Certains hamsters privilégiés ont la chance d’avoir une roue dans leur cage. Ils peuvent alors pratiquer une de leurs activités favorites, faire leur jogging dans leur roue. J’en connaissais un qui pouvait y passer pas mal de temps, à croire qu’il n’avait que cela à faire !!…sans vraiment avoir beaucoup avancé. Ils peuvent réaliser un effort considérable sans beaucoup de résultat. Ils peuvent parcourir de grandes distances tout en restant parfaitement au même endroit !! Il y a de quoi perdre l’espérance.
Ne fonctionnons pas parfois un peu de la même manière lorsque nous relisons notre histoire ou de repenser à des événements passés ? ”Je n’aurais pas dû faire ce choix pour mon travail “, “de toute façon on ne peut plus revenir en arrière par rapport à notre couple”, “c’est de ma faute si c’est arrivé, j’aurai dû être plus disponible”, “je n’ai pas su m’y prendre avec mes enfants” etc. Que faire de ce passé parfois cabossé, qui pourrait bien nous retenir telle une chaine au pied d’un prisonnier ? Que faire de cette culpabilité dont beaucoup souffrent aujourd’hui ?
ON peut parfois ruminer des heures, passer du temps à essayer par nous-même de trouver une solution à cette souffrance sans véritablement y parvenir…nous ressemblons alors terriblement au hamster dont les horizons se réduiront tout au plus, après de longue heures de marche, aux barreaux de sa cage !!!
Le christ connait le cœur de l’homme, il sait ce qu’il y a dedans et des combats qui sont les nôtres ! L’évangile que nous venons d’entendre est d’une grande lumière.
Jésus nous raconte cette parabole, c’est à dire cette histoire. Cet homme qui a quitté la maison de son père et dilapidé son héritage. S’éloigner de la maison de son père a entrainé pour le fils malheur et dénuement. Alors cet homme rentre en lui-même. Il relie son histoire et commence à se faire un scénario tout seul dans sa tête. Il élabore son procès minutieusement et détermine la sentence “père j’ai péché contre le ciel et contre toi, je ne suis plus digne d’être appelé ton fils, prends-moi comme l’un de tes ouvrier”. Cet homme est dans la CULPABILITE. Il est son propre juge, il est tout seul avec lui-même. Ça peut durer longtemps cette histoire…combien de fois nous jugeons nous nous même…notre histoire devient alors un poids qui nous retient violement dans le passé et nous empêche de vivre à fond le présent et de rendre possible ‘avenir. “Le pire de juges c’est soi-même” n’a-t-on pas l’habitude de dire ? Les procès dont on est le juge et l’accusé ne se termine jamais…Blaise Pascal dans ses pesées dit : « Il n’est pas permis au plus équitable homme du monde d’être juge en sa cause. »
Enfermé dans ses pensées solitaires il pense que Dieu fonctionne comme lui. Il projette sa psychologie accusatrice sur Dieu. Il se fait une image de Dieu qui est celle que nous nous forgeons depuis la chute, un dieu qui juge ! Ce Dieu imaginaire qui n’est rien d’autre qu’une projection de sa propre culpabilité…le frère ainé qui revient des champs fonctionne ainsi, il juge son frère cadet : Il a “dévoré ses ressources avec des prostituées”. Les 2 frères nourrissent la même attente sur le père. Il va juger et sanctionner, le Dieu de leur projection…ils sont simplement surpris que ce ne soit pas le cas.
La rencontre avec le père est tout autre et ne correspond aucunement aux prévisions du fils ! Tous ces scénarios tombent à l’eau “comme il était encore loin son père l’aperçu et fut saisi de compassion”. On ne peut imaginer comment fonctionne Dieu ! Ce pauvre homme n’a qu’à accepter ce pardon donné sans condition, gratuit, disproportionné, infini. C’est un don qui libère de nos scenarios intérieurs, qui libère du passé et qui dispose à vivre pleinement le présent. La culpabilité n’a pas de place dans le message du christ. Cette culpabilité est une maladie dont Jésus vient nous libérer. Le jeune homme doit simplement renoncer se juger tout seul et accepter que Dieu ne fonctionne pas comme lui et lui donne son pardon. Je ne suis plus juge de mon passé mais je remets cela au Seigneur. La tradition chrétienne a donné un nom à cette attitude intérieure, la contrition. La culpabilité enferme, la contrition libère. La culpabilité isole, la contrition restore la relation. Alors je peux vivre pleinement dans le présent et prendre ma vie à bras le corps ! Je peux vivre.
Mon espérance se nourrit de cette libération que Dieu offre. Je la lis aussi dans cette prière retrouvée sur le corps d’une religieuse martyr : “Le moment présent est une frêle passerelle. Si tu le charges des regrets d’hier, de l’inquiétude de demain, la passerelle cède et tu perds pied. Le passé ? Dieu le pardonne. L’avenir ? Dieu le donne. Vis le jour d’aujourd’hui en communion avec Lui.”