"Aujourdâhui, le Salut est arrivé pour cette maison." Voici la Bonne Nouvelle qui est annoncée à Zachée dans cet Évangile. Bonne Nouvelle, qui est annoncée aujourdâhui à chacun et chacune dâentre nous.
Pour que Zachée puisse entendre cette annonce de la part de Jésus, il a fallu tout d’abord qu’il "cherche à voir Jésus" ; quâil coure en avant et grimpe sur un arbre sans craindre dâêtre ridicule, sans souci du paraître.
Chercher à voir Jésus !!! Ce désir de Zachée demeure au fil des siècles le désir de tout croyant. Au IIe siècle, Irénée de Lyon écrivait : "La vie de lâhomme, câest la vision de Dieu".
Au XVIe siècle, en Espagne dans lâAvila des chevaliers, une femme, Thérèse de Jésus, sâécriait : "Je veux voir Dieu." Un jour, devant une représentation du Christ à la colonne, elle comprend lâAmour dont elle est aimée personnellement par le Christ Jésus. Comme Zachée, dans la lumière de cet amour et de cette présence divine, elle découvre sa pauvreté et sa misère et y reçoit une force de conversion. Comme en écho à la première lecture de ce jour, Teresa confesse sa misère et la miséricorde de Dieu, elle écrit : "J’attends tout de la miséricorde de Dieu : Personne après l’avoir choisi pour ami, n’a été abandonné par Lui".
Choisissant de manière déterminée, le Christ comme ami, sous lâaction de lâEsprit Saint, elle entreprend une Åuvre de Réforme. Elle veut revenir à la Règle primitive ; à cet idéal des frères-ermites qui sâétaient réunis sur le mont Carmel pour mener, au XIIIe siècle, une vie de prière et de solitude ; dans lâesprit du Prophète Élie qui se "tenait devant la Face du Dieu Vivant" (I R 17, 1) et dans lâimitation de la Vierge Marie qui "gardait toutes choses en son cÅur". Selon les mots de la Règle, Thérèse désire "vivre dans la dépendance de Jésus Christ et le servir [â¦] en méditant jour et nuit la parole de Dieu et en veillant dans la prière".
Elle fonde le carmel Saint-Joseph dâAvila, le 24 août 1562. Quelques années plus tard, avec lâaide de Jean de la Croix, elle fonde la réforme de la branche masculine.
À sa mort, en 1582, elle laisse derrière elle 17 monastères de moniales et 14 couvents de frères et divers écrits : Le Chemin de Perfection, la Vie, Les Demeures, les Fondationsâ¦
En 1601, M. Jean de Brétigny, rouennais dâorigine espagnole, entreprend de traduire les Åuvres de Thérèse en français. Ces textes rencontrent un grand succès dans les cercles spirituels, spécialement dans celui de Mme Acarie, qui est fréquenté, entre autres, par François de Sales et Pierre de Bérulle⦠Interpellés et séduits par les écrits de Thérèse de Jésus, ils décident de faire venir des carmélites en France. Lâaventure ne sera pas simple, mais peu à peu toutes les difficultés sont surmontées et six carmélites espagnoles arrivent à Paris pour implanter le Carmel Déchaussé.
Le monastère de lâIncarnation est fondé le 18 octobre 1604, rue Saint-Jacques. Très rapidement des postulantes se présentent et, comme au temps de Thérèse dâAvila, les fondations se multiplient.
Une véritable "invasion mystique" va se produire, puisquâà la fin du dix-septième siècle il y aura en France 77 carmels féminins et 61 carmels masculins de la réforme thérésienne.
Centrée sur la sainte humanité du Christ, sur lâécoute de la Parole de Dieu, proposant un équilibre entre solitude et vie fraternelle, la spiritualité du Carmel répond à lâattente des hommes et des femmes de ce temps, accueillant dans la fragilité de la condition humaine, la Bonne Nouvelle de son exaltation, de sa divinisation par lâIncarnation rédemptrice du Verbe.
Au long des siècles, la vocation et la mission du Carmel dans lâÉglise demeurent inchangées. Il sâagit bien, à travers toutes choses, de "Chercher la Face du Dieu Vivant" et de "se tenir devant Lui pour tous". Nous pouvons entendre comme en écho le début de la seconde lecture de ce jour : "Frères nous prions continuellement pour vous afin que notre Dieu vous trouve dignes de lâappel quâil vous a adressé". Un appel qui nâest rien de moins que de partager la vie de Dieu, de se laisser diviniser par Lui.
Carmes, carmélites et fraternités laïques cherchent à vivre cela pour eux-mêmes et à permettre à dâautres de le vivre. Ils témoignent personnellement et communautairement quâil est vivant, le Seigneur Dieu devant qui ils se tiennent pour le servir. Leur vie est une recherche humble et constante, jour après jour, dans la foi, lâespérance et lâamour, de la présence de Dieu et de son Visage, en solidarité avec toute lâhumanité ; une vie fondée sur lâécoute de la Parole de Dieu et la docilité à lâEsprit Saint à lâexemple de la Vierge Marie ; une vie à la suite de Jésus-Christ dans lâaventure de la prière incessante pour lâÉglise et pour le monde.
Dans la diversité de leur vocation, les communautés de carmélites et de carmes, les fraternités laïques du Carmel sont autant de "sources cachées" qui révèlent lâeau de la vraie vie et qui invitent à y boire à grands traits. Ils accueillent en eux le Christ Sauveur, unique médiateur entre Dieu et les hommes ; ils accueillent la puissance de Salut dont il est porteur. En Église et pour lâÉglise, dans le monde et pour le monde, le Carmel dans ses diverses composantes actualise lâévangile de ce jour : "Aujourdâhui le Salut est arrivé pour cette maison".
Rendons grâce à Dieu pour le don quâil a fait à lâÉglise, et en ce quatrième centenaire, tout particulièrement à lâÉglise de France et accueillons Celui qui seul peut nous sauver : le Christ Jésus notre Seigneur qui se livre à nous dans cette Eucharistie.
Amen.
Références bibliques :
Référence des chants :