Vous connaissez peut-être ce poème de Jacques Prévert dans lequel il est question d’un élève en difficulté, bien embêté par les questions du professeur ; il mélange chiffres et mots, dates et noms. Le poème s’intitule Le cancre et commence ainsi :
Il dit non avec la tête,
Mais il dit oui avec le cœur.
Il dit oui à ce qu’il aime,
Il dit non au professeur.
Cet élève, pourtant, voudrait dessiner, sur le tableau noir du malheur, avec des craies de toutes les couleurs, le visage du bonheur.
« Il dit non avec la tête, mais il dit oui avec le cœur. »
N’est-ce pas une autre manière d’exprimer l’évangile de ce jour ? Et ne sommes-nous pas nous-mêmes semblables à ce cancre : dire non avec la tête, mais dire oui avec le cœur. Ou l’inverse : dire oui avec la tête, mais dire non avec le cœur. Dire et ne pas faire.
« Un homme avait deux fils… » Ainsi commence la parabole. Il existe une autre parabole, chez saint Luc, qui commence de la même manière. Un homme avait deux fils : le plus jeune est parti avec son héritage et a tout dépensé ; l’aîné, lui, est resté par devoir, mais sans amour : et, au retour de son frère, il a refusé de faire la fête. La parabole du fils prodigue est la parabole du regard qui sauve : « Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ». Il le guettait et soudain, il le vit… On pressent donc qu’il sera question ici aussi du regard porté sur l’autre, au-delà de sa faute.
Jésus propose cette parabole aux responsables juifs : « Jésus disait aux grands prêtres et aux anciens du peuple. » Le message est clair : Vous dites, mais vous ne faites pas… Vous prétendez être parfaits, mais vous n'êtes pas convertis. Et Jésus ajoute une provocation : « Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le Royaume des cieux. » Il y a de quoi s’étrangler d’indignation.
Le premier fils de celle parabole désigne donc probablement le peuple de la première alliance, qui a d’abord dit oui à Dieu, mais qui, finalement, s’est détourné du Christ. Le deuxième fils désigne alors les païens qui, dans un premier temps, ont dit non au Dieu unique, en pratiquant l’idolâtrie, mais qui, finalement, se sont tournés vers Jésus.
Mais nous comprenons que l’intérêt de cette parabole va bien au-delà de son contexte historique : à nous aussi aujourd’hui, elle lance un appel puissant à voir autrement les refus donnés à Dieu ; elle invite à changer radicalement nos regards sur ceux qui disent non !
Vous l’avez constaté : le père de la parabole est patient ; il ne se met pas en colère, ni contre le premier de ses fils, celui qui dit non, ni contre le deuxième, celui qui dit oui. Il leur laisse le temps de cheminer, de réfléchir, de changer d’avis, de changer de vie. Bien sûr, Jésus aime ceux qui ont une parole droite ; un peu plus tôt, dans le même évangile, au chapitre 5, Jésus a dit : « Que votre oui soit oui, que votre non soit non » (Mt 5,37). Mais Jésus n’en devient pas pour autant dur ou intransigeant.
Frères et sœurs, quel regard portons-nous sur ceux qui semblent dire non à Dieu ? Et quel regard sur nous-mêmes ?
Regardons peut-être d’abord nos propres familles. Nous avons tous été adolescents. L’adolescent, par principe, commence par dire non, par s’opposer. Pour exister, il veut montrer qu’il est libre, et que, s’il obéit, c’est par lui-même et non parce qu’on le lui a imposé ! Je parle des adolescents, mais, comme adultes, nous sommes parfois des « adulescents ». En famille, essayons de changer nos regards sur l’autre : lui faire confiance, ne pas le braquer, ne pas l’acculer à des conflits sans retour ; savoir attendre, avec patience, qu’un conseil, une parole ou un geste d’affection finisse par faire son effet, sans s’imposer par la force.
