seulement pour être une. L’unité doit être une force, un instrument efficace au service de la mission de l’Église. Jésus Christ a envoyé Ses disciples au monde pour répandre Sa foi. L’Église est une réalité missionnaire ; elle est une mission de foi. Elle doit donc sortir de ses limites et limitations institutionnelles, afin de réaliser les principes de l’Évangile dans la vie du peuple. Elle doit se réaliser au service du pauvre et du dépossédé, leur apportant la justice véritable, abattant les structures sociales, économiques et politiques qui engendrent injustice et immoralité, transfigurant la société actuelle, en d’autres termes, instaurant le Royaume de Dieu en ce monde. Voici donc le critère de l’authenticité et de la crédibilité de l’Église.
Saint Paul dit qu’au cours de cette mission ardue l’Église doit " revêtir l’armure de Dieu pour pouvoir résister aux manoeuvres du Diable " (Éphésiens VI, 11). L’armure de Dieu, selon le même apôtre, c’est la vérité, la justice et la paix.
Nous entrons dans une période de l’histoire humaine où l’incertitude, la polarisation et le mal sous toutes ses formes dominent la vie des nations et des sociétés. À la huitième Assemblée générale du Conseil oecuménique des Églises, ensemble les Églises du monde ont dit : " Tournons-nous vers Dieu ". Oui, il faut se tourner vers Dieu, source éternelle d’amour, de paix, de justice et d’unité. Il faut se tourner vers Dieu qui " nous a bénis en Christ " (Éphésiens I, 3). En effet, dans le monde d’aujourd’hui et plus que jamais il est difficile d’être chrétien et d’assumer la vocation de chrétien. Car être chrétien ne signifie pas seulement avoir la foi en Jésus Christ, mais vivre les impératifs de cette foi dans sa vie et devenir le témoin et l’apôtre des principes de l’Évangile. Être chrétien c’est travailler pour l’édification d’une société où les nations, les religions, les cultures et les civilisations peuvent coexister dans la paix, dans un monde juste et réconcilié.
Répétons donc avec saint Paul " Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ… Il nous a prédestinés à être pour Lui des fils adoptifs par Jésus Christ… "
Références bibliques :
Référence des chants :