« Veux-tu m’épouser ? » « As-tu faim de moi, as-tu envie de moi ? » Ne vous méprenez pas … C’est le Seigneur qui parle et c’est à chacune et chacun qu’il adresse cette demande ce matin. Depuis qu’il s’est choisi un peuple, le Seigneur a fait et veut refaire sans cesse alliance avec chacune et chacun d’entre nous. Mais, Monsieur de la Palisse en aurait dit autant : pour se marier, il faut être deux. Alors, il nous le redemande ce matin : « Veux-tu faire alliance avec moi comme moi avec toi ? ».
Cette alliance, il l’a commencée en nous donnant sa Loi, disait la première lecture et plus largement en nous donnant sa Parole. Et cette loi, cette Parole, elles ne sont pas là pour nous compliquer la vie, mais bien pour nous donner le bonheur. Un amoureux désire plus que tout le bonheur de l’autre. Car si l’autre est malheureux, l’aimant n’est pas vraiment heureux. Cette alliance nous rend heureux, mais n’oublions qu’elle réjouit aussi le cœur de Dieu lui-même. Voilà qu’un Dieu, qui semblait lointain, se fait proche et propose des épousailles avec son peuple ; voilà qu’il nous redit que nous contribuons à son bonheur. La Parole de Dieu est l’avant-goût du Corps et du Sang que Jésus nous donnera. Et cela tombe bien aujourd’hui. Alors que nous célébrons la fête du Corps et du Sang du Christ, vous qui nous écoutez ou nous regardez, vous ne pourrez peut-être pas communier. Alors écoutez ce que saint Jérôme écrivait : « Nous mangeons sa chair et son Sang non seulement dans l’eucharistie, mais aussi dans la lecture de la Sainte Écriture. La Parole de Dieu (…) est une vraie nourriture et une vraie boisson ». Que tous, nous ayons donc le cœur en fête aujourd’hui et que cette fête attise notre désir de manger, de ruminer la Parole de Dieu.
Vous avez remarqué ? Les quatre lectures de ce jour sont un peu comme une parabole de la messe. Après avoir entendu le Seigneur vouloir faire alliance avec nous, quelle est notre réponse ? Le psaume nous la donne : « Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu’il m’a fait ? » La première réponse de l’homme, c’est d’abord l’émerveillement. J’ai rencontré souvent des jeunes qui me disaient à propos de leur bien-aimée : « Pourquoi m’a-t-il, pourquoi m’a-t-elle choisi(e) alors qu’il y en a de bien plus beaux, ou de bien plus intelligentes ? » C’est l’émerveillement absolu ! Les jeunes le disent parfois avec cette expression sur les réseaux sociaux : « Waouwww ». C’est notre réponse : « Waouwww » ! « Je n’en reviens pas, Seigneur, que tu me choisisses ; il y en a de bien plus saints que moi ! Aussi je te rends grâce et je ne saurai jamais le faire assez. » Le meilleur moyen que nous avons, c’est de lui offrir le sacrifice d’action de grâces, de célébrer l’eucharistie, ce que nous faisons précisément maintenant.
La lettre aux Hébreux et l’évangile sont comme une grande prière eucharistique, grande prière de toute l’Église, présidée par Jésus lui-même : « Je t’aime tellement, nous dit-il, que je me donne entièrement à toi, pas seulement avec ma Parole, avec mon esprit, ni même seulement avec mon cœur, mais avec ce que j’ai de plus intime, mon corps et mon sang ». « Alors, Mange-moi, bois-moi » et comme dit le premier livre : « Tous deux ne feront plus qu’un ». Lorsque nous aurons communié tout-à-l’heure, l’autel sera vide, mais nous deviendrons tous et toutes, tabernacles, nous deviendrons ce que nous avons reçu : le Corps du Christ.
Quelle merveille … Mais attention ! Que cela ne nous établisse pas dans un cocon bien chaud. Vous, les amoureux depuis peu ou depuis longtemps, le savez bien : quand est amoureux, on a envie que le monde entier le sache. Nous n’allons pas rester dans cette belle église. Nous nous rappelons que Jésus n’a pas dit que son sang était versé pour ses apôtres ni même pour ses disciples, mais pour la multitude. Comment pourrions-nous, je dirais même, comment oserions-nous garder cette merveilleuse nouvelle pour nous ? Une nouvelle n’est bonne que si elle est partagée, si elle grandit, sinon, très vite elle s’essouffle et risque même la mort. Et voilà donc qu’ils quittent la salle du banquet pour la salle de la souffrance : le mont des Oliviers. Mystérieusement, pas facile de partager cette nouvelle d’un Dieu qui nous aime intensément. Mystère de la passion du Christ. Passion qui a un double sens : je l’aime passionnément et du coup je souffre la passion qu’il ne réponde pas à mon amour.
C’est par une petite de chez nous, liégeoise, mais décédée dans cette province de Namur, Julienne du mont Cornillon que cette fête est née. Elle a dû souffrir beaucoup de l’incompréhension de certains face à son amour de l’eucharistie. Mais elle tenu bon et après tant et tant de vicissitudes Urbain IV institua la Fête-Dieu en 1264. Ce trésor n’est pas pour nous, mais pour le monde entier. Si, en ayant communié par la Parole et par le Pain, nous devenons nous-mêmes d’autres Christ, espérons que nos contemporains aient envie aussi de l’épouser à travers nous, de le manger par la joie de l’évangile qui nous habite.
Amen