Amis en Christ,

Aujourd’hui nous faisons la connaissance de Jean-Baptiste, un des personnages les plus énigmatiques du Nouveau Testament. A la Renaissance, on le représente sous les traits d’un gamin joufflu, blondinet, caressant un agneau : on s’est alors éloigné de ce redoutable ascète vêtu, comme le dit l’Evangile, d’un manteau rugueux en poils de chameau, la ceinture de cuir autour des reins.
Qui est-il cet ermite, à l’accoutrement vaguement hippie et qui hante le désert, se nourrissant de miel sauvage et de grosses sauterelles ? Il ne fréquente pas les petits restaurants où l’on mange bien et pour pas cher. Chez lui, pas de problème de cholestérol, d’obésité et d’infarctus du myocarde !
Mais qui est-il ce prophète, cet homme énergique, inflexible qui est, aux dires de Jésus lui-même, tout le contraire du roseau qui s’incline à droite ou à gauche, au rythme des vents contraires ?
Un illuminé ? Un rêveur ? Un écolo avant l’heure ?
Non, il est le dernier et le plus grand des prophètes, qui d’une voix tonitruante lance un appel qui ébranle les consciences : « le Christ arrive, il faut se préparer à l’accueillir, tracez dans la steppe une chaussée pour lui, convertissez-vous. »
Jean-Baptiste ne vit pas comme les princes, les petits rois et les autorités religieuses de son époque dans un palais, sous les brocards et les chapes dorées, il habite le désert : c’est là où la parole de Dieu pouvait le mieux se faire entendre. Ce désert est en nous, il est synonyme de silence. Pour le trouver, il nous faut descendre dans la « crypte » de notre cœur.


Frères et sœurs, si aujourd’hui sur les réseaux sociaux, on bénéficie de « followers », dans les discothèques de « groupies », dans les stades de « supporters », le Baptiste sait que c’est au désert qu’on suscite des disciples.

Pour inciter ses ouailles au cœur dur et à l’esprit tordu, à préparer la venue du Seigneur, Jean-Baptiste emploie des invectives de contestataire courageux. Il tonne, en usant de toutes les expressions cinglantes des prophètes d’Israël. Tel un bulldozer, son langage réveille comme le tonnerre et secoue comme un tremblement de terre. Il est difficile d’échapper à ses traits enflammés qui déstabilisent les plus robustes monuments de l’hypocrisie. A celles et ceux qui acceptent la conversion, le Baptiste propose un signe de renaissance : une plongée dans les eaux du Jourdain, symbole de la purification du cœur. Leur passé est maintenant englouti dans les profondeurs, ils peuvent désormais réorienter leur vie et signer une nouvelle page de leur histoire.

Frères et sœurs, vivre l’Avent, c’est accepter aujourd’hui de passer par l’ouragan déclenché par Jean au désert. Nous aurons alors la force de consacrer la priorité de notre amour aux préférés de Jésus : les malades et ceux qui, dans nos sociétés, manquent de tout.
Oui, tout près de chez nous, il y a encore tant de morts à réveiller: nous pouvons les soustraire à leur tourment par un geste de partage, nous pouvons les arracher au découragement par un geste d’amour. Elles sont à notre porte et nous attendent, ces personnes dont les yeux sont baignés de désespoir. Je ne peux m’empêcher de penser à cette jeune maman de quatre enfants que j’accompagne en ce moment et qui s’éteint doucement dans mon hôpital.
Aujourd’hui Jean le Baptiste nous invite à devenir prophète à notre tour. Le monde a besoin de témoins, pas de beaux-parleurs. Jean est un passionné de Dieu. Il n’a pas eu peur de dénoncer l’injustice. Il est fidèle à la voix de Dieu, et non aux sites complotistes ou aux « fake news ». Il n’a jamais transigé avec la vérité.

Frère, sœur, ami, le jour de notre baptême le prêtre a prononcé ces paroles: « deviens prêtre, prophète et roi ». Le plus exigeant, mais le plus beau, c’est de devenir prophète. Le prophète parle avant qu’il ne soit trop tard, à l’image de ces personnes qui se mobilisent à Calais pour que soient respectés l’humanité et la dignité des migrants ? Mais ce n’est là qu’un exemple parmi d’autres.
Alors qu’attends-tu, ami ?
Même si le poète chante : « il a dit la vérité, il sera exécuté », prends ce risque avec moi et sois un nouveau Jean-Baptiste.

 

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