Frères et SÅurs,
"Qui nous fera voir le bonheur ?" Telle était, rappelez-vous, la question posée lors du récent congrès pour lâévangélisation des grandes villes qui a eu lieu à Paris à la Toussaint 2004 et que Bruxelles prépare pour la Toussaint 2006.
Le bonheur… câest ce à quoi nous aspirons tous. Nos chemins et nos conceptions du bonheur peuvent diverger mais le but est le même : personne â heureusement ! â nâéchappe à cette quête du bonheur.
Et voici que, dans lâEvangile de ce matin, le Christ nous propose un chemin de béatitude. Rappelons-nous que, dans lâEvangile selon St-Matthieu, câest, après les récits relatant lâenfance de Jésus, le grand portique dâentrée dans lâEvangile. Il est inséparable de ce quâon appelle "le sermon sur la Montagne" où le Christ vient rappeler que le bonheur ne se trouve pas dans la tiédeur ou les demi-mesures, mais dans une radicalité qui se trouve dans la joie de mettre nos pas dans la nouveauté du Christ.
Et la conclusion de ce "sermon sur la montagne" se trouve dans la prière du "Notre Père". Reconnaître Dieu comme Père vient éclairer chacune des béatitudes dâune lumière nouvelle ; sans cela, les béatitudes risqueraient de devenir une morale dâesclave enfermée ans un masochisme spirituel qui ne servirait â finalement â que notre orgueil.
Mais revenons aux Béatitudes de ce dimanche :
. Dâabord, il faut souligner que le Christ nâutilise pas la forme impérative. Ce ne sont pas des ordres, mais des constats.
. Ensuite, il nous faut reconnaître que ces propositions de bonheur ne sont pas des rêves coupés de la réalité mais un combat qui sâinscrit jusque dans lâépaisseur de notre humanité. Et cela rejoint la traduction plus proche encore du texte (hébreu) qui traduit "Heureux" par "en marche". Il y a un engagement dans le choix du vrai bonheur.
. Enfin, câest la conviction que le bonheur nâexiste quâen se partageant. Ce nâest pas pour rien que la Parole du Christ qui suit immédiatement les béatitudes dit : "Vous êtes le sel de la terre ; vous êtes la lumière du monde". Le vrai bonheur ne grandit quâen se partageant… par rayonnement et contagion !
Revisitons donc ces huit chemins sur lesquels le bonheur devient une expérience et non pas seulement une utopie.
2. "Heureux les doux", non pas les doucereux qui confondent la mollesse avec la vraie douceur car la douceur, câest la vertu des forts et le seul rempart contre la violence. Oui, "heureux celles et ceux pour qui la tendresse fait que lâamour lâemporte sur toute vengeance et toute jalousie".
3. "Heureux ceux qui pleurent", non pas les pleurnichards mais ceux qui ont suffisamment un cÅur de chair pour oser pleurer et ne pas sâenfermer dans lâindifférence de ceux qui restent insensibles à toute souffrance. Pleurer, alors, rime avec aimer.
4. "Heureux les miséricordieux"⦠car la miséricorde dit la qualité du cÅur de Dieu, et câest la perfection dâaimer qui est de pardonner. Heureux celles et ceux pour qui le pardon dit le chemin de lâavenir.
5. "Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice" en sachant que la justice dont il est question nâest rien moins que la sainteté. Il est dès lors plus question de justesse et dâajustement au plan de Dieu que de justice distributive qui nâen est que le premier pas.
6. "Heureux les cÅurs purs"⦠et quâest-ce que la pureté, sinon la transparence de lâamour ? A force dâenfermer la pureté dans des rites, on finit par ne plus en voir que sa caricature. Il faut beaucoup dâhumilité pour toucher à la vraie pureté.
7. "Heureux les artisans de paix"⦠car la paix est dâabord un don avant de devenir une tâche. Câest être pacifié pour devenir pacifiant et respirer alors au rythme même du cÅur de Dieu. Il faut souvent le travail des artistes et des artisans que nous sommes tous pour "bâtir la paix".
8. "Heureux les persécutés à cause du nom de Jésus", non pas les masochistes qui se complaisaient dans la persécution mais celles et ceux qui savent aller au bout de la fidélité. Heureux, pourrions-nous dire, celles et ceux qui aiment jusquâà souffrir dâaimer !
Voici donc un bouquet de huit béatitudes. Il faut les accueillir toutes pour que le bonheur soit à la véritable mesure du désir de lâhomme et de lâAmour de Dieu. Car câest le Royaume de Dieu qui dit la véritable mesure du bonheur de lâhomme.
Au lendemain des célébrations qui ont marqué le 60ème anniversaire de la libération des camps nazis, il nous faut inscrire les béatitudes jusque dans lâépaisseur et les ténèbres de notre humanité. Le bonheur ne peut pas être une illusion qui évacue lâhorreur. Il est une traversée qui devient un combat. Mais nous savons désormais que ce "combat" nâest pas perdu. Il contient la force dâaimer de Dieu Lui-même, et cela donne au bonheur une dimension dâinfini. Vivre les béatitudes, câest "vivre lâinespéré" et en faire lâexpérience chaque jour et pour toujours.
Références bibliques :
Référence des chants :