Nous célébrons la résurrection du Christ, notre Sauveur.
Des spectateurs qui arrivent sur cette messe à la télévision se demandent peut-être en quoi cela peut les concerner, ou ce que ça change à la vie du monde. En d’autres termes : pourquoi un Sauveur ?
Récemment, un adolescent préparant sa confirmation à Genève m’a posé cette question: « Pour aller au Ciel, il faut aimer Dieu, ou il suffit d’avoir envie d’aller au Ciel? »
Il y a plusieurs manières d’aborder cette question. L’une d’entre elles est notre désir de vie, et d’une vie dont l’aboutissement ultime ne soit pas la mort. Ce désir de vie inclut un désir de bonheur, lié à notre désir jamais assouvi d’amour et de connaissance. Il n’y a pas besoin d’être chrétien pour avoir ce désir, parce qu’il est inscrit dans nos cœurs.
J’en prends comme témoin Aristote, qui a vécu avant le Christ.
Dans son éthique, il montre que nos actions ne devraient pas être dispersées, parce qu’alors on s’épuiserait en avançant dans la vie. Il dit que ce qui unifie nos actions, c’est le désir d’un Bien ultime qui nous rendrait heureux. Il voit toutefois le problème : si on ne prend pas ce désir au sérieux on n’est pas suffisamment humain, mais il semble que l’atteindre soit plutôt divin qu’humain. Notre désir humain est infini, mais nous sommes limités, et mortels. Aristote peut poser un bon diagnostic, mais il n’a pas un remède suffisant.
Le désir de bonheur qu’Aristote pointe du doigt dans la vie humaine trouve sa réponse dans une personne. C’est un désir de Dieu, auquel Dieu seul peut répondre. Dieu nous a créés avec ce désir en nous : il nous a faits pour que nous puissions être avec lui.
Et comme Dieu n’agit pas en vain, il nous donne aussi le moyen d’assouvir ce désir infini. Dieu le Fils vient parmi nous, il se fait vraiment homme, jusqu’à la mort, et il ressuscite. C’est bien sûr ce que nous fêtons aujourd’hui.
La réponse divine est une personne, en l’occurrence une personne divine qui est aussi un homme. On ne comprend vraiment une personne qu’en étant en relation avec elle. Que nous suggérait le Vendredi Saint ? Si on aime Jésus c’est un événement horrible. Voir torturer une personne que l’on aime est abominable. Et ensuite on est en deuil. Ce défunt nous manque. Si on se réjouit de la résurrection, c’est d’abord à cause de Jésus, parce qu’on avait souffert de son absence. C’est ce lien avec Jésus que nous montrent les lectures de cette messe.
Pourquoi est-ce que Marie Madeleine va au tombeau : parce qu’elle souffre de la mort de Jésus, parce qu’elle l’aime. C’est aussi pour cette raison qu’après l’annonce par Marie Madeleine, Pierre et le disciple que Jésus aimait y courent aussi. Ils vont au tombeau parce qu’ils veulent trouver Jésus, et ils en repartent dans la joie de la résurrection d’une personne aimée.
Dans la deuxième lecture, saint Paul nous dit pourquoi nous tourner vers la vie éternelle :
« Recherchez les réalités d’en haut ». S’agit-il d’un désir général de hauteur ou de bonheur ? Il précise tout de suite la cause : « C’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu ». Depuis sa rencontre avec le Christ, il veut être avec lui : « Je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus ». C’est le programme de sa vie : « Pour moi, vivre c’est le Christ, et mourir est un avantage ».
Je reviens à la question du confirmand genevois : « Pour aller au Ciel, il faut aimer Dieu, ou il suffit d’avoir envie d’aller au Ciel ? » Eh bien, être au Ciel, c’est être avec Dieu, et c’est ce qui nous rend heureux. Et on sait ce que cela veut dire, quand on connaît Jésus et qu’on est heureux d’être avec lui.
Être avec Jésus, dès maintenant, ça change la donne, et ça contribue à changer le monde. Si nous sommes ses disciples, nous l’imiterons. Le Fils de Dieu fait homme – lui sans qui rien de ce qui s’est fait ne s’est fait – aurait eu tous les droits de se présenter comme le centre du monde. Eh bien il a tout rassemblé, mais en se donnant.
Il ne nous prend pas, il se donne à nous. C’est une dynamique qui inverse la violence et l’injustice. Si chacun se met au centre, la violence est inévitable. Si, comme Jésus, on se tourne vers l’autre pour qu’il puisse vivre, la paix et la justice sont possibles. Être ses disciples est notre meilleur cadeau à un monde en recherche d’espérance.
La résurrection de Jésus a bouleversé les disciples parce qu’ils aimaient Jésus. Cette rencontre a changé leur vie, et la résurrection explique leur comportement. Je prends ici à témoin l’enquête de Pinchas Lapide, théologien juif allemand du XXe siècle. En tant que Juif, il se demande ce qui explique le changement de comportement d’autres Juifs, à savoir les disciples de Jésus. Il se pose la question parce que le comportement des disciples était dangereux pour eux, et que ce danger apparaissait bien dans la mort de Jésus :
« Comment se fait-il que ses disciples, qui ne brillaient ni par leur intelligence, ni par leur éloquence, ni par leur force de foi, n’aient pu entamer leur marche victorieuse de conversion qu’après le fiasco fracassant du Golgotha – une marche qui a complètement occulté tous leurs succès d’avant Pâques ? (...) La réponse des apôtres a été brève et sans ambiguïté : la résurrection de Jésus d’entre les morts. »
Le Christ ressuscité est celui qui a été crucifié : il prend au sérieux nos souffrances et nos inquiétudes, et nous ouvre les portes du bonheur que cherche tout être humain. Quelle joie d’être avec lui !
