Croix de cendres. C’est un thriller médiéval édité en août dernier et qui évoque la cité Toulouse. L’un des personnages centraux du roman est un dominicain doté d’une forte corpulence, d’une intelligence fulgurante et du désir de servir l’Église. Ce sont là quelques-unes des caractéristiques de Thomas d’Aquin. Mais voilà : le grand inquisiteur du roman est un esprit froid et manœuvrier. On ne trouve pas trace en lui de l’œuvre de la grâce, cet amour que Dieu répand dans le cœur de chacun. Quelle tristesse que de voir ce personnage passer à côté de l’essentiel ! Et je m’interroge : est-ce que je permets à la grâce d’agir en moi ?

Alors, je regarde Frère Thomas qui est devenu Saint Thomas. Au départ, c’est un homme comme vous et moi. Mais il a pleinement accueilli la grâce et a coopéré sans réserve avec elle. Son humanité, alors transformée, est devenue un reflet de la gloire du Seigneur… Cela nourrit notre propre élan vers Dieu, pour que nous nous appuyions un peu plus sur le Christ qui nous dit : Sans moi, vous ne pouvez rien faire. Où se situe donc la sainteté de Thomas ?

C’est notamment d’avoir cherché la Vérité, non pas une vérité conceptuelle, mais Celle qui est une Personne, le Christ pour aimer. De l’âge de 8 ans à la fin de son existence, sa grande question était : Qu’est-ce que Dieu ? Ayant reçu le talent d’une intelligence exceptionnelle, il l’a fait fructifier, travaillant sans relâche pour ne pas s’arrêter à des saisies trop partielles de la richesse insondable du Christ (cf. Ep 3, 10). Conscient que nulle intelligence ne pouvait saisir, à elle-seule, le mystère caché depuis toujours en Dieu (cf. Ep 3, 10), il a cherché à connaitre ce que les autres en disaient. Convaincu qu’il n’y a aucune connaissance qui soit absolument fausse et ne contienne une part de vérité (cf. ST IIa IIae q172, a6), il a étudié tous les auteurs, faisant droit, selon le mode du débat médiéval, aux objections qui pouvaient être faites à la foi. 

De cela, frères et sœurs, nous pouvons déjà tirer un double enseignement : notre intelligence est faite pour la Vérité et donc connaitre Dieu. Du coup, quelle place et quel temps donnons-nous à la lecture de la Parole de Dieu, à l’approfondissement du mystère de la foi ? Quelle place laissons-nous au débat courtois qui écoute les arguments, les objections des autres pour mieux avancer sur le chemin de la Vérité ? Combien cela nous éloignerait des invectives modernes où l’on semble moins chercher la vérité qu’imposer notre pensée à coup de punchlines ! 

Mais cela n’est pas tout. Confiant en la réalisation de la prière du Christ pour que ses disciples soient consacrés dans la Vérité, et en la promesse divine, frère Thomas a prié pour que l’intelligence lui soit donnée, que l’Esprit de sagesse vienne en lui pour avoir une idée qui soit à la mesure des dons de Dieu et qui lui permette de parler avec justesse (cf. Sg 7, 7.15). Chercher à entrer plus avant dans le mystère de Dieu n’est pas séparable de la prière qui nous rend intimes avec Lui. Ce ne sera jamais fini : nous ne sommes unis et ne connaissons qu’imparfaitement Dieu sur cette terre, comme s’Il restait toujours un peu un inconnu (cf. ST Ia q12 a13 ad1). 

Pourtant, Frères et Sœurs, laissez-moi vous redire cette grande et belle Vérité : chacun de nous est fait pour Dieu. Dieu s’est fait homme pour nous diviniser, pour que nous Le connaissions et pour que nous puissions Le contempler face à face. C’est là notre bonheur. Chercher à Le connaitre, c’est se préparer à L’accueillir. Saint Thomas l’avait saisi et a mis dans cette quête toute son intelligence et son cœur. C’est là sa sainteté. Sur son lit de mort, il a prononcé ces paroles : Jésus, que maintenant je vois comme voilé, quand sera, ce que tant je désire : Te voir à visage découvert et être heureux par la vision de ta gloire ? Et si, par son intercession, ce désir et cette quête devenaient nôtres pour que, chacun, nous devenions ce que nous sommes aux yeux de Dieu ? 
 

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