Frères et soeurs,
Amis en Christ,
S’il est une parabole populaire, c’est bien celle des talents. Mais, je dois vous avouer que lorsque j’étais jeune lycéen, ce texte me mettait mal à l’aise. La répartition des talents ne me semblait pas équitable : pourquoi le premier serviteur en a-t-il reçu cinq fois plus que le dernier ? Par ailleurs, celui qui a le moins reçu est pénalisé et son unique talent est donné à celui qui en possédait déjà dix. Ce n’est pas juste !
Bien sûr, chers amis, dans ma fougue de jeune adolescent épris de justice, je faisais fausse route en interprétant ainsi cette parabole.
Pour ne pas trop la travestir, il nous faut d’abord la replacer dans son contexte. Un discours de Jésus à ses apôtres au cours duquel il répond à leur question : « En attendant ton retour, comment devons-nous nous comporter ? ».
« Un homme, partant en voyage, appela ses serviteurs et leur confia ses biens » (Matthieu 25, 14).
D’emblée nous sommes fixés, les biens que nous possédons : la vie, le monde, l’avenir à construire, nous les tenons de Dieu. Mais il nous laisse toute initiative pour bâtir son Royaume. Quand Dieu donne, il donne tout, c’est le grand amoureux de l’homme.
Un talent représente, au temps de Jésus, 6000 pièces d’argent, soit près de 20 années de salaire d’un ouvrier à l’époque. Même celui qui n’en a reçu qu’un, est en possession d’un trésor fabuleux. Le maître lui témoigne autant de confiance qu’aux deux autres serviteurs. Si la répartition est différente c’est, nous dit la parabole, qu’elle est faite en fonction des capacités de chacun. Il s’agit de ne pas écraser quelqu’un sous une responsabilité qui le dépasse. Ce n’est que justice d’en tenir compte.
Les deux premiers serviteurs savent faire bon usage des talents que le maître leur a confiés. Ils ne sont pas récompensés pour ce qu’ils ont fait mais pour leur confiance. Ils ont osé prendre un risque, ils ont avancé en eau profonde, au grand large, alors que le troisième serviteur a reculé, il s’est laissé chloroformer par la morphine de l’autosatisfaction. Son souci de sécurité l’a perdu. Il rend ce qu’il a reçu, ni plus ni moins. Le compte y est. Il estime avoir fait son devoir religieux et être quitte avec Dieu, « J’ai eu peur » dit-il, il y a dans son coeur une tragique méprise sur Dieu. Dieu n’est pas un patron avec lequel on signe un contrat. Il est puissance d’amour qui nous invite à aimer sans mesure et à ne pas nous laisser envahir par la sinistrose paralysante.
Le pape Benoît XVI, faisant écho au « N’ayez pas peur » de Jean Paul II, n’hésitait pas à rappeler aux jeunes le jour de son intronisation « N’ayez pas peur du Christ ! Il n’enlève rien et il donne tout. Celui qui se donne à lui, reçoit le centuple. Oui, ouvrez, ouvrez tout grand les portes au Christ et vous trouverez la vraie vie
».
La peur du Christ, la peur de Dieu est mauvaise conseillère. Elle ne trouve pas ses racines dans l’Évangile.
L’actualité nous invite aujourd’hui à évoquer un homme qui a su, d’une manière exceptionnelle, faire fructifier les talents qu’il avait reçus.
Cet homme c’est Charles de Foucauld, né à Strasbourg, qui aujourd’hui est béatifié à Saint-Pierre de Rome. Il a toujours cherché à sortir des sentiers battus, le dynamisme de sa vie est éloquent. Fasciné par la quête de Dieu, il démissionne de sa carrière militaire. Toute sa vie, il consentira au dépassement de soi, à larguer les amarres pour rejoindre le Maroc, la Terre Sainte, le désert à Tamanrasset
à oser répondre positivement à l’appel de Celui qu’il nomme « Jésus-Amour ».
« Je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour lui » écrivait-il. Son emblème sera un coeur surmonté d’une croix. Sa volonté de servir le Christ l’a poussé à devenir le « frère universel », accueillant dans son ermitage, chrétiens et musulmans, se mettant au service des plus démunis, soignant les malades, se battant pour l’abolition de l’esclavage, tout en passant de longues heures à prier
Une foi totale au Christ permet à Charles de Foucauld de regarder toutes les situations, même catastrophiques, avec confiance. À un monde qui hésite, à une Église qui peine, à des chrétiens qui seraient tentés d’enterrer leur talent, le message de Charles de Foucauld pourrait être celui de ne pas avoir peur !
ï§ Toi ami que la vie a griffé dans les profondeurs de ton âme, ne te recroqueville pas sur toi-même Écoute ce matin le chant harmonieux de notre chorale Sainte-Cécile qui fête son centième anniversaire. Fidèlement ses voix mélodieuses invitent ton âme à se tourner vers Jésus et à entrer dans la joie de cette eucharistie.
ï§ Toi ami malade qui te sens quelquefois inutile et qui désespères, n’enfouis pas ta capacité d’aimer. C’est au chevet de ton lit que je recueille quotidiennement les témoignages les plus merveilleux de confiance, de joie et d’espérance.
ï§ Toi frère qui te sens agressé et blessé par la haine autour de toi, impuissant face à la violence, regarde le jumelage qui fut initié il y a 40 ans par les chrétiens de notre village et celui d’Ortenberg en Allemagne. C’est le témoignage vivant que l’amitié entre les peuples se construit par des gestes simples de fraternité.
ï§ Toi ami qui penses n’avoir reçu qu’un talent et qui te dévalorises en te comparant aux autres, contemple le Christ. Tel que tu es, il a besoin de ton sourire et de tes bras. Tes pauvretés lui sont plus utiles que tes fausses richesses. Et rappelle-toi : à Jérusalem, une humble monture, un petit âne avait suffi pour porter le Roi de l’Univers.
Amen
Références bibliques :
Référence des chants :