L’image traditionnelle de Dieu est celle d’un vieil homme aux cheveux blancs. Mais à Noël nous nous rappelons l’éternelle jeunesse de Dieu. Comme nous le chantions lors de l’acclamation avant l’Évangile : "Un enfant nous est né, un Fils nous a été donné. Dieu irrépressible" ! Dieu est irrépressiblement jeune. Saint Augustin a écrit que c’est nous qui vieillissons mais que Dieu est toujours plus jeune que nous. Et la joie de Noël c’est que nous sommes invités, nous aussi, à partager la jeunesse de Dieu. Comme l’a dit l’Évangile de ce jour: "À tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu". Noël est la fête de notre rajeunissement.

Qu’est-ce que cela signifie ? Non pas que nous ayons à devenir infantiles. Parfois des gens peuvent embrasser la religion pour échapper à la maturité adulte. Certains chrétiens donnent l’impression que nous n’avons pas à penser nous-mêmes ou à lutter avec des problèmes moraux parce que l’Église nous dira ce qu’il faut faire. "Papa le sait toujours mieux" comme le dit l’expression. Mais ce n’est pas cela devenir un vrai enfant de Dieu. C’est simplement devenir immature ! Notre société cherche souvent une autre forme de rajeunissement, en refusant d’affronter les signes de l’âge. La chirurgie esthétique peut enlever les rides de notre visage. Nous pouvons chercher une jeunesse artificielle et terrible parce que nous avons peur de mourir. Mais cela non plus n’est pas un vrai rajeunissement.

Être un enfant de Dieu c’est être ouvert aux infinies possibilités de l’avenir. Le monde d’un enfant n’est pas fixé, ni figé. Il ou elle peut devenir politicien ou journaliste, montagnard ou marin, ou même dominicain ! Être un enfant de Dieu, c’est avoir l’espoir d’un avenir qui se cache derrière nos rêves. Le poète français Péguy parle de l’espérance comme d’une petite fille semblable à sa propre fille de neuf ans. Il écrit : "Absolument rien au monde ne tient, si ce n’est à cause de la petite fille Espérance ; à cause d’elle qui sans cesse commence, qui toujours promet, qui garantit tout, qui assure demain à aujourd’hui, cet après-midi à ce matin, la vie à la vie et même l’éternité au temps." Être jeune c’est espérer un avenir .

J’ai visité le Rwanda pendant le génocide. Le pays était déchiré par la haine. Des centaines de milliers de morts, spécialement des jeunes. J’ai rencontré un frère canadien qui avait consacré 25 ans de sa vie à ce beau pays et qui avait vu détruire tout. Il était au bord du désespoir. Au Noël suivant, il m’a envoyé une photo de lui avec deux enfants rwandais et, sur la photo, il avait écrit : l’Afrique a un avenir. Aujourd’hui, quand nous célébrons la naissance de l’Enfant Jésus, nous nous réjouissons parce que, avec lui, chacun de nous a un avenir. L’Europe a un avenir, l’humanité a un avenir.
 Il y a quarante ans, Martin Luther King a fait son fameux discours : "J’ai un rêve". C’était un rêve de liberté : "Quand tous les enfants de Dieu, noirs et blancs, juifs et gentils, protestants et catholiques seront capables de se prendre par la main et de chanter les paroles du vieux negro spirituel : Enfin libres ! enfin libres ! Grâce au Dieu tout puissant, nous sommes enfin libres !". Quarante ans plus tard le mur de Berlin est tombé, l’empire soviétique n’existe plus, l’Apartheid s’est écroulée en Afrique du Sud, mais nous avons moins de rêves pour l’avenir. Nous sommes la "génération de maintenant".

L’Europe vieillit. Nous sommes en train de vieillir littéralement car le nombre de naissances dans notre ancien continent est en chute. L’Espagne et l’Italie ont les taux de naissance parmi les plus bas du monde. Mais nous sommes en train de vieillir aussi du coeur en perdant notre capacité de rêver d’un monde nouveau. Puisse le Christ enfant nous rajeunir avec des rêves frais. Quels sont les vôtres ?

Je veux vous dire l’un des miens pour l’Europe. Le premier mai de l’an prochain, l’Union européenne va se transformer : Chypre, la République tchèque, l’Estonie, la Lettonie, la Lithuanie , la Hongrie, Malte, la Pologne, la Slovaquie et la Slovénie vont devenir des états membres. La Bulgarie et la Roumanie espèrent les rejoindre en 2007. C’est un gros nouveau bébé qui va naître. Bien des gens se sentent nerveux devant cette nouvelle Europe. Certains, en Europe occidentale, ont peur de voir nos villes envahies par des immigrants de l’Est. D’autres, en Europe centrale ou orientale, ont peur que leur jeunesse soit corrompue par les valeurs de l’Occident. N’ayons pas peur ! Faisons le rêve d’une nouvelle Europe dans laquelle, comme dit le Pape, nous pourrons respirer avec deux poumons : celui de l’Est et celui de l’Ouest . Soyons à l’affût de frères et de soeurs différents de nous et qui nous invitent à devenir différents avec eux. C’est un rêve. J’espère que vous en avez beaucoup d’autres.

Noël nous rend jeunes si nous accueillons non seulement l’Enfant Jésus mais tous les enfants. Les enfants vont nous déranger. Ils vont faire du bruit quand nous voulons dormir, ils vont poser des questions auxquelles nous ne pouvons pas répondre, ils vont signifier que nous ne serons plus capables de dépenser tant d’argent pour nous-mêmes, ils vont changer ce que nous sommes. Mais ils sont la promesse de l’avenir de Dieu. Nous devons laisser nos enfants être des jeunes et non pas de petits adultes. Nous devons éviter d’en faire des consommateurs, de ceux qui ont besoin pour s’habiller de vêtements des grandes marques. Nous ne devons pas les considérer comme un marché à exploiter. Surtout nous devons éviter d’en faire des objets sexuels dont on abuse. La prostitution enfantine augmente à travers le monde. Laissons-les être jeunes !

L’Enfant Jésus vient aussi parmi nous dans les enfants des autres, enfants d’étrangers et d’immigrants, enfants d’une autre foi que la nôtre ou bien sans foi. Accueillons-les aussi. Ils nous ouvrent un avenir bien plus large que nous n’imaginons. Ils vont nous aider à abattre les murs de l’hostilité qui a tué Jésus avant qu’il n’ait eu le temps de vieillir.

Finalement rêvons d’un avenir pour ceux qui semblent ne pas en avoir, les pauvres qui dorment dans nos rues, ceux qui sont touchés par le désespoir. En 1996, j’ai célébré la messe de Noël dans une grande tente au centre de Paris. Un millier de sans-abri entouraient l’autel qui était fait de boites de carton comme celles sur lesquelles ils dorment dans la rue. Un dominicain espagnol, Pedro Meca, qui vit dans la rue avec les plus pauvres, célébrait la messe. C’était un signe d’espérance pour ceux dont l’espérance repose sur un Nouveau-né dans une étable. Que cet Enfant rende nos coeurs jeunes de nouveau et capables de rêver.
 

>> Site de la communauté internationale de Saint-Dominique, Belgique

Références bibliques :

Référence des chants :

Vidéos liées

Recevez chaque
semaine vos newsletters :

Les différentes newsletters