Oui mais, si nous ne sommes ni pauvres de coeur, ni doux, ni miséricordieux, ces Béatitudes nous concernent-elles ?
Et si nous vivons du côté de ceux qui n’ont ni les soucis des sans papiers, ni le souci du domicile, sommes-nous pour autant heureux ?
Et si nous sommes vraiment matériellement du côté des pauvres, pouvons-nous dire que nous sommes bienheureux ?
Le Christ nous parle-t-il à nous ou parle-t-il à Mère Teresa, la bienheureuse au coeur pur, à l’abbé Pierre, bienheureux ce pauvre de Dieu, ou à Frédéric Ozanam, bienheureux ce miséricordieux ?
Non, c’est bien à nous que le Christ s’adresse : à chacun de nous. Mais non pas comme nous nous considérons, comme Lui nous voit. Quand il annonce les Béatitudes sur la colline de Capharnaüm et de Bethsaïde, il n’y a certainement pas que des gens parfaits en face de lui. Il n’est pas sûr que ceux et celles qui l’écoutent vivent vraiment la pureté de coeur ou la miséricorde. Si Marie de Magdala, Zachée ou le jeune homme riche sont là, se sentent-ils visés par ces paroles ?
C’est en tout cas en regardant ces visages-là que Jésus prononce ces merveilleuses paroles. Merveilleuses parce qu’elles révèlent à ceux qui les entendent un trésor enfoui en eux et qui a pour nom la sainteté : Jésus ne décrit pas ce que ces personnes vivent, il lit ce qu’elles sont à ses yeux à lui. Il révèle la semence de sainteté déposée en chacun et que ces gens ignoraient – et que nous continuons d’ignorer.
Il dit qui nous sommes aux yeux de son Père.
Il dévoile notre identité et notre vocation à l’intérieur même de la misère de notre vie.
Il dévoile la présence du bonheur dans notre vie.
Il nous donne la clé du bonheur : « Bienheureux êtes-vous… »
Mais voilà – deuxième pas sur cette colline des Béatitudes – voilà qu’en regardant de plus près la description de ce bonheur, nous découvrons que celui que Jésus Christ appelle bienheureux est bien souvent celui que nous appelons malheureux : celui qui pleure, le pauvre, le doux, le persécuté pour la justice… Jésus, le Fils de Dieu nous regarde à partir de nos points de faiblesse !
Il nous saisit par nos points de fragilité pour nous dire :
« Dans cette faiblesse, je veux mettre ma force, ma sainteté. »
« Dans tes larmes, je veux mettre un germe de bonheur éternel. »
« Dans ta pauvreté, je veux mettre ma richesse. »
« Dans ton péché, je veux mettre mon pardon. »
« Et c’est même à partir de là que je te donne ta vocation d’artisan de paix, de consolateur d’affligés, de prophète de réconciliation par ta douceur. »
« Dans ta croix, j’y mets la mienne. Dans ton humanité, je dépose ma divinité. Ne dis pas que la sainteté n’est pas pour toi, c’est moi qui l’y ai déposée au jour de ton baptême. »
En sommes-nous convaincus ? Voilà le troisième pas à faire sur la colline des Béatitudes.
Regardons ceux que nous appelons – ou que nous appellerons un jour – les saints :
– Par exemple, ces sept moines de Tibhirine : Ils n’ont pas grand chose comme richesse aux yeux du monde et pourtant, qui sont-ils aux yeux des hommes d’aujourd’hui, et aux yeux de Dieu ? Des saints !
– Thérèse de Lisieux : Elle n’a pas beaucoup de diplômes universitaires mais elle est docteur de l’Église, non ?
« Ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion les sages, ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion ce qui est fort. »
Si le Christ a mis en nous sa sainteté, c’est pour que nous découvrions notre vocation. Le visage de la faiblesse de ces hommes et de ces femmes devient pour nous comme une icône de la puissance du Christ.
Après tout, nous ne sommes pas plus débauché que Marie Madeleine… ni plus orgueilleux que Pierre… ni plus voleur que Zachée…
Leur vie a changé quand ils ont pris conscience que le Christ les regardait autrement. Leur médiocrité venait du regard qu’il posait sur eux-mêmes, leur sainteté a germé à partir du regard que le Christ a posé sur eux.
Ces Béatitudes ne sont pas données qu’aux contemporains du Christ. Elles nous sont confiées aujourd’hui quelle que soit notre misère, quel que soit le regard honteux que nous posons éventuellement sur notre vie. Et plus encore : Elles vont tout de suite, là, dans dix minutes, nous être redonnées, résumées en une seule prière : « Bienheureux les invités au repas du Seigneur ». Cette ultime et permanente Béatitude réalise pour nous ce qu’elle annonce. En communiant, nous devenons ce que le Christ annonce de nous, ce que nous recevons : le corps bienheureux du Christ.
Oui, bienheureux les pauvres, le Corps du Christ est en eux : ils sont le Corps du Christ Bienheureux, bienheureux.
Références bibliques :
Référence des chants :