A l’heure qu’il est, les jardiniers les plus passionnés d’entre nous ont déjà bien commencé les premiers semis. Et pour faire des semis, mine de rien, il faut sacrément avoir confiance en l’avenir, il y a tellement de facteurs qui interviennent : le soleil, la pluie, les altises, le mildiou et j’en passe… Les agriculteurs aussi, ils sont en train de semer les orges et les betteraves. Avec le printemps et ses bourgeons vert tendre, la vie arrive : pied de nez à la Covid, à la crise écologique, à l’endettement du pays… la vie arrive.
Mais quel rapport entre la confiance des jardiniers et l’Évangile qu’on vient d’entendre ?
Il faut que le Fils de l’Homme soit élevé, afin que tout homme qui croit ait la vie éternelle.
Croire, ce n’est dire « je sais » ou « je connais » : il n’y a aucune certitude dans le fait de croire, aucune preuve possible, aucune assurance. Croire, étymologiquement – pisteuo en grec, c’est justement placer sa confiance en quelque chose ou en quelqu’un. On pourrait du coup tenter une autre traduction sans trahir le texte originel : « il faut que le Fils de l’Homme soit élevé, afin que tout homme qui lui fait confiance ait la vie éternelle ».
Excusez-moi du peu de la promesse : la vie éternelle, carrément, allons-y. L’attribut « éternel » chez Jean (aiônos en grec) qualifie Dieu et l’éternité bien sûr. Mais pas seulement ! Il désigne aussi tout ce à quoi il nous invite : la joie et la paix, pour toujours et à partir de maintenant. Jésus le dit même clairement un peu plus loin dans l’Évangile de Saint Jean : Je vous dis tout cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite Jn 15, 11, et un peu loin encore La paix soit avec vous Jn 20, 19.
« Il faut que le Fils de l’Homme soit élevé, afin que tout homme qui lui fait confiance ait la joie et la paix ». Et là, Saint Jean parle bien de tout homme.
Peu importe d’avoir une histoire cabossée, peu importe d’être jeune et avoir des choix à faire ou d’être plus âgé et se demander si on a fait les bons choix. Peu importe d’être marié ou non, migrant ou non, noir ou blanc, peu importe nos tempéraments plus ou moins merdiques. Peu importe tout ça : « tout homme qui lui fait confiance a la joie et la paix ».
Parce qu’avec Dieu, ce n’est pas de l’ordre du mérite, ce n’est pas du donnant-donnant, ce n’est pas « si on lui fait confiance, alors on obtiendra la joie et la paix ». Dieu a tellement aimé le monde… qu’il a déjà tout donné, même son Fils. Dans l’Évangile d’ailleurs, cet amour-là déborde de partout, dans toutes les paraboles du Royaume : avec le père qui retrouve son fils prodigue, avec le roi qui prépare le mariage de son fils en allant chercher du monde sur toutes les routes possibles… jusqu’à la fameuse pêche, à foison, qui fait craquer les filets. Dieu a tout donné, il n’a plus rien sous le coude, plus rien sous la pédale. Tout est là, sous nos yeux.
Alors oui, « il faut ». Il faut que ce don, cette croix, soit élevée à hauteur d’Homme pour que nous puissions la voir. Pour les chrétiens, la croix n’est pas le symbole du supplice, c’est le symbole de cet amour débordant.
Dieu a tellement aimé le monde…
« Il faut que l’amour débordant de Dieu soit élevée devant notre regard afin que tout homme qui lui fait confiance ait la joie et la paix ».
Il le faut parce qu’il y a tellement d’évènements dans nos vies qui sollicitent notre confiance en l’avenir et en Dieu, juste pour trouver ou retrouver la joie et la paix.
Dieu a tellement aimé le monde…
Notre confiance, c’est la manière que Dieu a de prendre soin de nous. C’est sa manière de nous prendre la main, de nous garder debout. De nous relever. De nous ressusciter.
Mais si souvent, comment faire pour avoir confiance, en vrai ? Comment faire pour avoir confiance quand sur le chemin quelque chose ou quelqu’un nous a massacré, par tragédie ou par abus ? Comment faire ? Je ne sais pas. Je sais juste que nous sommes ensemble pour chercher, comme des frères et des sœurs.
Dieu a tellement aimé le monde…
Et nous sommes les relais de cet amour débordant de Dieu pour tout homme. Sans vouloir omettre toutes les questions qui doivent s’imposer à vous, vous êtes, vous les membres de la communauté de Calais, des témoins de cet amour qui redonne confiance à tant d’hommes et de femmes déracinés de chez eux. Vous êtes pour nous tous des témoins de cet amour qui permet à tant d’hommes et de femmes de rester debout. Merci à chacune, à chacun !
Dieu a tellement aimé le monde… qu’il fait encore de nous ce matin, ici ou devant la télé (semis d’orges), les graines de son amour débordant afin qu’avec nous, tout homme, toute femme, puisse lui faire confiance et qu’il ait ainsi la joie et la paix.
Pour la plus grande gloire de Dieu, c’est-à-dire notre plus grande joie, notre paix.