« Dès le début, la conclusion s’impose ». C’est une expression de Jean-Louis, sulpicien champenois qui a été un des responsables de ma formation quand j’étais séminariste. Et à entendre l’Evangile aujourd’hui, il a raison, la conclusion s’impose d’entrée de jeu : nous sommes des voyageurs ! 

De fait, il y a tellement de verbes de mouvement dans ce petit passage d’Evangile : partir, se mettre en route, prendre la route, se diriger vers… Jésus ferraille même contre l’immobilisme : laisse les morts enterrer leurs morts, ne regarde pas derrière. Ces expressions rejoignent un des mots essentiels de la Bible : suivre. On retrouve ce verbe 90 fois dans le Nouveau Testament, particulièrement ce matin : « où tu iras j’irais » dit le disciple un peu avant Sheila, « Ramène-toi » dit le Christ. Vous pouvez aller vérifier dans le texte officiel, c’est à peu près la bonne traduction. Nous sommes des voyageurs, mais pas comme des touristes, des voyageurs à la suite du Christ.

Suivre le Christ, ce n’est pas d’abord l’imiter. Ce n’est pas non plus enseigner une conduite. Surtout pas d’ailleurs, on en est saoulé de la morale des autres. Suivre le Christ, c’est s’attacher à Lui. Et ce faisant, suivre le Christ – il n’arrête pas d’en parler – c’est entrer dans le Royaume de Dieu.

« Entrer dans le Royaume de Dieu », ça ressemble à une expression toute faite de curé, n’est-ce pas ? Jolie mais tellement dense qu’elle en est incompréhensible. Allez, je tente 3 points pour parler de cette entrée dans le Royaume de Dieu : le style, la Croix et la traversée

1.    Entrer dans le Royaume de Dieu, c’est un style pour chacun aujourd’hui. C’est se reconnaitre frères et sœurs, au même niveau, sans hiérarchie, sans supérieur ni inférieur : « tous frères » disait le jeune François d’Assise. Comme le Christ, c’est être attentif à la vie de ceux qu’on rencontre. Non pas pour leur dire ce qu’on sait, mais pour leur poser une question, toujours la même d’ailleurs, celle qu’il pose à Bartimée : « que veux-tu que je fasse pour toi ? ». Ce devrait être l’unique question de tous les disciples engagés à la suite du Christ. 

2.    Entrer dans le Royaume de Dieu, c’est accueillir la Croix – elle finit toujours par se présenter à nous, sans la chercher. C’est accueillir nos déceptions et nos deuils. C’est aussi accueillir nos fatigues – et chacun d’entre nous a sans doute des raisons ces temps-ci pour être fatigués. Jésus reconnait même cette fatigue : « les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids, mais le fils de l’homme n’a pas d’endroits où reposer sa tête ». Jésus reconnait cette fatigue et lui donne un sens : courage, il y a du beau à vivre ce chemin. Robert Lamoureux l’a d’ailleurs mise en sketch : « la fatigue, Monsieur, c’est le prix d’un travail, d’une journée remplie. C’est la preuve qu’on marche avec la vie. Et ma fatigue, Monsieur, est ma récompense. »

3.    Entrer dans le Royaume de Dieu, c’est ne pas perdre de vue la traversée de cette Croix, c’est ne pas perdre de vue qu’il y a du beau au-delà de nos déceptions et de nos deuils, au-delà de nos fragilités et de nos infidélités – y compris celles des autres ! – au-delà du rapport de la CIASE et de toutes les implosions internes à l’Eglise ces temps-ci, au-delà de l’approvisionnement et du prix des matières premières liées à la guerre, au-delà du dérèglement climatique qui commence à s’installer sérieusement dans notre quotidien, au-delà d’un patron ou d’un salarié qui n’est pas comme on l’aurait souhaité, au-delà d’une quelconque engueulade, au-delà de... bref. Au-delà de tout ça, entrer dans le Royaume de Dieu, c’est ne pas perdre de vue la traversée de cette Croix pour passer à la vie.

Nous sommes des voyageurs comme des baladins sans se prendre au sérieux qui font juste rire avec leur bouffonnerie : ils allègent la vie des autres et peut-être la leur aussi. 

Parce que la priorité donnée par le Christ ce matin est clairement la priorité à annoncer aux autres ce Royaume de Dieu qui allège nos vies, la priorité à la « mission » comme on dit dans le jargon de l’Eglise. Et la mission, c’est faire des kilomètres. Autant à l’intérieur de soi-même qu’en dehors, autant au bout du monde qu’au bout de la rue. La mission, elle ne se vit jamais seul, elle se vit toujours au pluriel : il envoie d’ailleurs les messagers à plusieurs. Nous sommes des voyageurs ensemble, comme des « disciples missionnaires » aime dire le vieux François de Rome.

Parmi ces voyageurs qui entendent cet appel à le suivre – il y a ceux qui sont ordonnés ces jours-ci. Je pense ce matin à Antoine qui a été ordonné diacre de la Mission de France hier après-midi à l’abbaye de Pontigny, dans l’Yonne, dans la perspective d’une vie de prêtre. Antoine a repris une parole de l’apôtre Pierre pour son faire-part d’ordination : « mettez-vous, chacun selon le don qu’il a reçu, au service les uns des autres » 1 P 4, 10 Au service ! A la suite de Baden Powell et du père Sevin, pour un ancien chef et un ancien compagnon des scouts et guides de France, ce n’est pas vraiment étonnant qu’Antoine ait choisi cette phrase. Le service est un style pour suivre le Christ, peut-être le style… sans oublier l’accueil de la Croix qui se présente ou qui se présentera à nous et sans perdre de vue sa traversée. Nous sommes des voyageurs.

Pour vous les scouts, c’est bientôt le moment de partir en camp, sac sur le dos, c’est peut-être une occasion pour suivre le Christ, le visage déterminé Lc 9, 51. C’est en tout cas ce que je vous souhaite. Car je vous souhaite d’être heureux.

C’est maintenant le temps, pour tous, si on le veut, d’entrer dans le Royaume de Dieu. A sa suite.
Yalla ! 
 

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