Les textes bibliques d’aujourd’hui devraient nous donner une sensation de vertige, car ils invitent à entrer dans le cœur de l’événement de Noël en nous offrant une lecture profonde, théologique, de ce qui s’est passé à Noël.
D’habitude, on privilégie la lecture narrative du mystère de Noël, on décrit ce qui s’est passé : l’annonce de l’ange, le trouble Marie et Joseph, l’histoire parallèle d’Élisabeth et Zacharie, le recensement d’Auguste, avec le voyage de Nazareth à Bethléem. La naissance de l’enfant, la visite des bergers, la circoncision, la présentation au temple, l’adoration des mages, la furie d’Hérode, la fuite en Égypte. Dans cette messe par contre, la liturgie nous propose une autre lecture du mystère de Noël : celle du prologue de l’Évangile de Jean, au profil théologique et existentiel élevé, de haute expression lyrique.
Il nous dit comment le Verbe divin, le Fils unique du Père, la Parole éternelle de Dieu qui a créé toute chose, se fait chair, en pénétrant dans l’histoire des hommes et en nous offrant une lecture différente du mystère par lequel Dieu sort de lui-même pour rencontrer l’homme à son niveau en se rapprochant du quotidien de l’homme, mieux encore, en entrant dans sa propre chair, c’est-à-dire, dans son existence. De cette façon Jean, chante, avec une vibrante inspiration poétique : « Le Verbe s’est fait chair et il est venu demeurer parmi nous. »
Ainsi, on célèbre l’union profonde entre le divin et l’humain : on ne peut être que stupéfait, qu’admiratif. On ne peut pas ne pas trouver une sensation de vertige. Comprenez-vous ce que Noël nous révèle ? Il ne s’agit pas seulement de la belle histoire d’un enfant qui naît, pas seulement d’un enfant qui nous est donné, mais cet enfant est la sagesse de Dieu, il est la Parole de Dieu, il est le Fils de Dieu et il est Dieu lui-même.
Dieu est la Parole, cette parole qui fait la différence entre les créatures humaines et les autres créatures vivantes. Dans la parole, les hommes communiquent, disent leur propre histoire, leurs propres doutes et espérances, leurs propres angoisses et joies. Avec la parole, l’âme se communique. Ainsi chaque créature peut accéder à lui, pour chercher lumière et vérité. Elle peut le faire avec liberté, en l’accueillant ou en le repoussant, choisissant la lumière ou en restant dans les ténèbres.
Notre Dieu qui est la parole, se laisse comprendre dans tous les langages humains. Il est donc disponible à toutes les créatures, et personne ne pourrait empêcher le dialogue mystérieux et personnel que chacun peut débuter dans le silence de toute conscience. Toute culture, toute histoire, tout événement peut accéder à Dieu, lui qui ne s’offensera pas, ni des doutes, ni des perplexités, ni des refus. Patiemment, il veut seulement assurer une réponse exhaustive, sans contraintes, ni vengeance.
Notre Dieu qui est Verbe fait chair, a choisi le chemin de l’humanité pour révéler à l’homme son visage, le visage du Père. La Parole en Jésus s’est faite homme avec toutes les caractéristiques de la vie humaine ; à l’émotion de ces jours de nativité suivra l’histoire difficile du fils de Dieu adulte qui connaîtra l’accueil, la chaleur humaine, les disciples, mais aussi mépris, trahison et refus. Un peu comme toutes les histoires humaines, jamais complètement heureuses, ni totalement désespérées.
Il dépend de nous d’accueillir cette parole qui est Lumière et Vie. Pas tout le monde ne l’accueille. Les ténèbres de l’orgueil et de la présomption, ou ceux de la superficielle inattention, n’aiment pas la lumière de l’amour et de l’humilité. « Il est venu parmi les siens, mais ils ne l’ont pas reçu ; à ceux qui l’ont accueilli il leurs a donné le pouvoir de devenir Fils de Dieu. » Alors, nous comprenons l’application que la liturgie fait de la prophétie d’Isaïe à l’événement de Noël, montrant le messager de bonnes nouvelles qui annonce le salut, qui annonce la paix.
On ne peut pas rester indifférent face au lyrisme entraînant du prophète, qui rappelle l’annonce de joie qui rejoint toutes les extrémités de la terre. « Comme il est beau de voir courir sur les montagnes qui annonce la paix, le messager de la bonne nouvelle » est la référence poétique aux sentinelles qui exultent, car elles voient le retour du Seigneur.
Le passage de la lettre aux Hébreux confirmait que Dieu, après avoir parlé aux hommes de plusieurs manières, « nous a parlé par ce Fils », parce que nous sommes « prédestinés à devenir ses fils adoptifs ». C’est ça la grande surprise de la Nativité de Jésus, il dépose dans l’homme, le mystère trinitaire de Dieu, le faisant participer à un dialogue d’amour Père-Fils. C’est le but que Noël veut réaliser, reporter l’homme aux splendeurs de son origine dans le dessein originel d’amour de notre Dieu, que notre péché détruit, mais que Jésus vient restaurer.
Si nous comprenions la beauté et la grandeur de Noël, et savions apprécier le don d’être participants à la vie divine, nous comprendrions ces paroles de sainte Thérèse de Lisieux : « Si vous deviez me trouver morte, un matin, ne vous inquiétez pas, cela veut dire que Dieu est venu me chercher comme un bon papa, seulement ça. Sans aucun doute c’est une grâce de recevoir les sacrements, mais si le bon Dieu ne le permet pas, son étreinte est toujours une étreinte amoureuse pour le fils aimé, qui a espéré et cru en lui. ».
Mon vœu est que vous puissiez vivre Noël avec cette sérénité, avec cette simplicité, avec cette félicité : malgré tout ce qui m’arrive, je suis enfant de Dieu, Dieu m’aime, Dieu marche avec moi, même si je suis un homme de peu de foi, Dieu est avec moi et nous marchons ensemble. Ceci est le sens profond de Noël. Joyeux Noël !
Références bibliques : Is 52, 7-10 ; Ps. 97 ; He 1, 1-6 ; Jn 1, 1-18
Référence des chants :