Le chapitre deux de saint Jean s’ouvre sur les Noces de Cana puis suit directement l’évangile que nous venons d’écouter. La célébration d’un mariage qui ne se termine jamais parce que le bon vin a été laissé jusqu’à la fin, comme pour nous dire : faites attention, si maintenant commence le bon vin, alors attendez-vous à quelque chose de meilleur encore. Puis voilà que Jésus, juste après, monte à Jérusalem, fait un fouet avec des cordes et chasse les marchands de bœufs, de brebis, de colombes et les changeurs. Un contraste étonnant et qui me pousse à me demander : Pourquoi ?
Vous savez comme moi, chers fidèles et téléspectateurs que Jésus a souvent discuté violemment avec les pharisiens, mais jamais il n’est passé à l’acte. Ici, au contraire. Il semble que rien ne l’arrête. Sa colère est à son comble. Seigneur, pourquoi ? les marchands du temple ont toujours existé, tes parents ont dû, eux aussi acheter, deux colombes lors de ta présentation. Alors Seigneur, pourquoi ?
Je crois qu’il y a bien une raison fondamentale. Jésus dit : “Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce”. Les rituels comme l’observance des commandements, les sacrifices, sont le signe d’une relation d’amour avec Dieu et non une façon d’acheter ses faveurs. Dieu n’a donné les commandements à Moïse et au peuple juif qu’après l’avoir fait sortir du pays où il était tenu en esclavage et ses commandements sont autant le signe de l’amour de Dieu pour son peuple que l’engagement de ce même peuple à aimer Dieu et son prochain comme il a été lui-même aimé de Dieu.
Faire de la maison de Dieu une maison de commerce, c’est faire violence à Dieu lui-même. Traiter Dieu en commerçant qui attend nos sacrifices et nos souffrances pour nous sauver et nous libérer, c’est lui faire violence. Réduire Dieu à une série de commandements, c’est lui faire violence. Croire que Dieu compte nos actions bonnes ou mauvaises pour nous ouvrir les portes du paradis ou sinon nous envoyer en enfer, c’est aussi lui faire violence.
Jésus dénonce les fausses images que nous nous faisons de Dieu son Père et donc de notre relation avec lui. La maison de Dieu est une maison de prière, d’accueil et de don réciproques. C’est là où les amants, Dieu et moi, Dieu et nous, nous rencontrons dans la tendresse de l’amour et la communion. En Dieu, tout est amour et communion. Il ne peut y avoir du commerce. Peut-être est-ce là la raison qui a poussé saint Jean à nous raconter cet épisode de la vie de Jésus juste après les noces de Cana.
Une autre raison pour la colère de Jésus est que la relation entre nous dépend fortement de notre regard sur Dieu. Si je pense que Dieu est un commerçant, j’agirais en commerçant avec les autres mais si je crois que Dieu est communion, alors je chercherais à vivre l’amour et la communion avec tous au-delà des frontières quelles qu’elles soient.
Jésus nous invite donc, en ce troisième dimanche de Carême, à purifier notre regard sur Dieu et à vivre nos relations avec les autres aux dimensions de l’amour de Dieu pour nous. Dimanche prochain, nous écouterons encore une fois saint Jean. Il nous dira : “Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui… obtienne la vie éternelle” (Jn 3, 16).
Chers amis, merci de m’accueillir et la communauté libanaise en pèlerins dans vos lieux de vie à travers vos postes de télévision. Le Liban vit dans la violence depuis beaucoup trop d’années. Dans sa lettre aux libanais à l’occasion de Noël, le pape François nous a écrit : “Comme le cèdre, puisez aux profondeurs de vos racines du vivre ensemble pour redevenir un peuple solidaire… puissiez-vous tirer profit des contingences du moment présent pour redécouvrir votre identité, celle qui consiste à porter au monde entier le parfum du respect, de la cohabitation et du pluralisme… ; l’identité d’un peuple qui n’abandonne pas le rêve de ceux qui ont cru en l’avenir d’un pays beau et prospère”.
Respect, vivre-ensemble, pluralisme, c’est l’identité et la vocation du Liban. Personne, ni aucun pays, ne peut survivre à la défiguration de son identité et donc de sa vérité.
Que ce temps de carême soit pour nous un temps de redécouverte de la vérité de Dieu et de la nôtre. Car, c’est de la rencontre de nos vérités que jaillira la résurrection.
Amen.