Les Hébreux, libérés du joug des Egyptiens par le passage de la Mer Rouge, avancent dans le désert vers la Terre Promise encore lointaine et inconnue. Durant cette traversée aride, ils font la dure expérience de la faim et de la soif, et ils murmurent contre Moïse. Tandis que celui-ci se tourne humblement vers Dieu, le peuple devient menaçant. Il avait obtenu sa délivrance par son obéissance à la Parole de Dieu, mais l’épreuve de la soif montre la faiblesse de sa foi. Seul Moïse cherche à entrer dans les vues de Dieu, à écouter sa Parole, à mettre en pratique ce qu’Il dit ; c’est grâce à sa foi que le peuple pourra boire : en effet, sur la Parole de Dieu, il frappe le rocher d’où jaillit l’eau vitale pour le peuple. Saint Paul verra dans ce rocher une préfiguration du Christ (1 Cor. 10, 4).
Et en effet, de manière très solennelle, lors de la fête des Tentes qui rappelle la marche au désert, Jésus invite ceux qui ont soif à venir à Lui. Par cette invitation, Il proclame qu’il est le véritable Rocher d’où jaillissent des fleuves d’eau vive pour combler la soif de ceux qui croient en Lui. Cette eau purifie, vivifie, désaltère pour la vie éternelle ceux qui se plongent en elle et y boivent. Elle devient, dans le cœur des croyants une source pure et féconde. C’est dans cette eau que nous sommes devenus chrétiens par la foi, ne faisant plus qu’un avec le Christ et entre nous.
L’Eglise est le rassemblement de ceux qui ont écouté la Parole de Dieu, qui ont cru, et qui ont été plongés dans les eaux du salut par le baptême ; elle est le peuple de Dieu, enraciné dans le peuple de la Première Alliance. Elle est le Corps du Christ, pleinement associée à son œuvre de salut. Elle est chargée de puiser l’eau vive au Rocher et de l’offrir à tous ceux qui ont soif. L’Eglise a mission de dispenser la grâce du Christ.
L’Eglise n’est rien sans le Christ ; hors nous nous sommes parfois considérés comme les propriétaires de l’eau du salut, les propriétaires de la grâce. Dès que les chrétiens oublient qu’ils ne sont ni le Rocher, ni les propriétaires de l’eau vive, les divisions surviennent au point de donner aux yeux du monde l’impression qu’il y a plusieurs rochers, plusieurs sources d’eau vive. Nous avons mis Dieu à l’épreuve en nous cherchant querelle les uns envers les autres et nous avons limité l’accès à l’eau vive en voulant nous l’approprier. Nous sommes bien trop préoccupés de nous-mêmes, et pas assez de la volonté de Dieu et de la soif de nos contemporains. Il est temps d’adopter l’attitude de Moïse et de nous tourner vers Dieu dont nous sommes les serviteurs ; il est temps d’accueillir sa volonté.
L’unité des chrétiens ne se fera pas en cherchant à savoir qui a raison ou par une sorte d’accord de compromis entre les différentes Eglises chrétiennes ; l’unité ne se fera pas si nous en restons à nos vues humaines obscurcies par nos péchés. Elle ne peut être que le fruit d’une conversion de chaque baptisé et de chacune de nos Eglises. Elle sera l’œuvre de Dieu, puisqu’Il y a un seul Dieu, un seul Berger de son peuple, le Christ, un seul Esprit Saint qui jaillit du cœur du Christ comme des fleuves d’eau vive. L’unité des chrétiens se fera si tous les baptisés se tournent ensemble vers le Christ par la foi, s’ils se mettent à son école, en cherchant comme Lui, avec Lui et en Lui la volonté du Père.
L’unité ne signifie pas uniformité. S’il y a un seul Rocher, une seule Source, l’Evangile évoque des fleuves d’eau vive, qui nous rappellent la diversité des dons de l’Esprit. S’il y a un seul Corps, il y a de nombreux membres pourvus de dons différents. De la Source unique coulent de nombreuses grâces qui portent des fruits variés. Depuis les origines de l’Eglise, l’Evangile s’est inculturée dans des peuples divers, laissant apparaître une grande richesse liturgique comme expression d’une même foi, et donnant naissance à des manières différentes de prier, de vivre la fraternité et de servir. L’Unique Esprit Saint répand ses dons variés dans tous les membres du Corps ; la démarche œcuménique nous a appris à reconnaître ses fruits dans les différentes Eglises. C’est pourquoi, il est temps de nous faire confiance et de nous mettre ensemble au service de l’unique Source !
Même si le chemin vers l’unité semble long, les rencontres que nous vivons, ici à Grenoble, les engagements communs que nous prenons, si modestes soient-ils, sont, avec la conversion et la prière, un signe fort d’espérance, et déjà un témoignage d’unité « afin que le monde croie ».
Que Dieu nous fasse persévérer sur ce chemin !