Cette prière du Christ pour l’unité rejoint un des désirs les plus profonds enracinés dans le coeur de l’homme. Prier et bâtir l’unité, c’est, en quelque sorte, rejoindre la genèse de l’homme à la façon dont la Bible pourrait en parler dans son premier livre.
Au commencement, dit Dieu, il y avait l’unité. Elle était faite de beaucoup de séparations fécondes entre la terre et la mer, entre la lumière et la nuit, entre le ciel et le sol. Et pour dessiner l’unité, Dieu fit un arc-en-ciel où la beauté des couleurs se répondait sans jamais se confondre.
Et Dieu dit, « faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance », c’est-à-dire créé pour l’unité. Et Dieu fit l’homme mais aussi la femme pour que l’unité soit véritablement à son image. Il y eut l’homme et il y eut la femme, et Dieu vit que cela était le vrai visage de l’unité.
Et c’est depuis lors que l’unité est un fruit du paradis, là où la genèse de l’homme rejoint le projet de Dieu.
Mais il y eut la chute, le déluge ou encore la Tour de Babel. La suffisance de l’homme venait briser son unité originelle et c’est depuis lors que l’on parle du « péché originel ». Il fallait renouer ce qui avait été cassé. Il fallait refaire des liens et Dieu ne cessa, au fil des siècles, d’apprivoiser l’homme pour lui permettre de regoûter aux saveurs de l’Eden.
Il y eut alors des bâtisseurs de l’unité. Ils s’appellent Abraham, et c’est l’unité dans l’alliance et dans la foi. Il y eut Moïse et c’est l’unité du peuple libéré mais encore divisé. Il y eut les prophètes, ceux d’hier et d’aujourd’hui : Isaïe et Martin Luther King, Osée et Gandhi, Ezéchiel et Mère Teresa, et tant d’autres.
Et il y a surtout le Christ qui, dans sa prière, dit : « Que tous soient un. » Et il ajoute : « Comme Toi Père, tu es en moi et moi en Toi. »
Ô, rassurez-vous ! Il ne s’agit pas ici de réécrire la genèse du monde avec toutes les lettres de l’alphabet biblique. Il s’agit de rejoindre le coeur de l’homme dans son désir le plus intense et, j’oserais presque dire, le plus divin : sa quête de l’unité.
Et c’est le même cri qui retentit à l’autre bout de la Bible, c’est-à-dire dans l’Apocalypse dont nous venons d’entendre un extrait : « Je suis l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier. » C’est l’unité entre le début et la fin mais en reconnaissant que Dieu est au germe et au terme de la destinée humaine et cela seul peut fonder l’unité. On ne peut bâtir l’unité que dans une vie unifiée et non pas morcelée ou éclatée.
Mais qu’est-ce que l’unité dont parle le Christ ?
Serait-ce cette pommade appelée parfois « langue de bois » et qui viendrait gommer les conflits auxquels n’échappe aucune communauté humaine ? Il y a des visages de l’amour qui n’en sont que des caricatures !
Serait-ce l’appel à la mobilisation générale préservant une unité de façade pour que les chrétiens deviennent les fantassins du monde moderne au service de l’évangélisation des terres païennes à reconquérir ?
Non, le Christ n’est pas un stratège mais un frère venu révéler que l’homme se détruit dans les divisions fratricides. En ce sens, l’unité n’est pas d’abord une définition à inventer mais une expérience à vivre.
L’unité, c’est quand je peux dire à l’autre : « tu n’es pas une menace mais tu m’enrichis par ta différence. »
L’unité, c’est quand je peux dire à l’autre : « mon bonheur, c’est que tu existes et que tu sois heureux. »
L’unité, c’est quand la communion devient tellement forte qu’on y reconnaît la présence de Dieu, au-delà même de l’homme qui rejoint ses profondeurs les plus ultimes.
Aujourd’hui, il nous faut choisir entre la division et l’unité. Dans un monde éclaté qui fait de l’instant l’absolu du temps, il nous faut retrouver le sens de l’Histoire et de l’avenir, du présent vécu dans l’intensité de ce qui apparaît déjà comme une expérience d’éternité.
Je crois que l’unité est un fruit de la paix : il faut être pacifié pour devenir unifié. En fait, l’unité se bâtit là où des hommes et des femmes ont acquis une telle liberté intérieure qu’ils peuvent vivre sereinement au plein souffle de l’Esprit Saint. Ils osent vivre de Dieu, sans être des peureux mais des audacieux dans l’Amour. Ils deviennent alors les « prophètes de notre temps. »
L’unité, c’est bien autre chose qu’un cocooning spirituel protégé par les cloisons fragiles de nos frilosités orgueilleuses.
L’unité, c’est la folie de l’Amour, l’audace de la vraie liberté et la certitude intérieure que la vie se déroule sur fond d’éternité.
Le secret de l’unité se trouve dans la vie intérieure c’est-à-dire dans l’intérieur de la vie. C’est aux profondeurs de l’homme que Dieu vient nous révéler les secrets de l’unité faite de communion et de joie, de vérité et de liberté.
Le combat contre la solitude passe par la quête de l’unité et c’est déjà une expérience de la Trinité, et d’abord un don de l’Esprit Saint.
Références bibliques :
Référence des chants :