ESPEREZ
"Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?"
Veiller, comme celui qui ne veut pas manquer le passage du Seigneur.
Préparer le chemin du Seigneur, dans nos coeurs et dans la vie du monde.
Espérer, c’est la troisième étape vers Noël.
Oui, je m’étais engagé à faire de ce dimanche le dimanche de l’espérance, d’autant plus que dans cette chapelle de la rue du Bac, des millions de pèlerins ont retrouvé l’espérance. Mais, ce matin, au pied du mur, j’hésite. J’ai plutôt l’impression que ce sera le dimanche dédié à ceux qui doutent, ceux et celles qui ont toutes les raisons de désespérer.
Impossible d’oublier le doute de Jean-Baptiste. Il est en prison. Hérode l’a fait enfermer dans la forteresse de Machéronte, sur les hauteurs de la Mer morte. Comment pourrait-il ne pas s’interroger, ne pas douter ? Il n’a plus rien à espérer, la suite le prouvera. Et pourtant, il a été fidèle à sa mission de prophète, en dénonçant courageusement la conduite d’Hérode. Alors, où est Dieu, que fait-il ? Ne pourrait-il pas épargner un tel châtiment injuste à ceux qui lui sont fidèles ? Et Jésus, est-il vraiment l’envoyé de Dieu ? "Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?"
Mes amis, la question de Jean-Baptiste, c’est la nôtre. Quand le malheur nous accable, ne nous arrive-t-il pas de dire, nous aussi, : " Où est Dieu, que fait-il ?" Face au malheur du monde, combien nous disent : " Où est-il ton Dieu ?". Les chrétiens, aujourd’hui, entendent cette question chaque jour. Le Dieu qu’ils prient est absent de la vie sociale et, s’il est nommé dans la culture, c’est comme le souvenir d’un passé révolu.
Vous-mêmes, moi-même, la question nous taraude parfois. Après 2000 ans de christianisme, des millions de sermons sur la charité, des milliers de livres sur Jésus Christ, des hommes qui se disent chrétiens, des peuples qui ont été baptisés continuent de s’égorger. N’a-t-on pas raison de désespérer ? Je transforme à peine les propos des deux disciples d’Emmaüs : "Nous espérions que c’était le Christ qui allait délivrer notre monde. Mais avec tout cela, voilà plus de 2000 ans que ces choses sont arrivées".
La question est on ne peut plus claire. Elle exige une réponse claire. En ce 3e dimanche de l’Avent, écoutons l’inlassable répétition d’Isaïe : "Prenez courage, ne craignez pas, voici votre Dieu. Il vient lui-même et vient vous sauver. Le boiteux bondira comme un cerf et la bouche du muet criera de joie".
Écoutons aussi l’inlassable répétition de Jésus : "Le Royaume de Dieu est proche, il est au milieu de vous" ; "Allez rapporter à Jean ce que vous voyez : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, la Bonne Nouvelle est pour les pauvres".
Et je crois ce matin, avoir mission et conviction de vous répéter inlassablement : "Le Royaume de Dieu est là, ne le voyez-vous pas ?".
Mais, c’est bien évident que je dois soigneusement expliquer à quelle condition cette annonce me paraît vraie.
C’est l’apôtre Jacques, dans sa lettre que nous venons de lire qui a trouvé les mots : "Frères, en attendant la venue du Seigneur, ayez de la patience. Voyez le cultivateur, il attend les produits précieux de la terre avec patience."
Ces mots me font penser à une légende qui pourrait bien être un conte de l’Avent. Cette légende va peut-être nous faire faire quelques pas sur le chemin d’une réponse fragile.
Un jeune homme dans son rêve entre dans un magasin. Derrière le comptoir, se tient un Ange qui fait office de vendeuse. "Que vendez-vous ?" lui demande le jeune homme. "Tout ce que vous désirez" lui répond l’Ange avec courtoisie. Alors, le jeune homme se met à énumérer : " Dans ce cas, je voudrais bien la fin de guerres dans le monde, plus de justice, la tolérance, la générosité envers les étrangers, davantage d’amour dans les familles, du travail pour les sans-emploi ". L’Ange lui coupe la parole : "Excusez-moi, Monsieur, vous m’avez mal compris, ici on ne vend pas les fruits, seulement les graines."
Jésus nous l’a dit, c’est en toutes lettres dans l’Évangile. Dieu est un semeur. Il a semé des graines de justice dans le coeur de l’homme, des germes de réconciliation, des germes de pardon, des germes d’amour et de tendresse. Pas des fruits, des semences seulement. C’est à nous de les faire éclore et grandir. C’est à nous de faire marcher les boiteux, d’éclairer les aveugles, de donner la parole aux sans-voix, de servir les pauvres. C’est l’inouï de notre vocation chrétienne : nous sommes invités à ne faire qu’un avec le Christ pour qu’il continue, par nous, à réaliser sa Promesse. Le Christ, aujourd’hui, n’a pas d’autres mains que les nôtres pour transformer le monde. Les mains du Christ, le regard du Christ, la tendresse du Christ doivent désormais passer par nos mains, nos yeux et notre coeur.
Faut-il ajouter que l’espérance chrétienne s’appelle aussi confiance, confiance absolue en un Dieu qui réalisera sa Promesse au-delà de ce qu’on peut imaginer.
Concluons. Dans cette chapelle de la rue du Bac, rejoignons la prière de tous ceux, toutes celles qui sont venus ici demander à Marie comment elle faisait quand il n’y avait apparemment plus rien à faire, comment elle croyait quand il n’y avait apparemment plus moyen de croire, comment elle espérait quand il n’y avait apparemment plus rien à espérer.
Ce matin, demandons-lui que la lumière de l’espérance passe dans le coeur de ceux qui doutent et désespèrent. Et que nous puissions chanter, la nuit de Noël : "Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière".
Grande lumière et pourtant parfois petit falot dans une nuit épaisse. Et comme on l’a magnifiquement écrit : "Il est des soirs où il faut à cette lumière bien de la hardiesse, bien du toupet, bien de l’assurance pour passer sous la porte des noirs événements".
Mais elle est là depuis qu’une toute petite lumière a percé la nuit dans une étable, il y a 2000 ans.
Références bibliques :
Référence des chants :