Regardons aussi notre vie en Église, dans la société d’aujourd’hui. Exprimer notre foi et la mettre en pratique, dans la société contemporaine, n’est pas évident. Une première difficulté est la peur de ce que les autres vont dire ou penser. Nous nous soucions de l’opinion des autres ; nous craignons d’être jugés si nous ne pensons pas comme eux. Nous avons peur d’avoir une mauvaise image ou de faire l’objet de critiques. Et notre oui, alors, se camoufle, s’émousse…
Il nous arrive aussi de dire oui à certaines situations qui, pourtant, ne nous correspondent pas, simplement pour obtenir en retour l’approbation des autres. Nous voulons que les autre nous apprécient ; nous cherchons à nous sentir acceptés et aimés par eux, quitte à mettre de côté nos valeurs ou nos principes.
Enfin, il arrive que nous disions oui parce que nous ne sommes pas capables de justifier un non : nous manquons d’arguments, nous n’avons pas suffisamment étudié la question. Nous sommes insécurisés d’en parler, et il vaut mieux alors dire comme les autres…
Je me souviens de la phrase de Bernadette, à Lourdes, qui disait au curé : « Je suis chargée de vous le dire, pas de vous le faire croire. » Frères et sœurs, nous ne sommes pas chargés de convaincre les autres : simplement, nous pouvons témoigner de ce que nous vivons, et, ainsi, les inviter à la joie de l’évangile. L’appel caractérise l’Église : c’est son nom, ekklésia, la communauté appelée. Mettons-nous au service de la communauté, et laissons cet appel faire son chemin librement en l’autre. Bien sûr, l’annonce de l’évangile rencontre des refus, des oppositions : à nous d’accompagner patiemment, de proposer à nouveau, sans imposer.
Dans nos célébrations, notre oui se traduit par "amen". C’est une manière de faire nôtre la prière dite en notre nom par le prêtre, ou d’accueillir le Christ par notre communion à son Corps. L’évangile de ce dimanche nous rappelle judicieusement qu’il ne suffit pas de dire "amen" ; il faut encore vivre cet "amen", s’engager à travailler ensemble à la vigne du Seigneur, aller dans le monde pour y devenir des artisans d’amour, de justice et de paix, spécialement auprès des plus petits, des plus pauvres, des exclus. C’est à notre amour que l’on reconnaîtra la vérité de notre oui.
Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, dont nous faisons mémoire ce 1er octobre, affirmait : « Jésus ne demande pas de grandes actions, mais seulement l’abandon et la gratitude ». Autrement dit : seulement un oui.
Oui, simplement. Amen.
Il dit non avec la tête,
Mais il dit oui avec le cœur.
Il dit oui à ce qu’il aime,
Il dit non au professeur.
Cet élève, pourtant, voudrait dessiner, sur le tableau noir du malheur, avec des craies de toutes les couleurs, le visage du bonheur.
« Il dit non avec la tête, mais il dit oui avec le cœur. »
N’est-ce pas une autre manière d’exprimer l’évangile de ce jour ? Et ne sommes-nous pas nous-mêmes semblables à ce cancre : dire non avec la tête, mais dire oui avec le cœur. Ou l’inverse : dire oui avec la tête, mais dire non avec le cœur. Dire et ne pas faire.
« Un homme avait deux fils… » Ainsi commence la parabole. Il existe une autre parabole, chez saint Luc, qui commence de la même manière. Un homme avait deux fils : le plus jeune est parti avec son héritage et a tout dépensé ; l’aîné, lui, est resté par devoir, mais sans amour : et, au retour de son frère, il a refusé de faire la fête. La parabole du fils prodigue est la parabole du regard qui sauve : « Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ». Il le guettait et soudain, il le vit… On pressent donc qu’il sera question ici aussi du regard porté sur l’autre, au-delà de sa faute.
Jésus propose cette parabole aux responsables juifs : « Jésus disait aux grands prêtres et aux anciens du peuple. » Le message est clair : Vous dites, mais vous ne faites pas… Vous prétendez être parfaits, mais vous n'êtes pas convertis. Et Jésus ajoute une provocation : « Les publicains et les prostituées vous précèdent dans le Royaume des cieux. » Il y a de quoi s’étrangler d’indignation.
Le premier fils de celle parabole désigne donc probablement le peuple de la première alliance, qui a d’abord dit oui à Dieu, mais qui, finalement, s’est détourné du Christ. Le deuxième fils désigne alors les païens qui, dans un premier temps, ont dit non au Dieu unique, en pratiquant l’idolâtrie, mais qui, finalement, se sont tournés vers Jésus.
