Serions-nous moins intelligents qu’avant ?
Figurez-vous que de plus en plus de personnes se risquent à répondre positivement à cette question! Comme argument, ils soutiennent que notre quotient intellectuel aurait commencé à décliner ces dernières décennies; que l’esprit critique régresse ; que notre langage s’appauvrit, que le système éducatif se dégrade et j’en passe…
Bien souvent, nous n’utilisons pour mesurer l’intelligence qu’une de ses dimensions : la raison. Or, l’être humain est complexe et nos intelligences sont plurielles : intelligence rationnelle, intelligence émotionnelle, intelligence spirituelle.
Et chacune d’entre elles ne demande qu’à grandir.
Malheureusement, dans notre monde de la performance, nous réduisons trop souvent l’intelligence d’un être à ses seules capacités intellectuelles, ou à l’acquisition de compétences…
Or, n’avons-nous pas déjà rencontré des personnes lumineuses —mais sans aucune formation— qui par un seul mot nous montrent qu’elles ont tout compris ? Ne connaissons nous pas aussi des esprits brillants, mais à l’intelligence émotionnelle si faible…
Oui, nos intelligences sont multiples. Aujourd’hui, la parole du ressuscité nous invite à les conjuguer, à les mettre ensemble.
Il ouvre notre cœur à l’intelligence des écritures et à la ‘compréhension de nos intelligences’ ! Il nous aide à lire autrement la trame de notre vie et à décliner notre raison, nos émotions et notre foi… Autrement dit, il nous invite à « une sagesse du cœur », qui parfait nos trois formes d’intelligence. Pour bien le comprendre, reprenons le fil de l’évangile de ce jour, et les trois questions que le Ressuscité nous pose dans le récit…
« Pourquoi ces pensées dans votre cœur ? » leur dit le Ressuscité. Les disciples de retour d’Emmaüs essayent de comprendre mais leur raison est obscurcie. Elle ne suffit pas à apaiser leurs cœurs. C’est comme si leur intelligence rationnelle —leur pensée— était bloquée et tournait en rond. Nous le savons, notre raison ne suffit pas toujours à comprendre les événements de notre vie.
Le Ressuscité vient alors avec une deuxième question. « Pourquoi êtes-vous bouleversés ? » Les disciples au retour d’Emmaüs sont submergés par la tristesse, la crainte… Le Ressuscité interroge maintenant non seulement leurs pensées mais aussi leurs émotions.
Quant à nous, ne faut-il pas, chaque jour, s’asseoir à la table de nos émotions, sans les fuir ou les enfuir ? Écouter nos colères, apprivoiser nos peurs, parler à la part triste en nous. Car bien souvent, nous « agissons dans l’ignorance » de nos émotions, lorsque, par exemple, proche nous adresse une parole juste mais que nos émotions prennent le dessus ? Ne serions-nous pas plus en paix intérieurement, si nous arrivions plus souvent à dire à temps et aux bonnes personnes, et dans la bonne mesure toutes nos colères, nos peurs, nos frustrations, ce qui nous bouleverse ? Mettre des mots sur ce qui nous émeut.
La sagesse du cœur conjugue donc raison et émotion. Mais « dans leur joie, les disciples n’osaient toujours pas y croire ». Autrement dit, même la plus belle des émotions —la joie— empêche encore ceux-ci de croire ! C’est comme s’il manquait une dimension supplémentaire pour éclairer les événements qu’ils traversent… Dans le récit, les disciples passent enfin par une nouvelle étape. Comment ? Le Ressuscité ouvre leur cœur. Il les interroge sur le sens des choses et les invite à l’intelligence de la foi.
« Avez-vous quelque chose à manger ? ». Comme pour nous dire : qu’avez-vous qui nourrit réellement, qu’avez-vous à offrir qui restaure l’humain, qui l’aide à avancer, qui le construit, qui lui procure la joie de croire, qui donne du sens ?
Par trois questions toutes simples, le Ressuscité nous offre une cette sagesse du cœur qui conjugue les trois harmoniques de notre intelligence : raison, émotion, et foi. Si nous privilégions souvent l’une ou l’autre forme d’intelligence, n’est-il pas urgent de redécouvrir un réel équilibre en nous, à la lumière de l’évangile, afin de mieux nous comprendre, de relire notre histoire personnelle ?
C’est dans cet équilibre que nous pourrons apporter une compréhension —rationnelle, émotionnelle et spirituelle— à notre monde qui en a tant besoin… Aujourd’hui, cette sagesse du cœur nous dit, te dit :
Si ton passé te semble bien lourd à porter…
Ouvre ta raison et relis ton histoire à la lumière de l’évangile.
Tu y découvriras que l’échec peut être traversé.
Tu y verras des raisons nouvelles de croire.
Si ton présent te semble vide et sans relief, sans goût.
Si ton travail, ton couple ou ta vie stagnent.
Écoute tes émotions et relis ton quotidien à la lumière de l’évangile. Tu y trouveras des raisons nouvelles à aimer.
Si ton futur te semble enfin sans perspective.
Écoute ta quête de sens et lis ton quotidien à la lumière de l’évangile. Ensuite, ouvre ton cœur à l’intelligence de l’écriture de ta vie. Et dans la foi et la prière, tu y découvriras des raisons nouvelles d’espérer. Et tu entendras une voix —au plus intime de ton cœur— te dire : « La paix soit avec toi »
A toi, maintenant, d’en être le témoin !