Frères et sœurs, 

A qui tenez-vous ? A qui osez-vous dire : « Je tiens à toi » ? 
Dans le langage courant, tenir à quelqu’un signifie entretenir une relation particulière avec un être. Par amitié, sentiment, ou respect. Tenir à une personne implique qu’une partie de ce que nous sommes —et de l’énergie qui coule dans nos veines— vient d’elle.
L’image biblique de la vigne nous invite aujourd’hui à méditer sur ce à quoi nous dépendons. Á qui nous appartenons, nous tenons. Ce passage de l’évangile de Jean se situe au cœur du long discours d’adieu de Jésus. N’est-ce pas souvent dans les moments de séparation et de prise de distance que se pose la question de ce à quoi nous tenons réellement, et similairement, de ce qu’il faut émonder ? 
La question de ce jour est donc aussi simple que radicale : que faut-il tailler et émonder dans nos projets et relations, pour « apaiser notre cœur », recevoir davantage de lumière ? Quels sont ces terrains et ces rêves qui ne nous font pas croître ? Et tout comme les sarments de la vigne tiennent au cep, à qui tenons-nous véritablement ? 
D’où vient notre sève ? En un mot : qu’est-ce qui fait que nous nous accrochons à la vie ? 
Tenir, c’est d’abord se laisser aimer. Pour certaines personnes, c’est la présence bienveillante de proches, de tuteurs, qui leur donne d’avancer. Elles tiennent debout, au quotidien, parce qu’il y a ces personnes lumineuses avec lesquelles elles peuvent s’entretenir, se dévoiler, « s’exprimer avec assurance ». Elles tiennent dans la vie, parce que certaines paroles échangées demeurent en elles et sont fécondes. 

Toutefois, d’autres personnes n’ont pas la chance d’avoir un tel sol fertile… Tenir, c’est alors pour elles faire place à l’espérance. 
Ce qui les garde arrimés à l’existence est alors un projet, des actes concrets. Elles sont maintenues en vie par la seule espérance tenace et presque naïve de fruits à venir... Et cet espoir leur donne la force de continuer à croître, « pas en paroles, mais par des actes et en vérité ». 
Enfin, pour d’autres encore, ce qui les retient encore en vie, ce sont leurs racines. Pour elles, tenir, c’est croire. Maintenir vivante, aussi, la mémoire de personnes disparues trop tôt, mais dont le souvenir irrigue encore la vie présente. N’est-ce pas parfois le souvenir de personnes qui ont cru en nous qui nous donne de croire encore en nous-même et en d’autres ? 
Tenir, c’est donc aimer, espérer, croire. Et des racines des plus profondes aux bourgeons, l’allégorie de la vigne nous rappelle qu’il y a bien des manières de tenir les uns aux autres, de s’arrimer à la vie…
Cependant —par les aléas de l’existence, l’œuvre du temps ou de rencontres parasites— il se peut que le sarment de notre vie s’étiole ;
que des relations qui nous ont nourris 
ne soient plus entretenues ; 
que des promesses qui nous donné courage 
ne soient plus tenues ; 
que la force d’aimer au quotidien 
ne soit plus maintenue… 
La sève de l’évangile n’irrigue plus notre cœur. Nous ne tenons plus qu’à nous-mêmes ou nos principes. Et parfois même, la culpabilité s’installe… Celle-ci prend les formes subtiles de tristesse, de ressentiment, ou de déception. Nous ne sommes plus à la hauteur de ce que la vie attend de nous.

N’est-ce pas précisément dans ces moments-là —lorsqu’on est dans l’en-bas de sa vie— qu’il s’agit de réentendre cette extraordinaire parole de la lettre de saint Jean, un des plus beaux passages du nouveau testament ? « Notre cœur aurait beau nous accuser, Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît toutes choses. » Le commandement « tu ne jugeras pas » ne vaut-il pas aussi pour nous-mêmes ? Car juger, c’est toujours méconnaître la profondeur des choses et la complexité de l’humain. Quelle que soit notre histoire, nous ne pouvons jamais nous réduire à ce que nous avons fait. Certes, nous pouvons avoir menti et eu des moments de lâchetés. Mais nous ne sommes pas par essence menteurs et lâches pour autant… Nous valons plus que nos erreurs. Dieu est plus grand que notre cœur…
Oui, lorsque nous ne tenons plus, Dieu tient mystérieusement à nous !
Alors, si notre conscience est troublée, à nous de chercher une fécondité nouvelle au plus profond de notre cœur. De nous attacher au Christ.  A nous, de transformer toute culpabilité stérile en responsabilité féconde. 
Alors, nous pourrons découvrir au fond de nous cette « pleine assurance » dont parle Saint Paul : cette joie communicative, cette confiance qui est davantage que de l’estime de soi: il est ce « courage d’être soi-même », pacifié avec son histoire, même si elle est tortueuse comme un cep de vigne. Cette « pleine assurance » nous rappelle que nous abritons Dieu en nous, comme nous habitons en lui. 
« Demeurez en moi, comme je demeure en vous ». 
Que cette pleine assurance nous accompagne, 
nous apaise et nous enivre ! 
Afin que notre vie devienne un « grand cru ». 
A partager sans modération.
Bonifiant toujours avec le temps. 
Amen. 

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