Frères et sœurs, chaque fin d’année liturgique, les lectures évoquent la fin des temps dans un langage, il faut bien l’avouer, fort peu rassurant. Nous sommes bien loin d’un happy end ! Et voilà que surgit cette question lancinante : face à la maladie, au mal qui nous malmène, aux bouleversements de notre société, au temps qui passe et semble effacer nos rêves, que pouvons-nous espérer, honnêtement, sans mentir à nous-mêmes ? Lorsque nous sommes submergés par des événements douloureux, comment garder vive notre espérance, sans fuir ce monde ?
L’Évangile vient toujours nous offrir un sens possible. Quelle que soit notre situation de vie, notre Dieu de patience vient sans cesse nous convier à l’espérance. Voilà cette sagesse venue d’en haut dont parle l’Évangile ! Sage est celui qui, patiemment, persévère à croire en l’humain, au-delà de toute peur et de toute désespérance. Sage est celui qui ne se résigne pas face de l’échec, mais persiste à voir le temps qui passe comme un lieu d’accomplissement. Pour maintenir vive cette confiance, il n’existe aucun chemin tout tracé. D’ailleurs, à l’entame de l’Évangile, Jésus nous met en garde contre ceux qui viendraient offrir des réponses toute faites. Toutefois, pour avancer sur les chemins de cette espérance, l’Évangile nous donne deux petites clés, autant de paroles d’encouragement offertes à celles et ceux qui veulent vivre plus intensément leur vie. Deux clés de sagesse pour ajouter de la vie à nos jours. Elles nous invitent à changer notre regard sur le temps, à redécouvrir ce qu’il est pour nous réellement : autant de moments où l’éternité de Dieu peut faire irruption. Ces deux clés que l’Évangile nous offre sont intiment liées : il s’agit de la patience et de la persévérance. La sagesse de la patience est cette faculté de découvrir à travers les épreuves un horizon toujours possible. Patient est celui accepte son incomplétude, qui reconnaît que le sens lui reste voilé, mais qui maintient vive son espérance en un dénouement heureux. Le sage est celui qui voit les épreuves comme des lieux où il reste possible grandir. Qui voit le temps qui passe comme le don gratuit d’un Dieu patient, qui prend le temps de le donner ? Le temps est le chemin que prend l’éternité de Dieu pour nous rejoindre.
Voilà cette sagesse venue d’en-haut et que notre monde si pressé oublie par peur de la mort : goûter patiemment le temps qui passe, c’est redécouvrir que chaque instant est un don. Du temple, de nos structures, de ce que nous contemplons en dehors de l’humain, il n’en restera pas pierre sur pierre. Mais en chaque être, il y aura toujours cette lumière divine qui ne passera pas, celle qui nous rappelle que nous sommes les pierres vivantes de Dieu sur terre. Pour découvrir cette espérance qui veille en nous, il nous faut de la patience tout simplement, cette clé du bien-être et plus grande que des prières. Elle nous fait goûter à l’éternité en chaque instant. Être patient, c’est prendre le temps de le donner : c’est accepter son manque, ses failles et ne pas s’y réduire. La sagesse que Dieu vient inscrire dans nos cœurs nous invite donc à être patient envers tout ce qu’il y a d’irrésolu dans nos vies. Un malade que je visitais m’a un jour confié ceci : « Avant ma maladie, je voulais sans cesse gagner mon temps et j’étais impatient de tout. Maintenant, dans cette chambre d’hôpital, j’ai découvert la sagesse. Je suis devenu un patient. » Voilà cette sagesse qui, à travers l’adversité, apprivoise le temps que Dieu nous offre et rend l’espérance toujours possible.
À côté de la patience, il est une deuxième clé qui nous est offerte aujourd’hui, celle de la persévérance. Si le dicton populaire nous dit que « persévérer dans l’erreur est diabolique », persévérer dans l’espérance, malgré les épreuves, nous fait toucher l’essentiel. Persévérer, c’est garder le courage de vivre. Persévérer consiste à croire en un horizon toujours nouveau dans notre quotidien. Au jour le jour. Patiemment. Simplement. Persévérer, c’est oser voir les inévitables difficultés comme autant de chances de maturation, des lieux de nouveaux commencements, d’enfantement.
Lorsque patience et persévérance deviennent notre prière, nous avons deux clés de sagesse pour ouvrir et fermer bien des portes. Gandhi disait que « la prière est la clé du matin et le verrou du soir ». Chaque matin, notre patience peut se faire prière, pour ouvrir la porte de l’espérance, pour croire en plus d’humanité dans notre monde blessé. Chaque soir, notre persévérance peut devenir prière, pour fermer la porte du désespoir. Patience et persévérance, deux clés remplies de confiance en l’humain, que Dieu dans sa tendresse donne à chacun et chacune de nous : deux clés de sagesse que personne ne pourra jamais nous prendre. Amen.
Références bibliques : Ml 3, 19-20 ; Ps 97 ; 2 Th 3, 7-12 ; Lc 21, 5-19
Référence des chants :