Frères et soeurs,
Voici que l’année liturgique touche à sa fin. Dimanche prochain l’Église entre dans une nouvelle année. Ce sera le premier dimanche de l’Avent qui inaugurera un nouveau cycle de fêtes, qui vont nous amener de la naissance de Jésus à Noël à la descente de son Esprit Saint à la Pentecôte. La roue du temps tourne. Mais ce n’est pas un éternel retour où l’on revient à son point de départ. Car l’histoire de Dieu avec les hommes progresse, elle va vers son achèvement. Un jour sera le dernier jour, même si le Christ nous interdit d’en conjoncturer la date.
Mais en ce dernier dimanche de l’année, l’Église s’abstient de faire le bilan comme il est d’usage parmi les hommes lorsque le nouvel an arrive. Ce n’est pas en arrière qu’elle veut regarder aujourd’hui mais en avant. Dans l’évangile de ce jour, elle nous brosse ce tableau grandiose du jugement dernier. L’Église regarde résolument vers l’avenir.
D’ailleurs nous, les chrétiens, ne regardons-nous pas trop en arrière, comme si tout était déjà passé et qu’il n’y a plus rien à attendre ? Certes le Christ a vécu il y a deux mille ans et l’Église existe depuis vingt siècles. C’est une longue histoire. Mais le chrétien risque de devenir trop un être de foi et de mémoire et trop peu un être d’avenir et d’espérance. Or pour le chrétien il y a plus de choses qui sont encore à venir qu’il n’y en a eu déjà dans le passé. L’essentiel est devant nous. Il est vrai que le Christ est venu dans la chair, même dans l’humble condition d’un enfant couché sur la paille dans une crèche. Il est venu dans l’humilité et l’abaissement. Tout en étant Dieu il n’a pas considéré jalousement sa divinité comme une possession, mais il s’est abaissé jusqu’à la croix.
Mais ce même Christ qui est venu à Bethléem semblable aux hommes, reviendra comme Roi de gloire à la fin des temps, nous assure l’Écriture. Il y a pour le chrétien beaucoup plus à attendre encore, qu’il n’y a à commémorer. Regardons donc.
Que voyons-nous ? Un Christ qui vient en Juge, «pour juger les vivants et les morts» comme l’affirme le Credo. Qui ne connaît pas le Jugement dernier de Michel-Ange à la Chapelle Sixtine à Rome ? Et le livre de l’Apocalypse place ce retour dans le cadre redoutable de signes terrifiants au ciel et sur la terre. Ce n’est pas sans effroi et sans peur que des générations de chrétiens ont attendu ce jour du jugement.
Mais ce jugement est-il encore à venir et est-ce qu’il est d’abord une sentence du Christ qui tombera sur nous, lorsqu’Il reviendra ? Ne sera-ce plutôt nous, qui nous jugerons nous-même en cette heure où nous nous trouverons dans une clarté et une clairvoyance de notre esprit, une fois qu’il sera délivré de la lourdeur du temps et de notre corps ? Nous serons nos propres juges et la vérité sur nous-mêmes n’aura pas besoin de nous être dite par un autre. En plus il ne faudra même pas attendre ce jour pour nous juger. Tout se passe déjà maintenant. Car c’est maintenant que nous donnons à manger aux affamés ou pas et à boire à ceux qui ont soif ou pas, et c’est maintenant que ce que nous faisons pour le plus petit de nos frères, c’est pour le Christ que nous l’avons fait. Ce sont nos actes d’aujourd’hui, de cette heure même, qui nous ont déjà jugés.
Le Christ reviendra en Juge. Oui. Mais ce n’est là que la moitié de la vérité. Car au dernier jour, nous rencontrerons non pas seulement notre Juge mais notre Rédempteur. Nous allons revoir le Christ, celui que personne parmi nous n’a jamais vu, en qui nous avons néanmoins cru, tout au long de notre vie, sans le voir. Nous allons voir Jésus : quelle joie !
Oui, ce Juge, ce sera aussi celui que le prophète Ézéchiel nous décrit dans la première lecture : un bon pasteur, dont il est dit : « Je veillerai sur mes brebis et je vais les délivrer. La brebis perdue, je la cherche, l’égarée je la ramène. Celle qui est blessée je la soulagerai. Celle qui est faible je la rendrai plus forte » (Ézéchiel XXXIV, 16ss). Ce n’est que tout à fait en fin de lecture que le prophète ajoute : « Je vais juger entre brebis et brebis » (Ibid. 17b). Car ce Christ juste Juge, ne reste pas moins aussi ce qu’Il a toujours été quand Il vivait parmi nous : le Christ Rédempteur miséricordieux, qui sur le moindre signe de conversion et de repentir de notre part, se hâtera de nous dire : « Entre dans la joie de ton maître ». Un saint moine du Mont Athos n’a-t-il pas pu dire cette phrase déroutante : « Tiens-toi en enfer et ne désespère pas». Dieu pourra-t-il jamais être totalement heureux, s’il reste un seul être humain, un de ses enfants qui ne serait pas près de Lui ? Pourra-t-il supporter un seul nuage au ciel de son bonheur ? Nous ne le savons pas. Mais il ne faudrait pas que nous nous y trouvions un prétexte pour ne pas nous convertir. Ce serait un péché contre l’Esprit dont Jésus nous a dit qu’il ne sera pas remis. Mais il n’en reste pas moins vrai que ce Dieu-Juge est aussi le Dieu-Bon Berger. Regardons donc avec joie et confiance ce jour du retour de son Fils, dont nous lisons dans le prophète Malachie : « qu’Il est le soleil de Justice qui porte la guérison dans ses rayons » (Malachie III, 20).
Références bibliques :
Référence des chants :