Permettez que je vous parle simplement ce matin d’un homme qui passe pratiquement inaperçu dans ce long récit de la passion et pourtant qui aurait certainement beaucoup de choses à nous dire.
Il s’agit d’un certain Simon de Cyrène… Vous savez, celui qui a aidé Jésus à porter sa Croix sur le chemin du Calvaire.
Que savons-nous de lui ? Rien ou presque rien… Il était originaire de Cyrène. Et Cyrène, c’est en Afrique du Nord ! Il venait de l’étranger ! Les noms de ses fils évoquent l’ouverture à tous les horizons : Alexandre, du monde grec et Rufus de consonance romaine. Il revenait des champs. Sans doute avait-il travaillé dur. Et à l’heure de midi où le soleil tape fort, il rentrait fatigué à la maison.
Enfin ce qu’on sait c’est qu’ils le réquisitionnèrent, lui, le passant, pour porter la croix.
Ce qui me frappe chez Simon, c’est à la fois son anonymat et la place privilégiée qu’il a prise dans le Mystère de la passion du Christ. Anonyme… Car on n’a pas reparlé de lui. Il n’a jamais eu sa place dans le catalogue des saints. Il est rentré dans la nuit et l’oubli de l’histoire.
Et pourtant quelle place il a eue ! Il a porté la croix du Christ, le seul ! Il était à côté de Lui. Il a senti son souffle ! Il l’a vu souffrir, pleurer. Et ce faisant, il a été le partenaire du plus bouleversant événement de l’histoire : ce chemin de croix où Dieu lui-même a donné sa vie pour que tous les hommes, sans exception, soient sauvés ! En cette heure d’épreuve extrême, Dieu a eu besoin d’un homme, d’un frère. Simon, toi l’étranger, toi qui simplement passait par là, ce jour-là, sans le savoir, tu es devenu le premier disciple de ce Jésus qui avait dit auparavant : "Celui qui veut être mon disciple, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive."
En ce jour-là, Simon, tu as pris la place de disciple, bien avant les apôtres qui s’étaient enfuis, bien avant cet autre Simon qui lui-même avait renié. Tu t’es compromis avec le condamné, rejeté, objet du mépris de tous.
Ce Simon de Cyrène est le frère de tant de gens très simples… Il y en a parmi vous, frères qui avez tenu à participer, par votre présence, dans cette église, ou par la télévision, à cette célébration des Rameaux.
Ces gens-là ne sont pas forcément des familiers de l’église. Ce ne sont pas des militants, comme on dit. On ne les trouve pas forcément dans les Conseils Pastoraux ou Paroissiaux. Mais quand il faut prendre sa place auprès de quelqu’un qui porte douloureusement sa croix, ça, ils savent le faire, sans publicité.
C’est cette famille qui a su accueillir les enfants du voisin de palier dans le H.L.M. quand les disputes s’amplifiaient entre les parents. C’est cet ami qui a su rester fidèle à l’homme tombé en prison alors que tous les autres l’on abandonné. C’est cette maman qui, à bout d’arguments et de fatigue, accueille encore et encore son enfant retombé dans la drogue.
Frères et soeurs, dans cette société si dure, traversée de tant de peurs, grande est la solitude de ceux qui à l’image du Christ portent leur croix.
Simon de Cyrène nous montre le chemin, lui le lointain s’est fait le prochain. Il a su partager la passion du Christ. Avec lui, désormais, nous savons que s’il y a des croix impossibles à écarter, reste l’immense appel à s’aider à les porter les uns les autres.
C’est ce qu’affirme à sa manière ce beau texte du Concile : "En effet puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu seul connaît, la possibilité d’être associés au mystère pascal du Christ."
Références bibliques :
Référence des chants :