C’est la première mission que les Douze reçoivent de Jésus, deux par deux, sans leur Maître. C’est la première fois qu’ils le quittent pour une mission. Il les appelle à lui, il les saisit, (pour reprendre le terme de la vocation d’Amos) pour les envoyer. Il y a d’abord cet appel, ce saisissement, ce don de la confiance par laquelle Jésus leur confie des pouvoirs à la hauteur de leur mission : chasser les démons et guérir les malades, ce qu’aucun homme ne peut faire tout seul. Une mission qui ne nous dépasserait pas, ne serait pas une mission donnée par Dieu.
En ce sens, la mission du prophète Amos est typique. Voilà un gardien de troupeau que Dieu fait prophète. Sa vocation ne vient pas de lui. Il le dit lui-même : "le Seigneur m’a saisi". Dans un deuxième temps, il acceptera sa vocation, mais le premier temps, c’est le choix du Seigneur qui se fait connaître à Lui : et quand Dieu va saisir sa vie, il va la bouleverser. Il révèle à Amos son exigence de justice divine et cela va transformer toutes les forces du petit berger. Il ose parler à un roi, il ose entrer en conflit avec les prêtres du vrai faux temple de Béthel. Il trouve les mots qu’il faut pour cela, car ce sont les mots de Dieu, des mots sans idéologie, sans mensonge. Amos est un homme saisi par le Seigneur. Son attitude est totalement guidée par sa fidélité à Dieu qui ne supporte pas l’injustice que les petits subissent de la part des grands. L’assurance d’Amos tient à Dieu et à la conscience qu’il a d’être incapable de remplir par lui-même sa mission.
Quand quelque chose nous semble impossible (par exemple : recréer des liens après une injustice flagrante ou se décider pour un état de vie définitif ou bien plus simplement être honnête dans une situation de malhonnêteté flagrante) il faut nous poser ces questions-là :
- Ce que je veux faire vient-il de Dieu ? Qu’est ce que Dieu attend de moi dans cette situation ? – et non pas seulement : "comment m’en sortir" ?
- Avec quels moyens spirituels vais-je la réaliser ?
Et l’Evangile nous en donne deux :
La prière comme moyen pour être saisi par Lui. Prier, c’est se livrer à son Esprit, prendre une distance avec ce que je veux faire pour que ce ne soit pas ma volonté qui se réalise mais celle du Christ en moi. La prière me décentre de moi, elle me donne des forces et des sentiments qui sont en Dieu. Par la prière, je laisse le Christ et l’Évangile influencer mes choix.
Deuxième moyen : prendre conseil d’un autre, ne pas me murer dans ma solitude. C’est en tout cas comme cela que fait Jésus quand il envoie ses disciples : non pas un par un, mais deux par deux. Être deux évite qu’on soit autosatisfait de soi ou de sa pensée.
Et il les envoie : sans pain, ni sac, ni argent, même pas une tunique de rechange : juste des sandales et un bâton. Aujourd’hui faudrait il dire : "sans portable, sans ordinateur et sans caméras" ? Cette pauvreté du disciple est une condition de l’annonce pour lui permettre de regarder le seul trésor qui lui est vraiment confié : la Parole de Dieu, l’Évangile.
Cet évangile que nous venons de lire nous dit que l’absence de richesses est un moyen pour parler librement de Dieu aux autres. Comme vous n’avez rien sur vous, comme vous n’avez rien à donner. "Si donc vous trouvez l’hospitalité, restez. Sinon secouez la poussière de vos pieds."
Autrement dit :
Dans les lieux où la Parole est accueillie : restez et enseignez.
Et dans les lieux où elle ne pénètre pas, vous laisserez seulement le signe de la poussière, ce signe de la précarité de la vie ( "tu es poussière et tu redeviendras poussière") qui fera peut être réfléchir ces gens qui vivent en ignorant qu’un jour il faut mourir.
Cette mission des Apôtres est de chasser le mal. Car le mal n’est pas fait pour l’homme et l’homme n’est pas fait pour le mal. L’homme cesse d’être un homme quand il fait le mal. Cette mission continue pour nous aujourd’hui même si nous n’avons pas les mêmes pouvoirs, semble t-il, de chasser les démons. Ou plutôt, lisons bien l’Evangile qui décrit tout un mouvement spirituel presque chronologique :
Ce n’est pas notre parole qui va enlever le mal, c’est la parole agissante du Christ.
Ce n’est pas de faire des miracles qui est notre mission, c’est d’annoncer la Parole.
Ce n’est pas notre pouvoir de persuasion qui va sauver, c’est la parole de Dieu qui touche les coeurs et guérit aussi les corps.
Ce n’est pas nous qui guérissons, c’est le Christ parce qu’il est Dieu. Nous, nous devons comme Amos, comme l’Apôtre, comme le disciple nous laisser saisir par la Parole.
C’est la source : le Seigneur nous a saisis. Laissons-nous saisir.
Références bibliques :
Référence des chants :