Des spectateurs qui arrivent sur cette messe à la télévision se demandent peut-être en quoi cela peut les concerner, ou ce que ça change à la vie du monde. En d’autres termes : pourquoi un Sauveur ?
Récemment, un adolescent préparant sa confirmation à Genève m’a posé cette question: « Pour aller au Ciel, il faut aimer Dieu, ou il suffit d’avoir envie d’aller au Ciel? »
Il y a plusieurs manières d’aborder cette question. L’une d’entre elles est notre désir de vie, et d’une vie dont l’aboutissement ultime ne soit pas la mort. Ce désir de vie inclut un désir de bonheur, lié à notre désir jamais assouvi d’amour et de connaissance. Il n’y a pas besoin d’être chrétien pour avoir ce désir, parce qu’il est inscrit dans nos cœurs.
J’en prends comme témoin Aristote, qui a vécu avant le Christ.
Dans son éthique, il montre que nos actions ne devraient pas être dispersées, parce qu’alors on s’épuiserait en avançant dans la vie. Il dit que ce qui unifie nos actions, c’est le désir d’un Bien ultime qui nous rendrait heureux. Il voit toutefois le problème : si on ne prend pas ce désir au sérieux on n’est pas suffisamment humain, mais il semble que l’atteindre soit plutôt divin qu’humain. Notre désir humain est infini, mais nous sommes limités, et mortels. Aristote peut poser un bon diagnostic, mais il n’a pas un remède suffisant.
Le désir de bonheur qu’Aristote pointe du doigt dans la vie humaine trouve sa réponse dans une personne. C’est un désir de Dieu, auquel Dieu seul peut répondre. Dieu nous a créés avec ce désir en nous : il nous a faits pour que nous puissions être avec lui.
Et comme Dieu n’agit pas en vain, il nous donne aussi le moyen d’assouvir ce désir infini. Dieu le Fils vient parmi nous, il se fait vraiment homme, jusqu’à la mort, et il ressuscite. C’est bien sûr ce que nous fêtons aujourd’hui.
La réponse divine est une personne, en l’occurrence une personne divine qui est aussi un homme. On ne comprend vraiment une personne qu’en étant en relation avec elle. Que nous suggérait le Vendredi Saint ? Si on aime Jésus c’est un événement horrible. Voir torturer une personne que l’on aime est abominable. Et ensuite on est en deuil. Ce défunt nous manque. Si on se réjouit de la résurrection, c’est d’abord à cause de Jésus, parce qu’on avait souffert de son absence. C’est ce lien avec Jésus que nous montrent les lectures de cette messe.
Pourquoi est-ce que Marie Madeleine va au tombeau : parce qu’elle souffre de la mort de Jésus, parce qu’elle l’aime. C’est aussi pour cette raison qu’après l’annonce par Marie Madeleine, Pierre et le disciple que Jésus aimait y courent aussi. Ils vont au tombeau parce qu’ils veulent trouver Jésus, et ils en repartent dans la joie de la résurrection d’une personne aimée.
Dans la deuxième lecture, saint Paul nous dit pourquoi nous tourner vers la vie éternelle :
« Recherchez les réalités d’en haut ». S’agit-il d’un désir général de hauteur ou de bonheur ? Il précise tout de suite la cause : « C’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu ». Depuis sa rencontre avec le Christ, il veut être avec lui : « Je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus ». C’est le programme de sa vie : « Pour moi, vivre c’est le Christ, et mourir est un avantage ».
Je reviens à la question du confirmand genevois : « Pour aller au Ciel, il faut aimer Dieu, ou il suffit d’avoir envie d’aller au Ciel ? » Eh bien, être au Ciel, c’est être avec Dieu, et c’est ce qui nous rend heureux. Et on sait ce que cela veut dire, quand on connaît Jésus et qu’on est heureux d’être avec lui.
Être avec Jésus, dès maintenant, ça change la donne, et ça contribue à changer le monde. Si nous sommes ses disciples, nous l’imiterons. Le Fils de Dieu fait homme – lui sans qui rien de ce qui s’est fait ne s’est fait – aurait eu tous les droits de se présenter comme le centre du monde. Eh bien il a tout rassemblé, mais en se donnant.
Il ne nous prend pas, il se donne à nous. C’est une dynamique qui inverse la violence et l’injustice. Si chacun se met au centre, la violence est inévitable. Si, comme Jésus, on se tourne vers l’autre pour qu’il puisse vivre, la paix et la justice sont possibles. Être ses disciples est notre meilleur cadeau à un monde en recherche d’espérance.
La résurrection de Jésus a bouleversé les disciples parce qu’ils aimaient Jésus. Cette rencontre a changé leur vie, et la résurrection explique leur comportement. Je prends ici à témoin l’enquête de Pinchas Lapide, théologien juif allemand du XXe siècle. En tant que Juif, il se demande ce qui explique le changement de comportement d’autres Juifs, à savoir les disciples de Jésus. Il se pose la question parce que le comportement des disciples était dangereux pour eux, et que ce danger apparaissait bien dans la mort de Jésus :
« Comment se fait-il que ses disciples, qui ne brillaient ni par leur intelligence, ni par leur éloquence, ni par leur force de foi, n’aient pu entamer leur marche victorieuse de conversion qu’après le fiasco fracassant du Golgotha – une marche qui a complètement occulté tous leurs succès d’avant Pâques ? (...) La réponse des apôtres a été brève et sans ambiguïté : la résurrection de Jésus d’entre les morts. »
Le Christ ressuscité est celui qui a été crucifié : il prend au sérieux nos souffrances et nos inquiétudes, et nous ouvre les portes du bonheur que cherche tout être humain. Quelle joie d’être avec lui !