La Bible est un livre rempli de moutons. Il y en a partout, de la Genèse à l’Apocalypse. Et d’ordinaire, je n’aime guère être comparé à un mouton. Je ne me sens pas de bêler, je n’ai pas le tempérament grégaire et je ne suis guère laineux. Pourtant je dois reconnaître qu’en ce moment, je suis un peu comme un mouton sous l’orage. Mouillé, désemparé et seul.

C’est pourquoi la prophétie d’Ézechiel prend un sens nouveau. « Je veillerai sur mes brebis, j’irai les délivrer dans tous les endroits où elles ont été dispersées, un jour de nuages et de sombres nuées » : dispersés, nous le sommes, frères et sœurs, dispersés par le confinement, devant nos postes de télévision, seuls, et appelant le jour où nous pourrons nous retrouver, nous parler, nous embrasser. L’orage gronde et roule sur les collines de Judée et il semble ne jamais devoir s’arrêter.

Mais ce qu’annonce l’Écriture aujourd’hui, ce que signifie cette fête du Christ-Roi qui termine l’année liturgique, c’est que le Seigneur vient. Il marche dans l’orage, dit l’Apocalypse, et il vient pour nous rassembler, pour nous rassurer. Pour nous sauver. Ce sont des paroles d’espérance.

 

L’espérance, je crois, manque à notre temps. Le futur semble à beaucoup d’entre nous aussi bouché qu’un ciel de novembre. Et je ne parle pas seulement de l’épidémie. Elle aura bien une fin. Je pense aussi à toutes sortes de sujets de préoccupation que je ne dirai pas pour ne pas achever de vous plomber l’horizon.

 

Mais la Parole de Dieu est d’abord une parole d’espérance. La Promesse du Seigneur, c’est qu’il vient. Il vient dans nos vies, il vient nous prendre dans ses bras, il vient essuyer nos larmes. Il vient justement quand nous ne croyons plus qu’il viendra, quand les rideaux de pluie sont si forts que nous ne voyons plus ni nos frères, ni l’avenir. Il vient au moment où l’espoir est perdu, contre toute probabilité. C’est ce qu’il a promis, c’est ce que nous espérons.

 

Vendredi dernier, j’ai enterré mon père. Beaucoup d’entre vous, la majorité sans doute, a connu cette épreuve de la mort d’un parent. Elle n’épargne personne, et elle est rude. Dans ce cimetière du Périgord, nous étions un petit troupeau familial, un peu égaré par des deuils successifs et très rapprochés, un peu assommé par tous ces coups de tonnerre.

Et pourtant, nous avons redit au vent de novembre, au silence de la campagne, au ciel et aux collines du Périgord, nous avons redit que mon père est vivant, que les épreuves que nous subissons seront vaincues, que la joie reviendra dans notre famille. Nous l’avons redit parce que nous sommes chrétiens, nous sommes les enfants de Dieu et il nous sauvera. Nous l’avons redit le front tendu, les dents serrées, mais nous l’avons redit quand même. Et d’une voix forte.

Nous l’avons dit et vous, qui exprimez la même confiance en participant, chez vous, de loin, tant bien que mal, à cette messe, vous le dites aussi : chrétiens, nous avons fait le choix d’espérer. D’espérer dans le Dieu qui marche sur les nuées, le Dieu qui sèchera les toisons et les pleurs, le Dieu qui vient sauver tous ceux qui ont essayé d’aimer.

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