Il y a presque 60 ans, à Reims, ville célèbre par sa cathédrale où avait lieu le sacre des rois de France et pour son champagne, je faisais mon entrée dans la vie. Jeune, j’ai parcouru à vélo la route des vignobles, et j’ai pu admirer en septembre ces collines recouverte de vignes avec des lourdes grappes prêtes pour les vendanges. Je suis la vraie vigne, cette image utilisée par le Christ me parle comme à vous qui êtes proche des vignobles alsaciens. Restez unis à moi comme moi, je reste uni à vous. Quand j’observe une vigne, je suis frappé par toutes ces branches qui partent du cep.
Je comprends le lien vital des disciples avec leur Maître. Comme aumônier responsable des sarments sourds, je mesure combien nous avons besoin de nous rattacher au Christ. Je vous fais part d’un drame récent. Lundi 5 mai à 10 h 30, dans une église de la banlieue parisienne : un jeune couple sourd se lève. J’allume une bougie à la flamme du cierge pascal, symbole du Christ Ressuscité et je les invite à allumer les quatre cierges posés autour d’un cercueil minuscule qui renferme le corps de leur petite fille, morte au bout de six jours. À ce moment, rien ne sert de parler : ils montrent par ce signe de la lumière, leur union au Christ et leur confiance dans sa parole : « Je suis la Résurrection et la Vie, Celui qui croit en moi ne mourra pas ». Plus tard le papa me confiera : si nous n’avions pas l’espérance de nous retrouver tous, ce serait trop lourd. Seigneur, donne-moi ta force, reste avec nous.
Nous sommes la vigne du Père : Il nous aime avec passion et veut que nous donnions beaucoup de fruit. Aussi veille-t-il à couper les branches inutiles afin que la sève d’amour circule mieux entre le cep et les sarments. En fait, le Père veut nous faire respirer : sur nos agendas noircis de rendez-vous, il nous demande de gommer l’inutile et de prendre du temps pour nous retrouver.
Encore un exemple récent : un couple n’arrivait plus à se parler : le travail, les enfants, les épuisaient. Je leur propose un séjour dans un village bourguignon où ils pourront se calmer et retrouver des repères pour leur vie de couple. Quelle joie de les voir une semaine après, me rendre les clés, le visage bronzé et serein. Le Père nous supplie de nous calmer et de prendre du temps pour écouter la petite voix de Celui qui habite notre coeur : Séparés de moi, vous ne pouvez rien faire. Je peux donc noter aussi sur mon planning un moment de prière silencieuse où je laisse couler en moi la sève de l’amour du Christ. Nous sommes des sarments vivants si nous restons liés à la source de l’amour. La preuve de cette union sera toujours cette aide de frères dans la détresse : une personne malade à rencontrer autour d’un café, ou un jeune sourd, chômeur depuis plusieurs mois, et qui risque de se décourager?
Occupe-toi des pauvres, tu es sûr de ne pas te tromper, disait Saint Vincent de Paul. Il est urgent d’aimer en actes, et de donner beaucoup de fruit comme cet humble prêtre du Lot fêté à Rome.
Dans l’église Saint Ignace, une foule colorée agite des foulards bleus et verts et salue deux femmes de la Côte-d’Ivoire, drapées de boubous bleus et blancs. Ce sont deux soeurs de Notre-dame du calvaire. Elles s’avancent au rythme du tam-tam et chantent leur joie d’être unies au Christ, sous les yeux étonnés et ravis d’une assemblée cosmopolite : habitants des Philippines, du Brésil, d’Argentine, du Vietnam et de France. Tous sont venus fêter Pierre Bonhomme, déclaré bienheureux. Au siècle dernier, il tourna son regard sur les personnes délaissées et se mit à leur service. Les dames du foyer de Bourg-la-Reine agitaient leurs mains en signe de merci à cet apôtre des pauvres. À vous qui regardez cette messe souffrant dans votre corps ou dans l’incapacité de vous déplacer, vous pouvez vous écrier : C’est bien de parler des sarments vigoureux qui donnent beaucoup de fruit, mais nous les fragiles et les handicapés à quoi on sert ? Nous n’avons plus la joie de servir, nous sommes à la charge des autres? Je n’ai pas de réponse toute prête, mais en demeurant unis au Christ, il vous invite à remettre votre vie entre les mains du Père et à dire en toute confiance : mon Père, je m’abandonne à toi, fais de moi ce qu’il te plaira.
Références bibliques :
Référence des chants :