Il était particulièrement bien venu de célébrer la Pentecôte ici, à Graiguenamanagh. Guidés par l’Esprit Saint, les moines cisterciens sont venus ici il y a presque exactement huit siècles, en 1204, pour fonder l’abbaye de Duiske, du nom de la petite rivière qui coule à côté, la Dubh Uisge ou « Rivière noire ». Cette abbaye, qui était autrefois la plus grande église cistercienne d’Irlande, a été délaissée à l’époque de la dissolution des monastères au XVIe siècle et elle est progressivement tombée en ruines. Cependant, grâce aux efforts héroïques de plusieurs générations successives, en commençant par les paroissiens du début du XIXe siècle qui, frappés par la pauvreté, se la sont réappropriée et lui ont redonné un toit, l’abbaye a lentement retrouvé la sobre splendeur qu’on lui connaît aujourd’hui.
Tout comme notre présence ici, elle est un symbole de notre foi en notre Seigneur ressuscité et en la puissance de son Esprit Saint, qui règne parmi nous.
Ici, dans cette ancienne abbaye, les pierres de ces murs bénis ont été les témoins de 800 ans d’histoire. Si elles pouvaient parler, elles auraient bien des histoires à nous raconter : 800 ans de prière et de contemplation, l’Esprit Saint emplissant les coeurs et les esprits des moines et des paroissiens. 800 ans de pèlerinage : hommes et femmes, pauvres et riches, venus ici en quête de Dieu. Son Esprit les a appelés, les a guidés et les a comblés de sa présence.
800 ans de pardon et de réconciliation, l’Esprit Saint porteur de l’amour apaisant de Dieu, bâtissant des ponts dans la vie accidentée des hommes.
En 800 ans, ces pierres ont assisté à des baptêmes, à des mariages et à des enterrements, toutes les étapes de la vie. Elles ont vu des scènes de violence, de persécution, et le martyre d’un grand nombre de moines, mais elles ont également connu l’amour des fidèles pour leur Dieu et l’attention et la compassion qu’ils se témoignent entre eux. Et avant tout, elles ont été témoins de l’amour passionné, mais délicat, de Dieu pour son peuple, qu’Il a nourri, soigné, réconforté et éclairé durant ces 800 ans, par l’intermédiaire de l’Esprit Saint. Pendant tout ce temps, cette abbaye a été un lieu de Pentecôte, où Dieu a insufflé son Esprit dans les vies de ces hommes et de ces femmes… et ces pierres ont tout vu.
Cependant, elles ne sont pas douées de parole et ne peuvent rien nous dire. Ces pierres sont mortes. Les pierres vivantes de l’Église sont ses fidèles, non seulement ceux qui sont présents ici, dans cette église, mais aussi ceux qui nous regardent à la télévision. Nous sommes les pierres vivantes de l’Église de Dieu, emplies du souffle de l’Esprit de Dieu, l’Esprit qui nous anime, qui nous donne la vie, pour que nous soyons les témoins vivants de l’amour passionné, mais délicat, de Dieu, qui nous nourrit, nous guérit, nous réconforte et nous éclaire.
Dans nos lectures d’aujourd’hui, nous voyons les disciples réunis dans une pièce à l’étage. Telle est la situation de départ de la première lecture et de l’Évangile : les disciples pris de peur, les portes verrouillées, rassemblés dans la prière et dans l’attente. Dans la première lecture, nous voyons comment l’Esprit Saint s’est manifesté sous la forme d’un vent puissant qui a rempli la maison et qui a enveloppé les disciples comme des langues de feu, qui leur a fait le don des langues et les a fait sortir dans les rues. Il en est également ainsi dans l’Évangile : Jésus entre dans la pièce et répand son souffle sur ses disciples, leur faisant ainsi le don de l’Esprit Saint. Et nous avons vu comment la peur a fait place à la joie quand Jésus les a envoyés arpenter le monde.
Ces deux lectures, bien que très différentes, nous transmettent le même message : l’Esprit de Dieu traverse les murs de la peur, franchit les barrières qui nous empêchent de vivre pleinement ; l’Esprit vient à nous de manière à ce que nous puissions vivre dans toute notre dignité de filles et fils de Dieu ; l’Esprit nous est transmis, non pas pour que nous le gardions pour nous, mais pour que nous nous ouvrions au monde avec énergie et enthousiasme.
C’est à l’Église que revient la mission de poursuivre l’oeuvre de l’Esprit Saint à travers le temps, de transmettre en tout lieu et en tout temps le témoignage et la puissance de la vie, de la mort et de la résurrection de notre Seigneur. Ces dernières semaines, avec la maladie et la mort du pape Jean-Paul II, l’élection et l’inauguration du pontificat de son successeur Benoît XVI, c’est comme si l’Église vivait elle-même le Mystère pascal de manière particulièrement intense. Nous savons l’impact considérable qu’a eu Jean-Paul II sur le monde entier par son témoignage de l’Évangile et, plus que jamais, lorsqu’il a été appelé à pénétrer le mystère de la mort. Et ce n’est pas un hasard si, lors de la messe d’inauguration de son pontificat, le pape Benoît a proclamé avec tant de joie et d’assurance : « L’Église est vivante. »
L’Église est vivante car, malgré ses nombreuses faiblesses humaines au cours de l’histoire et encore aujourd’hui, l’Esprit de Jésus vivant ne nous a pas abandonnés, il est à l’oeuvre dans le coeur de tous les croyants. Comme nous le dit saint Paul dans la lecture d’aujourd’hui : « Sans le Saint-Esprit, personne n’est capable de dire Jésus est le Seigneur’. » Lorsque nous nous rassemblons pour célébrer l’Eucharistie, comme nous le faisons en ce moment, c’est par le Saint-Esprit que nous le faisons. Et nous le faisons pour proclamer au monde entier, avec, dans nos coeurs, l’Esprit Saint qui nous donne une paix que le monde ne peut nous offrir : « Jésus est en effet le Seigneur, il est ressuscité et a surmonté la mort. » L’Église n’est pas morte. Et au sens le plus profond, elle est vivante en nous ce matin.
Références bibliques :
Référence des chants :