Si des journalistes avaient à parler de l’actualité de la Bonne Nouvelle de ce jour, leurs manières de faire et de traiter l’information serait sans aucun doute bien différentes les unes des autres. Pour certains, le " scoop " du jour serait la disparition de Jésus élevé vers le ciel. Pour d’autres, le " scoop " serait la fin des apparitions du Ressuscité et la solitude à laquelle les disciples de Jésus sont, cette fois, définitivement livrés. Pour d’autres encore, le " scoop " de l’actualité serait sans doute non pas tant dans le message de l’évangile que nous venons d’entendre, mais dans l’acte que nous venons de poser en refermant le livre sur cette dernière page de l’évangile de Marc.
Chers amis, les manières de comprendre, de traiter, d’entendre l’actualité sont diverses et variées. Ainsi en est-il aussi de la Bonne Nouvelle. Chaque jour nous nous mettons à l’écoute de l’actualité du monde dans lequel nous vivons. Et ce qui se passe, ce qui se vit, aux quatre coins du monde nous arrive de plus en plus rapidement jusqu’au coeur même de notre intimité. L’actualité nous est livrée par la presse, par la télévision, par les échanges que nous avons avec des voisins et des amis. Et quoi qu’il en soit de l’actualité du monde, nous ne pourrons jamais nous résoudre à accepter sereinement des massacres, des guerres, des attentats, des souffrances et des violences inutiles…
L’actualité nous promène inlassablement entre deux berges : celle d’hier et celle de demain, entre passé et avenir. S’il nous est en général assez facile d’apprécier le passé parce que précisément il est derrière nous et donc que nous le maîtrisons, il nous est, par contre, bien plus difficile de maîtriser l’avenir et même parfois de l’accepter tel qu’il se propose à nous. Oui, l’avenir bien souvent nous inquiète. Et sans doute l’avenir inquiète-t-il aussi les disciples du milieu desquels Jésus se retrouve arraché, enlevé pour être assis à la droite du Père.
Mes amis, l’avenir se dessine toujours avec des reliefs d’incertitudes sur lesquels viennent s’enraciner des questions bien humaines. Comment cela se fera-t-il ? De quoi demain sera-t-il fait ? Pourrons-nous tenir ? Saurons-nous nous aimer toute une vie ? Serons-nous fidèles ?
Entre passé et avenir, le temps du présent nous ouvre grand les bras et nous pousse à succomber à la tentation de tourner le dos au passé et de fermer les yeux à l’avenir, au risque de se laisser accaparer par le présent et ne voir plus que lui. Jamais l’actualité, jamais le présent ne se suffiront à eux-mêmes. Le présent a besoin du passé pour s’écrire. Il nous faut lire et relire les jours et les heures du passé pour en puiser la force de vivre le présent, et oser rêver et inventer le futur.
L’Ascension de Jésus est donnée aux disciples comme un ultime rendez-vous pour lire et relire le passé avant de plonger dans le futur, dans cette actualité du départ qui s’impose aux disciples : " Allez dans le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création ! "
Chers amis, pour les disciples, l’actualité du moment n’est plus à la peur devant les apparitions du Ressuscité… L’actualité n’est pas à la contemplation du Ressuscité… L’actualité n’est pas non plus à la tentation de poursuivre la relation avec Jésus comme autrefois, comme avant, comme s’il n’y avait jamais eu la croix, la mort, le tombeau vide, la résurrection.
D’une certaine manière, l’actualité de l’Ascension de Jésus, pour les disciples comme pour nous aujourd’hui encore, c’est le " scoop " du livre qui se referme. Le livre est fermé. Il n’y a plus rien à dire. Il n’y a plus rien à lire. Dorénavant il va falloir écrire un autre livre, remplir de nouvelles pages. Chacun est soudain renvoyé à lui-même, à ses choix, à sa liberté, à son avenir. Chacun est renvoyé à l’acte de foi qu’il lui faut poser pour oser le départ auquel le Ressuscité appelle. Un tel acte de foi ne pourra se poser que dans l’accueil de la Bonne Nouvelle, dans la relecture d’une vie, dans la prière. Un peu à la manière des disciples qui, dans l’attente de l’Esprit, et avant la grande dispersion de l’envoi en mission se réunissent avec Marie et d’autres frères et soeurs de leur groupe pour prier.
Pour les disciples et pour nous-mêmes aussi, l’avenir est devant. Et l’avenir repose sur la mémoire. Non pas la mémoire de pieux souvenirs, mais la mémoire vivante d’une actualité qui demeure et se fait chaque jour plus brûlante : " Faites cela en mémoire de moi ! " Oui, l’Ascension actualise encore davantage cette parole de Jésus. Dorénavant, c’est notre propre vie qui doit se faire don, à la manière du Christ. Dorénavant, c’est notre propre existence qui doit se livrer aux flammes de l’Esprit. Dorénavant, nous sommes envoyés de par le monde pour être témoins de la Bonne Nouvelle.
Frères et soeurs, le livre est fermé. La fête de l’Ascension nous rend libres de risquer un acte de foi qui fait de nous des témoins, des hommes et des femmes responsables de la Bonne Nouvelle. Il nous faut passer sur l’autre rive, sur la berge de l’avenir, pour écrire d’autres pages. Les malades vont se lever. Les serpents et les poisons n’ont plus de force. La mort est morte. L’évangile nous livre ces signes qui nous disent l’actualité d’un nouveau monde né sur le seuil du tombeau vide. Le temps est à un langage nouveau, à une création nouvelle. L’Esprit souffle, comme au premier jour !
Étonnant départ du Ressuscité, qui fonde le départ en mission des disciples. Étonnante présence du Seigneur qui travaille avec eux et confirme la Parole par des signes qui l’accompagnent.
Dans son départ, dans son absence, Jésus est déjà présent à tous les carrefours du monde, à tous les carrefours de nos vies. Avec la fête de l’Ascension le temps est venu d’écouter la musique de l’Esprit, en nous-mêmes, dans les autres et dans notre monde. Tournés vers l’avenir, il nous faut, au prix de la relecture de nos vies, récolter les fruits que l’Esprit ne cesse d’engranger en nous. Ces fruits sont les premières pages de l’autre livre, celui qu’il nous faut ouvrir et écrire avec des frères et des soeurs, au pas de l’Église qui se met en marche pour devenir Bonne Nouvelle à la face du monde.
Désormais Jésus est présent partout dans le monde où quelque chose de la Bonne nouvelle est en germe, en naissance. Partout où l’évangile est vécu. Saurons-nous le reconnaître à la croisée de nos chemins et de nos routes d’hommes ?
Références bibliques :
Référence des chants :