Mille questions habitent le cœur des hommes. Avec émerveillement, nous les voyons venir très tôt sur les lèvres des enfants, des interrogations profondes sur la vie, l’avenir et le monde, toujours exprimées avec une clarté qui ne laisse pas d’échappatoire.
Avec les adultes, quand la discussion se prolonge, ces difficultés s’estompent, et il n’en reste plus qu’une, essentielle. Derrière le mal, la misère et la violence se profile la plus cruelle de toutes les souffrances, celle de la mort. Elle est perçue comme la plus grande énigme ou la pire injustice. C’est d’elle que viennent tous les doutes. La disparition d’un être cher provoque en nous comme un effondrement intérieur, qui, parfois, remet tout en cause. Au fond, les hommes ne portent en eux qu’une seule question : Est-il vrai que la mort n’est pas l’horizon ultime ? Est-il certain que la vie triomphera ?
Ni les philosophes, ni les hommes politiques, aussi intelligents ou dévoués soient-ils, n’ont pu chasser cette angoisse, ni ne parviendront jamais à donner une réponse satisfaisante. Qu’il fasse attention, celui qui voudrait se hâter de réconforter autrui par des formules faciles : « C’est Rachel qui pleure ses enfants et elle ne veut pas qu’on la console. » (Mt 2, 18)
C’est pour ne pas nous laisser dans cette tragique impasse que Dieu a fait le grand voyage de l’Incarnation. La toute-puissante Parole d’amour, qui est la source de la vie, est venue jusqu’à nous. Elle est entrée dans la fragilité de notre chair à Nazareth, pour refaire et parfaire l’homme, ainsi que tout le monde créé. Dès le début, les attaques ont déferlé, à commencer par la rage meurtrière d’Hérode, dès qu’il a appris la naissance du Roi. « Pourquoi as-tu peur, Hérode ? Le Christ n’est pas venu pour ravir la gloire d’autrui, mais pour nous faire don de la sienne. Tu commandes d’assassiner ces faibles corps, car la peur assassine ton cœur ! »
Tout au long de sa vie, Jésus a parcouru le monde en faisant le bien. (cf. Ac 10, 38) Mais comment a-t-on pu lui vouloir tant de mal ? Quand il monte au Golgotha, nous avons l’impression que son histoire résume toutes les contradictions de notre humanité. Quand il rend son dernier souffle, nous l’entendons prier : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit. » (Lc 23, 46) Et de ces mains nous viendra la lumière. La résurrection de Jésus est la réponse de Dieu à toutes les questions des hommes. Lui seul pouvait nous la donner : « Avec la mort, la vie n’est pas détruite, elle est transformée. »
Voilà qui nous permet de comprendre enfin que la vocation de l’homme se résume dans le verbe aimer. Comme nos divergences entre chrétiens paraissent dérisoires tout d’un coup ! Et révoltants, nos conflits historiques, sans parler de la division des églises qui nous fait honte, puisque nous proclamons tous que l’Eglise est une et sainte. Mais pourquoi donc n’en donnons-nous pas le témoignage ? Ce qui est sûr, et vraiment joyeux, c’est qu’aujourd’hui, nous sommes unis par un amour fraternel qui traverse allègrement les prétendues frontières de nos églises. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour travailler à l’unité, convaincus de l’importance de cet enjeu, selon la parole du Seigneur : « A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jn 13, 35)
Même si nous n’arrivons pas à démêler les nœuds accumulés par l’histoire, nous sommes sûrs que le Seigneur nous fera ce cadeau quand il voudra. L’unité des chrétiens ne sera pas le fruit de recherches savantes, encore moins de négociations habiles. Nous l’attendons comme un événement de grâce. Ne perdons pas de temps à nous lamenter sur les divisions du passé ou du présent, et faisons tout pour en éviter de nouvelles dans le futur… Lançons-nous hardiment dans l’œuvre de transformation que la Résurrection rend possible : « Tous, nous serons transformés. » Il s’agit de notre propre conversion à mettre en œuvre tout de suite. « Il faut que ce qui est périssable en nous devienne impérissable. » (1 Co 15, 51 et 53)
Mais puisque l’Apôtre avertit que : « La chair et le sang ne sont pas capables d’avoir part au Royaume de Dieu », où donc allons-nous en trouver la force ? Dans le pain vivant de l’Eucharistie, comme nous l’a enseigné Jésus : « Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement (…) Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. » (Jn 6, 51-54) Le Nouveau Testament lie la Résurrection à l’Eucharistie. Et celle-ci est encore le lieu douloureux de notre division, alors qu’elle porte le nom de « communion ». Quand ce pain devient le corps du Christ, il se trouve entraîné dans l’aventure du mystère pascal et nous ouvre à la lumière de la Résurrection. Voilà le levier de toutes les transformations et de la transfiguration du monde. Nous sommes envoyés pour proclamer ce message de consolation aux hommes, car ils méritent plus d’amour que le monde ne peut leur en donner : « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu (…) et criez-lui » (Is 40, 1), la victoire de notre Seigneur Jésus Christ.
Consolation et Résurrection sont un même mot hébreu dans nos Bibles. Que la puissance de ce Mystère nous illumine et nous convertisse. Alors, nous saurons comment travailler ensemble à transformer le monde, pour que son Règne vienne !
Références bibliques : Jn 12, 23-26 ; 1 Cor 15, 51-58 ;
Référence des chants :