En ce premier dimanche de Carême, la liturgie nous présente un Évangile qui, toujours, nous surprend : celui de la tentation de Jésus par Satan. Si Jésus est le Fils unique de Dieu, peut-il vraiment être tenté par le Diable ? « Si tu es le Fils de Dieu », cette parole, qui n’exprime que l’ironie de Satan, proclame pourtant la pleine identité de Jésus. Satan qui se croit tout-puissant n’est donc qu’un aveugle. En effet, il ne voit pas que Jésus arrive au désert poussé par l’Esprit Saint, Esprit de lumière et de force, dont il a été comblé et investi, par Dieu lui-même, lors de son baptême au Jourdain.
Comprenons bien : c’est pour nous, les hommes, que Jésus se livre à la tentation comme, plus tard, pour nous toujours, il se livrera à la mort. En cela, Jésus assume toute l’histoire d’Israël puisqu’il est son Messie et même, celle de toute l’humanité qui a commencé par la tentation d’Ève et d’Adam avant de se poursuivre dans l’histoire du peuple élu. Ce peuple déjà tenté en Égypte, puis au pied du Sinaï et dans sa marche au désert durant quarante ans. Peuple de Dieu, toujours tenté, toujours vaincu ! Quand Jésus sort victorieux de la tentation, et cela par trois fois, c’est pour Israël et pour tous les hommes qu’il remporte cette victoire et, en cela, il est déjà notre Sauveur. L’Évangile présente la tentation de Jésus en trois étapes successives. Elle concerne la faim, relation de l’homme avec lui-même, puis, en un second temps, le pouvoir, relation de l’homme avec le monde, enfin la mise à l’épreuve de Dieu lui-même, l’homme dans sa relation avec Dieu. Les trois réponses de Jésus, reprenant des paroles de Dieu dans l’Ancien Testament, mettent fin provisoirement aux tentations de Satan, lequel va s’écarter de lui « jusqu’au moment fixé », c’est-à-dire jusqu’au moment de la Passion.
Pourquoi Satan tente-t-il Jésus ? Sans doute pour le gagner à lui-même tout en le séparant de Dieu, ce qui confirme bien l’ignorance de Satan. Cependant, derrière ces tentations se révèle l’intention profonde du Diable, à savoir la destruction de l’homme lui-même. Satan, en effet, depuis le commencement, reste toujours jaloux de l’homme et de ce qu’il est en vérité : la seule créature à l’image et ressemblance de Dieu. Satan sait bien que s’il arrive à écarter Dieu de la vie de l’homme et du monde, il aura détruit l’homme en ce qu’il a de plus vrai et de plus beau.
Si l’humanité est vraiment sauvée en Jésus le Seigneur, elle peut toujours, en ne comptant que sur ses seules forces, se détruire elle-même en raison de ses propres convoitises et illusions. De cette destruction, toujours possible et toujours à l’œuvre en notre monde, l’histoire récente, hélas, nous en donne des preuves irréfutables. Si nous savons les discerner !
Pour conclure sur une note d’espérance, en cette marche avec le Christ vers Pâques, voyons comment Jésus, concrètement, sauve l’homme. La seconde lecture de ce jour nous donne la bonne réponse : l’homme est sauvé quand est restaurée son unité profonde, quand ce qu’il croit en son cœur, il le confesse sur ses lèvres. Quand le cœur et les lèvres son accordés, l’homme retrouve alors son unité originelle. Tel est aussi l’enseignement de saint Benoît qui nous rappelle cette vérité de l’homme, à savoir que son esprit doive s’accorder avec sa voix. C’est ainsi que l’homme est de nouveau accordé avec lui-même quand, avec Dieu, il se retrouve pleinement accordé. Réconcilié avec Dieu, l’homme peut alors l’être avec lui-même et avec tous ses frères les hommes. Beau programme de Carême pour nous tous !
Références bibliques : Dt 26, 4-10 ; Ps 90 ; Rm 10, 8-13 ; Lc 4, 1-13
Référence des chants : Liste des chants de la messe 170213 à Voreppe