Chers Frères et Sœurs,
La séparation ou la disparition
Où que vous soyez ces jours-ci, si vous regardez vers le ciel cette nuit, vous pourrez tous constater la même chose : la lune est en train de disparaître, bientôt nous aurons une nuit sans lune. Le jour de l’Ascension, la lune disparaît du ciel, comme le Christ a disparu des yeux de ses disciples. En effet, l’Ascension se situe quarante jours après Pâques, c’est-à-dire un mois et demi après Pâques. Or à Pâques, c’est toujours la pleine lune ! Donc à l’Ascension, c’est toujours une nuit sans lune. En fait, le jour de l’Ascension, il n’y a plus rien à voir. Comme disent les anges aux disciples de Jésus (Ac 1,11) : « Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? » L’évangéliste Luc précise que Jésus « est séparé de ses disciples et est élevé vers le ciel » (Lc 24, 50). Une nuée le cache aux yeux des disciples (Ac 1,1-11).
Découverte de la nature divine de Jésus
Il y a une nature cachée de Jésus : c’est sa nature divine. Les mots évangéliques nous mettent la puce à l’oreille : la nuée, le ciel, le haut, ce sont toutes des symboles pour dire Dieu. À l’Ascension, Jésus est uni au Père, il est reconnu dans sa divinité, dans sa grandeur et dans son universalité. Jésus – le crucifié de Jérusalem – est dans la grandeur de Dieu. « Il se tient maintenant pour nous devant la face de Dieu », dit la lettre aux Hébreux (Hé 9,24). L’homme-Jésus est reconnu dans sa divinité. L’Ascension est donc la victoire de Dieu sur la faiblesse de la nature humaine et sur la mort. Cela signifie que tout ce qui s’est vécu dans ma vie de Jésus a une valeur divine, une valeur universelle.
Le corps blessé du Christ en Dieu
D’autre part, à l’Ascension, Dieu le Père assume l’humanité de Jésus en accueillant son corps meurtri et blessé. Désormais, mystérieusement, il y a en Dieu une présence de la blessure humaine. « Les plaies restent toujours dans le corps du Christ », disait saint Cyprien (De baptismo Christi). Et si le corps du Christ est en Dieu par l’Ascension, les blessures du Christ sont en Dieu aussi. Cela signifie que Dieu accueille toute souffrance et ne rejette aucune blessure. L’Ascension, c’est aussi la victoire de l’humanité sur une image de Dieu lointaine et impassible, isolée dans sa grandeur. Dieu est désormais proche de toute personne souffrante ; je voudrais le souligner pour ceux d’entre vous qui vivent une souffrance, parce qu’ils sont à l’hôpital, ou qu’ils sont malades à domicile, pour parce qu’ils sont blessés par un problème familial ou relationnel. Sachez que Dieu est proche de vous : il a voulu accueillir en lui le corps de son fils torturé ; il accueille aussi chaque blessure humaine et lui offre une piste de salut.
La joie de la mission
Comment vivre l’ascension dans notre vie ? Apparemment c’est une fête triste : c’est la fête d’un adieu, d’une absence, d’un départ. Pourtant, comme l’a dit Jésus selon l’évangile de Jean, « il vaut mieux pour vous que je m’en aille. Car si je ne m’en vais pas, le Défenseur ne viendra pas à vous ; mais si je pars, je vous l’enverrai » (Jn 16,7). Car Jésus a promis qu’il enverrait sur ses disciples une force d’en-haut (Lc 24,49). Il leur annonce qu’ils vont être baptisés dans l’Esprit-Saint (Ac 1,5). En partant, Jésus ouvre la voie à l’Esprit Saint. L’absence crée une présence. L’Esprit de Jésus nous fait vivre au quotidien son message. Il nous rend créatifs et responsables. Dès lors, le départ de Jésus ne signifie pas la tristesse, mais la joie. C’est pourquoi, les disciples de Jésus « retournèrent à Jérusalem, remplis de joie » (Lc 24,52). Les disciples reçoivent une responsabilité nouvelle. Cette force leur permet d’être les témoins de Jésus.
Aujourd’hui aussi, Jésus nous envoie. Il nous invite à regarder l’avenir avec espérance. Il chasse de nos vies l’immobilisme, le découragement, la résignation. Il nous donne une force pour changer le monde. Alors, n’oublions pas ses paroles, le jour de son départ : « Vous serez mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8).
L’Ascension et Notre-Dame
J’ai pensé à cela en rencontrant un groupe de jeunes confirmands la semaine dernière. Ils m’ont posé toutes sortes de questions sur mon ministère d’évêque. Puis une jeune fille de 14 ans m’a dit : « Qu’est-ce que vous pensez de l’incendie de Notre-Dame de Paris ? » J’ai été content de la question, car cet incendie nous a tous bouleversés et nous a fait réfléchir. Pourquoi tenons-nous tellement à un symbole de notre foi comme Notre-Dame de Paris ? Il a failli s’évanouir, comme Jésus s’est évanoui à l’Ascension. Mais la disparition de Notre-Dame de Paris nous interroge. Que serait un monde sans église, sans signe tangible de la foi ? Que serait l’Europe sans l’architecture de Notre-Dame de Paris ? Que serait une société sans une mère ? Car Marie est une mère pour l’humanité, elle l’engendre à nouveau, chaque jour. C’est ce que Jésus a signifié sur la croix en nous donnant Marie pour mère (cf Jn 19,27). Marie a accepté. Elle est restée avec les disciples, elle était avec eux à la Pentecôte (Ac 1,14). Qui sait si elle n’était pas là à l’ascension de Jésus ?
Si le Fils de Dieu est absent matériellement par son ascension, Marie est présente visiblement à travers l’Église, car elle symbolise l’Église, qui nous donne vie. L’ascension de Jésus ouvre la place à Marie comme mère, qui fait de nous des fils et des filles, et non pas des gens anonymes et sans famille.
Merci, Seigneur Jésus, pour ton ascension !
Merci pour ta présence divine, merci pour ton Esprit !
Merci pour Marie qui fait de nous des frères et sœurs !
Merci pour cette mère que tu nous donnes et qui accouche de nous chaque jour !
Car si Notre-Dame a flambé, c’est pour faire de nous des ressuscités !
Et si Marie, ta mère, nous accueille aujourd’hui dans cette église qui lui est dédiée,
C’est pour nous envoyer témoigner dans la société !
Bonne fête de l’Ascension à toutes et à tous!
Amen ! Alleluia !