Frères et SÅurs,
Jâentends parfois certaines personnes me demander ce qui fait le cÅur de la foi chrétienne ou, pour le dire autrement, en quoi la foi en Jésus Christ â et vécue en Église â est capable de donner sens à la vie mais aussi à la mort et à la souffrance, à lâamour et au bonheur.
Je crois que lâÉvangile de ce dimanche est, en quelque sorte, un résumé de la vie et de la mission du Christ.
· Câest dâabord Jésus qui dit quâil est venu, non pas pour les bien-portants, mais pour les malades et les pécheurs. Le Christ est donc venu pour que le salut quâil apporte â câest-à-dire la vraie libération â délie lâhomme de ses chaînes et de ses esclavages, de ses maladies et de ses péchés. Cela veut dire, concrètement, que le pardon est capable de vaincre le mal et que la résurrection ouvre un chemin où la mort nâa plus le dernier mot. Tel est le salut apporté par le Christ.
· Mais pour que cela soit possible, il faut, dit le Christ, que la miséricorde et la tendresse lâemportent sur les sacrifices et les rites extérieurs. Et ce choix met Jésus en relation permanente et privilégiée avec les pécheurs, ceux que lâÉvangile appelle les publicains. Il ne sâagit pas ici de se faire le complice du mal. Il sâagit plutôt de découvrir que la reconnaissance du péché conduit plus sûrement à la guérison que lâaffirmation orgueilleuse de sa vertu. En ce sens, le vrai bonheur se trouve toujours du côté de la miséricorde.
· Et enfin â et câest ici lâappel de Matthieu dans lâÉvangile de ce jour â Jésus a voulu appeler des collaborateurs, des disciples qui deviendront des témoins. Car le Christ nâest pas un gourou au service de ses propres intérêts (fussent-ils divins !), mais un frère capable de révéler que la paix et la joie sâexpérimentent toujours dans une fraternité sans cesse reliée à une filiation qui nous fait dire à Dieu « Notre Père ». La dignité humaine sâenracine à ce niveau de profondeur et de vérité.
– la résurrection⦠qui dit lâavenir,
– lâamour⦠qui donne à la vie sa densité,
– et la communauté⦠qui combat toute exclusion et toute solitude⦠expriment ce qui est au cÅur de la foi chrétienne, et donc du salut apporté par le Christ. Et cela, nous le savons, rejoint ce qui est au cÅur de tout homme et de toute femme.
Je sais cependant que tout ceci nâest pas évident. Nous vivons dans un monde où lâespérance sâenlise dans la morosité dâune culture marquée par la peur et le désenchantement.
LâÉvangile ne serait-il quâune illusion ?
· Comment oser croire à lâamour quand la violence se fait omniprésente ?
· Comment croire à la Résurrection quand la mort fait son Åuvre et que lâhorizon semble bouché ?
· Comment bâtir des communautés quand des intérêts partisans sèment la division et la discorde ?
En fait, le Christ nous conduit toujours aux carrefours de lâhumanité, là où se jouent la destinée de lâhomme et le destin du monde.
Je nous invite aujourdâhui, et dans la lumière de lâÉvangile, à prendre (ou à reprendre) les trois chemins proposés ici par le Christ :
– devenir disciple,
– vivre la miséricorde,
– et entrer dans une démarche dâhumilité.
· En quittant son comptoir de douanier, Matthieu a osé prendre le risque dâune aventure toute nouvelle : devenir disciple de Jésus pour dire au monde que la vie ne sâéclaire que dans la lumière de lâAmour.
· À ses disciples, le Christ rappelle aujourdâhui que la miséricorde vaut mieux que tous les sacrifices. Combien de fois nâen restons-nous pas aux pratiques extérieures qui donnent lâillusion de la bonne conscience mais non pas lâexpérience de la vraie joie ? Je crois que le vrai sens de la vie ne se révèle quâaux nappes phréatiques de lâexistence. Il faut décaper le cÅur de pierre pour atteindre aux zones profondes de notre humanité, et donc de notre spiritualité. Et câest là que la miséricorde se révèle comme la signature de Dieu au cÅur de chacun.
· Mais, conclut en quelque sorte Jésus, il y a une condition pour que ce projet devienne réalité : câest de reconnaître que nous avons besoin dâêtre sauvés. Là où une certaine culture contemporaine confond la saine autonomie avec la suffisance orgueilleuse qui met Dieu en concurrence et en rivalité avec lâhomme, il nous faut retrouver les chemins de la véritable liberté. Et comme le rappelle lâÉvangile de ce dimanche, la reconnaissance du péché est la condition de la liberté. Sinon, nous devenons esclaves de nos fragiles certitudes et de nos fausses sécurités. Lâexpérience humaine révèle que le bonheur et la croissance ne sont possibles que dans la conscience que notre vie sâinscrit dans une vie plus grande que la nôtre mais à laquelle nous avons part. Câest ce désir dâinfini et dâabsolu que Dieu seul peut véritablement combler. Mais pour cela, il nous faut â il nous suffit ! â de lâaccueillir. Dieu comble toujours au-delà de nos espérances à condition de situer notre vie sur fond dâéternité.
Aujourdâhui, Dieu nous rejoint. Il nous dit, comme à Matthieu et à tant dâautres : "viens !".
Et ce dimanche, nous pouvons véritablement dire « oui ». Sans hésitation et pour vivre lâaventure de la foi⦠et de la joie !
Références bibliques :
Référence des chants :