Mais nous comprenons que l’intérêt de cette parabole va bien au-delà de son contexte historique : à nous aussi aujourd’hui, elle lance un appel puissant à voir autrement les refus donnés à Dieu ; elle invite à changer radicalement nos regards sur ceux qui disent non !
Vous l’avez constaté : le père de la parabole est patient ; il ne se met pas en colère, ni contre le premier de ses fils, celui qui dit non, ni contre le deuxième, celui qui dit oui. Il leur laisse le temps de cheminer, de réfléchir, de changer d’avis, de changer de vie. Bien sûr, Jésus aime ceux qui ont une parole droite ; un peu plus tôt, dans le même évangile, au chapitre 5, Jésus a dit : « Que votre oui soit oui, que votre non soit non » (Mt 5,37). Mais Jésus n’en devient pas pour autant dur ou intransigeant.
Frères et sœurs, quel regard portons-nous sur ceux qui semblent dire non à Dieu ? Et quel regard sur nous-mêmes ?
Regardons peut-être d’abord nos propres familles. Nous avons tous été adolescents. L’adolescent, par principe, commence par dire non, par s’opposer. Pour exister, il veut montrer qu’il est libre, et que, s’il obéit, c’est par lui-même et non parce qu’on le lui a imposé ! Je parle des adolescents, mais, comme adultes, nous sommes parfois des « adulescents ». En famille, essayons de changer nos regards sur l’autre : lui faire confiance, ne pas le braquer, ne pas l’acculer à des conflits sans retour ; savoir attendre, avec patience, qu’un conseil, une parole ou un geste d’affection finisse par faire son effet, sans s’imposer par la force.
Regardons aussi notre vie en Église, dans la société d’aujourd’hui. Exprimer notre foi et la mettre en pratique, dans la société contemporaine, n’est pas évident. Une première difficulté est la peur de ce que les autres vont dire ou penser. Nous nous soucions de l’opinion des autres ; nous craignons d’être jugés si nous ne pensons pas comme eux. Nous avons peur d’avoir une mauvaise image ou de faire l’objet de critiques. Et notre oui, alors, se camoufle, s’émousse…
Il nous arrive aussi de dire oui à certaines situations qui, pourtant, ne nous correspondent pas, simplement pour obtenir en retour l’approbation des autres. Nous voulons que les autre nous apprécient ; nous cherchons à nous sentir acceptés et aimés par eux, quitte à mettre de côté nos valeurs ou nos principes.
Enfin, il arrive que nous disions oui parce que nous ne sommes pas capables de justifier un non : nous manquons d’arguments, nous n’avons pas suffisamment étudié la question. Nous sommes insécurisés d’en parler, et il vaut mieux alors dire comme les autres…
Je me souviens de la phrase de Bernadette, à Lourdes, qui disait au curé : « Je suis chargée de vous le dire, pas de vous le faire croire. » Frères et sœurs, nous ne sommes pas chargés de convaincre les autres : simplement, nous pouvons témoigner de ce que nous vivons, et, ainsi, les inviter à la joie de l’évangile. L’appel caractérise l’Église : c’est son nom, ekklésia, la communauté appelée. Mettons-nous au service de la communauté, et laissons cet appel faire son chemin librement en l’autre. Bien sûr, l’annonce de l’évangile rencontre des refus, des oppositions : à nous d’accompagner patiemment, de proposer à nouveau, sans imposer.
Dans nos célébrations, notre oui se traduit par "amen". C’est une manière de faire nôtre la prière dite en notre nom par le prêtre, ou d’accueillir le Christ par notre communion à son Corps. L’évangile de ce dimanche nous rappelle judicieusement qu’il ne suffit pas de dire "amen" ; il faut encore vivre cet "amen", s’engager à travailler ensemble à la vigne du Seigneur, aller dans le monde pour y devenir des artisans d’amour, de justice et de paix, spécialement auprès des plus petits, des plus pauvres, des exclus. C’est à notre amour que l’on reconnaîtra la vérité de notre oui.
Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, dont nous faisons mémoire ce 1er octobre, affirmait : « Jésus ne demande pas de grandes actions, mais seulement l’abandon et la gratitude ». Autrement dit : seulement un oui.
Oui, simplement. Amen.