Réf des textes : 1ère lecture : (Gn 22, 1-2.9-13.15-18) - 2e lecture (Rm 8, 31b-34) Evangile (Mc 9, 2-10)
A l’écart, sur une haute montagne
À un peu plus de 10 km à vol d’oiseaux de cette église, entouré d’une mer capricieuse et de sables mouvants, il est un Mont au milieu de la baie. Depuis Saint-Jean-le-Thomas, on aperçoit la face nord de sa silhouette, derrière, à droite du rocher de Tombelaine. Au rythme des marées, le Mont-Saint-Michel transfigure l’espace. Dans une variation de bleu-ciel et de mer, baigné dans une lumière à nulle autre pareille ou enveloppé dans une épaisse brume, le Mont, depuis plus de mille trois cent ans, aimante les pèlerins, les pieds dans la vase, et les yeux fixés sur la flèche, elle qui pointe le Ciel et accueille l’archange. Sur ce petit bout de terre et mer, de polders et de cours d’eau, tout converge vers l’émerveillement “ à l’écart sur une haute montagne”.
Il est ainsi des lieux qui transfigurent l’espace. Il est aussi des corps qui transfigurent la vie. Au milieu de nos jours qui passent, agités jusqu’au déboussolement par des vagues imprévisibles de peurs, de conflits et de lassitude, à quoi tient alors ce reflet de lumière qui surgit ? Vous savez, cette expérience qui nous enveloppe d’une douce présence de joie et de contemplation, comme un jour de renaissance ? Combien de fois, chers amis, avons-nous été réchauffés, réveillés, relevés par ces mille et un gestes du quotidien, d’un sourire à une main tendue, d’une parole confiante à une tendre caresse, voire même à un sms reçu (pour peu qu’il soit écrit par des vrais gens de chair et de sang et non comme sur des sites commerciaux par des intelligences artificielles !) Nous qui sommes souvent lourds et embourbés, l’œil blasé et l’oreille assourdie, nous pouvons passer à côté de ces moments de grâce. Notre conversion, durant ce carême, ne serait-elle pas de nous mettre « à l’écart sur une haute montagne” ? Nous pourrions peut-être apprendre à nous acclimater à la lumière et au silence. N’avons-nous pas besoin de nous resituer dans cet éblouissement ? Nous serions alors mieux capables de recevoir tous ces reflets du Ciel que nos frères et sœurs, par leur présence, nous envoient. Car notre foi nous le dit : ces corps qui transfigurent notre quotidien sont les signes d’une réalité beaucoup plus profonde et invisible que notre évangile de ce jour met en lumière.
C’est lui, Jésus, notre ami, notre frère, que trois apôtres voient devant eux transfiguré, « à l’écart sur une haute montagne ». “ Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut en obtenir une pareille.” Jésus vient récapituler ce jour-là en son corps, l’histoire humaine et le cosmos. Tout, avant lui, convergeait vers lui. La présence de Moïse et d’Elie symbolise la Loi et les Prophètes, et on les comprend comme les prémices de ce qui allait se révéler. Cette lente préparation du peuple élu, de générations en générations, s’est faite au gré de son itinérance souvent chaotique. Par strates successives jusqu’ « à cet écart sur une haute montagne », cette vérité de la transfiguration s’est éclose : La chair de l’homme, ce terreux à la nuque raide, perdu dans les méandres de son imperfection, est appelé à accueillir la lumière du Ciel. Dit autrement, avant Pâques, l’épisode de la transfiguration, nous dit déjà par anticipation, que notre vie est faite pour la lumière et non pour les ténèbres.
Depuis 1300 ans, le Mont-Saint-Michel pose une question que porte son nom, Mickaël, en hébreu, et qui signifie : « Qui est comme Dieu ? » De l’intérieur de la nuée lumineuse de la transfiguration, nous est donnée, en un miroir inversé, une réponse inouïe : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! » Pour être comme Dieu, contemplons et écoutons son Fils ! Lui, l’icône, la vraie image du Père, lui, le Verbe, la vraie parole du Père. Le jour de notre baptême, nous avons été transfiguré à notre tour, puisque nous sommes devenus enfant de Dieu, frère et sœur de Jésus.
Ce qu’il nous est demandé aujourd’hui, c’est d’apporter à Jésus notre confiance, notre foi, de nous laisser embarquer dans sa vie lumineuse, aimantés par cette paix du cœur qu’il nous a promise. Alors nous pourrons entendre de sa bouche : ” ta foi t’a sauvé”.
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