Notre mission : être des guérisseurs
Permettez-moi dâabord de vous faire partager une conviction, une certitude. Ouvrir lâÉvangile â nous venons de le faire â ce nâest pas ouvrir un livre, câest ouvrir son cÅur à une parole que Dieu nous adresse. LâÉcriture, tant quâelle reste sur le papier, est, comme on dit "lettre morte". Câest dans nos vies quâelle se met à exister. Nous venons dâentendre lâÉvangile, voulez-vous que nous prenions le temps dâaccueillir cette parole pour la faire exister dans nos vies ?
Mais vous me direz, énumérer une fois de plus le nom des douze apôtres, quâest-ce que ça va nous apporter ? Eh bien, jâose vous répondre que ce texte lâÉvangile nâest pas une redite. Je vous propose dây découvrir deux merveilleuses nouvelles, deux trésors du message de Jésus :
– Jésus veut bâtir son Royaume avec tous les hommes sans exception, même les plus "paumés".
– La mission quâil confie à son Église est une mission de guérison, de libération.
Premier trésor. "Jésus eut pitié de la foule, car ils étaient comme des brebis sans berger". Matthieu rappelle par trois fois, je crois, dans son Évangile, que, devant les foules de Galilée, Jésus a le cÅur remué de compassion, littéralement, il est "pris aux entrailles". Câest quâelles sont réellement délaissées, ces foules de Galilée, délaissées par les responsables politiques qui ne se souciaient pas du tout, ou si peu, du bien-être économique du petit peuple. Délaissées et méprisées par les responsables religieux, qui regardaient dâun Åil méfiant cette Galilée un peu païenne, et qui disaient carrément que de cette Galilée, il ne pouvait rien sortir de bon !
Eh bien, devant cette foule, Jésus, lui, est pris de compassion. Le projet de Jésus, il lâa prouvé toute sa vie, câest de construire son Royaume, y compris avec ces foules fatiguées, abattues, éclopées, méprisées. Et, qui plus est, son projet est de commencer par là. Allez en Galilée et dites-leur : "Le Royaume de Dieu est au milieu de vous". Au matin de sa résurrection, Jésus dira à Marie-Madeleine dâaller dire aux apôtres : "Je vous précède en Galilée".
Et dans lâÉvangile dâaujourdâhui, on le voit choisir ses apôtres, choisir des gens ordinaires, issus de la Galilée et non pas parachutés depuis les élites religieuses de Jérusalem. En somme, que demande-t-il pour que ces hommes deviennent apôtres ? Quâils soient des êtres parfaits et sans défaut ? Oh non, la liste nous fournit un démenti formel. Quâils soient bâtis sur le même moule ? Non plus. Croyez-vous que Simon le zélote ressemblait à Matthieu le fonctionnaire ?
Que demande donc Jésus pour que ces hommes deviennent apôtres ? Dâavoir été ses compagnons à lui, Jésus, ses familiers, et en même temps que ces hommes regardent affectueusement les foules, comme lui les regarde.
Cela en dit des choses pour lâÉglise dâaujourdâhui, pour les apôtres dâaujourdâhui, pour les chrétiens dâaujourdâhui. Sommes-nous assez compagnons de Jésus, familiers de sa Parole, pour mériter le nom dâapôtres, de disciples ? Et en même temps sommes-nous assez proches de ceux qui sont abattus, fatigués, éclopés ? À nous dâen faire la preuve, sans tarder. Tenez, les portes de lâéglise vont sâouvrir tout à lâheure, elles vont sâouvrir sur la Galilée dâaujourdâhui, car il nâen manque pas de nos jours de ces foules abattues, désorientées, méprisées dont certains disent encore : "Que peut-il en sortir de bon, rien à faire avec ces gens-là !".
Jésus a donc choisi des apôtres proches de lui et qui ont du cÅur pour les foules désorientées. Mais pour quoi faire ? Câest le deuxième trésor de lâÉvangile.
"Sur votre route, proclamez que le Royaume de Dieu est là, guérissez les malades, purifiez les lépreux, chassez les démons, ressuscitez les morts. » Ces paroles nous déroutent. Les apôtres doivent-ils faire des miracles de guérison, voire de résurrection, et nous alors ? À leur suite ?
Les Actes des apôtres rapportent quelques miracles opérés par les apôtres au nom du Christ ressuscité. On ne peut pas mettre le miracle hors la loi, mais le miracle nâest pas la loi. Dieu ne fait pas habituellement dans le miracle permanent, dans lâintervention, dans le merveilleux.
Câest le Père Joseph Doré, un grand théologien, devenu archevêque de Strasbourg, qui écrit, à propos de la mission, justement : "Pour ma part, je nâattends pas la multiplication des miracles. Jâattends la transformation et lâouverture des cÅurs. Câest cela les miracles permanents".
Le Christ, aujourdâhui par son Église, continue de guérir, de purifier, de redonner vie. Il veut nous guérir de nos aveuglements et changer notre regard. Il veut nous guérir de nos accablements et nous redonner la paix, la guérison du cÅur. Il veut nous guérir de nos enfermements et nous donner un cÅur nouveau. Vous, les pèlerins qui arrivez à Saint-Gilles, vous en faites l’expérience. Vous l’auriez dit mieux que moi.
À notre tour, nous ses disciples, nous devons être des « guérisseurs du monde » ; oui, guérisseurs, parfois tout simplement autour de nous. Vous en êtes sûrement de ces "guérisseurs" qui soulagent, accompagnent des malades, empêchent un voisin de mourir de solitude, redonnent vie à ceux qui ont perdu le goût de vivre. Câest notre mission de disciples de Jésus et la meilleure manière de témoigner de lui, non pas en paroles et en discours mais en actes et en vérité.
Guérisseurs du monde, tous ces êtres « habités dâamour » dont la seule présence guérit la gangrène des cÅurs et des sociétés. Les chrétiens nâen ont pas le monopole, mais ils doivent être avec ceux qui luttent pour la justice, la paix, la solidarité, chassant eux aussi les démons de lâoppression, des divisions raciales, des brisures sociales.
Câest cela sans doute la parole la mieux entendue aujourdâhui par ceux qui nous interrogent sur notre foi et la parole la plus attendue.
Témoin, cette confidence dâun chercheur de Dieu que je vous cite pour terminer. "La foi chrétienne pour moi, aujourdâhui, ce sont dâabord des rencontres et des visages.
Heureusement pour lui que Dieu a, sur cette terre, des hommes et des femmes qui croient véritablement en lui et dont la foi se lit à livre ouvert dans leur propre existence. Ce sont ces hommes et ces femmes, ces ‘aventuriers de la foi’ qui mâont permis de me raccrocher à Dieu. Voilà des hommes et des femmes qui, par leur action, leur engagement, leur incroyable capacité à aimer, me donnent envie de croire que le Dieu au nom duquel ils agissent existe".
Que le Christ, auquel nous croyons, nous donne dâêtre de ceux-là.
Références bibliques :
Référence des chants :